Le dernier ouvrage d Henri Sée : « Histoire économique de la France » - article ; n°3 ; vol.46, pg 243-261
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Description

Annales de Bretagne - Année 1939 - Volume 46 - Numéro 3 - Pages 243-261
19 pages

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Publié par
Publié le 01 janvier 1939
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Poumier
Le dernier ouvrage d'Henri Sée : « Histoire économique de la
France »
In: Annales de Bretagne. Tome 46, numéro 3-4, 1939. pp. 243-261.
Citer ce document / Cite this document :
Poumier Pierre. Le dernier ouvrage d'Henri Sée : « Histoire économique de la France ». In: Annales de Bretagne. Tome 46,
numéro 3-4, 1939. pp. 243-261.
doi : 10.3406/abpo.1939.1795
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1939_num_46_3_1795Pierre POUMIER
LE
DERNIER OUVRAGE D'HENRI SÉE
«HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE»1)
Le premier volume de l'Histoire économique de la France
va du xie siècle à 1789. Henri Sée avait composé cette histoire
pour une collection allemande, et il ne pouvait déborder la
période qui lui était assignée. C'est pourquoi il n'a pas étudié
les origines de l'état économique du xie siècle. Dans l'édition
française, publiée après sa mort, l'avant-propos de M. Schnerb
comble heureusement cette lacune. A M. Schnerb sont dus
aussi les appendices qui, à la fin de chaque chapitre, indiquent
l'état actuel des questions et qui contribuent à faire du livre un
précieux instrument de travail.
Il est bien imprudent à quelqu'un qui n'est pas historien
de parler d'un ouvrage aussi savant. Je ne suis pas en état de
critiquer une œuvre qui est le couronnement d'une vie d'études
et de réflexions. Je me propose seulement de montrer quel
profit peut en retirer un lecteur comme moi sans compétence
spéciale, mais désireux de se cultiver. Si je réussissais, même
(1) Henri Sée. — Histoire économique de la France, publiée avec le concours de
Robert Schnerb. Préface de Armand Rébîllon. Tome Ier. Paris, A. Colin, in-8°, 453 p. LE DERNIER OUVRAGE D'HENRI SÉE 244
dans une faible mesure, je serais heureux d'avoir ainsi rendu
hommage à l'ami incomparable que fut pour moi Henri Sée,
dans ses dernières années.
Quand on veut intéresser le grand public à l'histoire, c'est
d'ordinaire le côté dramatique ou pittoresque des événements
qu'on met en relief. On traite l'histoire comme un roman. Même
quand la vérité ne subit pas d'entorses, de telles histoires amus
ent plus qu'elles n'instruisent. D'un autre côté, les travaux
des érudits n'ont d'intérêt que pour les spécialistes. Pour com
prendre quelque chose de l'histoire, le non-historien doit s'adres
ser à des études d'ensemble d'où se dégagent des vues générales,
à condition qu'elles soient l'œuvre de véritables historiens,
et qu'on puisse se fier à leur documentation.
Entre toutes les formes de l'histoire, l'histoire économique
est l'une des plus sévères, mais aussi l'une de celles qui ouvrent
le plus de perspectives. Elle n'a pas le caractère dramatique de
l'histoire politique ou militaire. On n'y voit pas l'action soudaine
de volontés particulières. Les transformations y sont lentes,
constamment amorties par la persistance des habitudes. En
lisant le livre d'Henri Sée, on aura, quand on passe d'un siècle
à l'autre, une monotonie d'impressions qui n'est que le reflet
de la monotonie de la vie économique de l'ancienne France.
On n'en mesure qu'avec plus de précision l'effet des causes
qui ont lentement modelé la structure de la France d'aujourd'hui.
C'est ce que nous allons essayer de montrer en suivant le livre
d'Henri Sée à propos d'une question particulière, celle de la
propriété rurale dont nous allons sommairement retracer
l'évolution.
Au point de départ, nous trouvons le régime féodal qui cor
respond à une vie économique fermée. Le commerce est à peu
près nul, d'abord à cause de l'insécurité générale, ensuite parce
que les moyens d'échange sont extrêmement réduits : il n'y
a presque plus de monnaies. Les services divers, en particulier
les services militaires sont récompensés par des droits en nature
concédés sur des terres. Ainsi s'achève la désagrégation de
l'Etat commencée lors de la décomposition de l'empire romain. HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE 245
A l'Etat se substitue la hiérarchie féodale, et à une loi civile
uniforme l'enchevêtrement d'obligations personnelles. La notion
de propriété est alors profondément différente de ce qu'elle
est aujourd'hui : les droits que confère la propriété sont morc
elés et répartis suivant la hiérarchie féodale. Celui qui est
au bas de cette hiérarchie, le vilain et même le serf, a ainsi
de véritables droits, masqués sans doute par les abus sans
nombre de la féodalité, mais qui n'en seront pas moins à l'origine
de la petite propriété paysanne.
Jusqu'au Xme siècle, la plupart des paysans sont des serfs.
Ils font partie du domaine et sont vendus avec lui. Ils ne peuvent
le quitter sans autorisation du seigneur. Les charges caracté
ristiques du servage sont personnelles (Chevance, mainmorte,
formariage, taille). La taille est d'abord arbitraire; puis elle
se transforme en « taille abonnée », c'est-à-dire fixe; enfin elle
tend à devenir « réelle », c'est-à-dire à être attachée à la tenure
et non à la personne. Le serf se distingue de l'esclave antique
en ce qu'il a une famille et une propriété transmissible. A côté
des serfs, il y a partout des paysans libres ou vilains dont le
nombre s'accroît sans cesse. En effet, pour mettre en valeur
les terres incultes, les seigneurs attirent sur leurs domaines
des « hôtes » en leur promettant une condition meilleure que
le servage. Par contre-coup, la condition des serfs s'adoucit :
on ne veut pas qu'ils fuient le domaine. Souvent même, en
particulier lorsqu'il a besoin d'argent, le seigneur leur permet
de se racheter de la servitude. Si les vilains échappent aux
contraintes personnelles qui constituent le régime seigneurial,
ils sont assujetis comme les serfs au régime domanial : ils doivent
s'acquitter des nombreuses charges qui pèsent sur leurs tenures.
La distinction entre serfs et vilains n'est pas rigoureusement
tranchée; il y a bien des formes intermédiaires entre les deux
conditions. Nous avons déjà vu que la taille, personnelle à
l'origine, tendait à devenir réelle, si bien qu'elle se rattache
suivant les cas soit au régime seigneurial, soit au régime domanial.
Le droit de mainmorte par lequel le seigneur héritait du serf
qui n'avait pas d'enfants vivant en communauté avec lui avait 246 LE DERNIER OUVRAGE D'HENRI SÉE
parfois, sur les tenures vilaines, des formes atténuées comme
le droit de « relief ». Les charges domaniales étaient très variées.
Il y avait d'abord les corvées qui, à l'origine arbitraires, se
sont peu à peu régularisées. Ensuite des redevances en argent
« cens » et en nature « champart ». Souvent les redevances en
nature, à partir du xine siècle, se transformeront en
en argent. C'est le signe d'un accroissement de la monnaie,
accroissement qui s'accompagne d'une activité commerciale
accrue. Comme la valeur de la monnaie diminue à mesure que
sa quantité augmente, les redevances en argent deviendront
de plus en plus légères. Mais les autres droits féodaux, banalités,
péages, droits de justice, droits de pêche et de chasse, etc.,
continueront à peser lourdement sur la propriété paysanne.
En outre, le clergé prélève la dîme. Cependant, malgré la rigueur
du régime féodal, à mesure qu'une certaine sécurité s'établit
et que les guerres féodales deviennent moins nombreuses, il
se produit une extension notable de la culture. Le Moyen-Age
a été une période de défrichements considérables et de dess
èchements de marécages jusqu'aux ravages de la guerre de
cent ans.
Si on veut se représenter la répartition de la terre au Moyen-
Age, il faut distinguer la « réserve » du seigneur cultivée par
les corvées, les tenures où sont « casés » serfs et vilains, les
portions non cultivées du sol qui sont, elles aussi, propriét

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