Le front de l État. Éléments pour une approche comparative autour de la Méditerranée - article ; n°1 ; vol.48, pg 127-164
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Description

Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1988 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 127-164
38 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Pierre-Robert Baduel
Le front de l'État. Éléments pour une approche comparative
autour de la Méditerranée
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°48-49, 1988. pp. 127-164.
Citer ce document / Cite this document :
Baduel Pierre-Robert. Le front de l'État. Éléments pour une approche comparative autour de la Méditerranée. In: Revue de
l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°48-49, 1988. pp. 127-164.
doi : 10.3406/remmm.1988.2234
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1988_num_48_1_22342. Vers des territorialités closes
Pierre Robert BADUEL
LE FRONT DE L'ÉTAT
Éléments pour une approche comparative
autour de la Méditerranée
Un peu partout dans les pays développés comme dans les pays en voie de déve
loppement, se manifeste une crise de l'Etat. L'hypothèse de précédentes publica
tions sur le Maghreb (P.R. Baduel 1984, 1985) était que, dans l'analyse des fac
teurs de cette crise, le paramètre spatial, souvent négligé, n'est pas en fait des moin
dres éléments explicatifs. Le présent article prolonge cette approche des rapports
entre le spatial, l'étatique et le societal, en centrant le débat sur l'étude du déve
loppement de l'État moderne occidental et l'expansion sud-méditerranéenne de
ce modèle. Dans une première partie j'aborderai, sous l'angle de la mise en rela
tion des paramètres qui ici nous intéressent, la question de l'État «traditionnel».
Dans un deuxième temps j'étudierai l'autonomisation du politique et les logiques
sociétale et territoriale impliquées par l'émergence de l'Etat moderne. Dans un
troisième temps je traiterai de la manière dont l'État contemporain répond au ri
sque d'une double déstabilisation : par le bas, sur le front intérieur, et par le haut,
sur le front international.
1. L'ÉTAT TRADITIONNEL, LA SOCIÉTÉ ET LE SOL
Disons d'emblée que l'État que l'on dit en crise, c'est le modèle d'État qui parti
d'Europe a progressivement atteint, sous une forme ou une autre, la plupart des
pays du monde, et qui n'a pas reflué avec le déclin de l'influence de la vieille Europe,
bien au contraire, à savoir PÉtat/Nation/Territoire.
RMMM 48-49, 1988/2-3 128 / P.-R. Baduel
Trop souvent l'on pense chacun de ces trois termes seul ou du moins un peu
comme dans ces figures de la gestalt-théorie la forme et le fonds, qui, en s'inversant
dans la perception, font chaque fois disparaître l'élément qui n'est plus forme;
mais pour être difficile, il n'en est pas moins absolument nécessaire de les tenir
toujours ensemble. Est-ce dire que l'État moderne est une espèce radicalement
différente de l'État traditionnel?
1.1. Caractéristiques générales de l'État traditionnel.
S'inspirant en partie de Max Weber qui dans Économie et société (chap. Ill) dis
tingue trois types de domination légitime : la domination légale (ou rationnelle
ou statutaire), la domination traditionnelle et la charismatique, G Balan-
dier dans son Anthropologie politique (1969) écrit qu'en tant qu'État, l'État tradi
tionnel a cherché à se constituer d'abord en organe différencié, spécialisé et per
manent de l'action politique et administrative, en appareil de gouvernement, s'appli-
quant à un territoire et organisant l'espace politique de telle manière que cet amé
nagement correspondit à la hiérarchie du pouvoir et de l'autorité, et assura l'exé
cution des décisions fondamentales dans l'ensemble du pays soumis à sa juridic
tion. Cet État coexistait avec des unités politiques qui lui préexistaient, qu'il ne
pouvait abolir et sur lesquelles il devait chercher à modeler ses propres structures.
Si en tant qu'État, il se situait au-dessus de la société dont il devait néanmoins
défendre les intérêts communs, il permettait à une minorité d'exercer une domi
nation durable, au milieu il est vrai de luttes factionnelles incessantes pour la con
quête du pouvoir. Ce pouvoir, le souverain le détenait en vertu d'attributs person
nels et sur la base d'une légitimation par la tradition, confondue pour une bonne
partie avec la religion dominante. Dans ce type d'État, le domaine public se dis
tinguait difficilement du domaine privé du souverain et l'appareil politique et admin
istratif était organisé sur la base de rapports de dépendance personnelle. En con
séquence de quoi les stratégies politiques prenaient assise sur les rapports de parenté
et d'alliance, les rapports de patron à client, les diverses procédures d'inféodation.
Les antagonismes politiques lorsqu'ils se manifestaient dans ce système fortement
polémogène tournaient à l'affrontement entre ordre lignager et ordre hiérarchi
que instauré par l'État.
A la suite d'A.W. Southall (in Alur society : A study in Processes and Types of
Domination^ 1954), G. Balandier a distingué deux types d'États traditionnels : l'État
unitaire et l'État segmentaire. L'État traditionnel unitaire est un État doué d'une
structure de pouvoir pyramidale. L'État de l'avis de Southall
s'est rarement réalisé : sauf dans le cas du mode de production dit du «despotisme
oriental» du marxisme? Quant à l'État segmentaire, il présente, toujours selon
le même auteur et résumées par G. Balandier, les six caractéristiques suivantes :
« 1. La souveraineté territoriale est reconnue, mais limitée : son autorité s'estompe en
s'appliquant aux régions éloignées du centre; 2. le gouvernement centralisé coexiste avec
des foyers de pouvoirs sur lesquels il n'exerce qu'un contrôle relatif; 3. le centre dispose
d'une administration spécialisée qui se retrouve, en réduction, dans les diverses zones;
4. l'autorité centrale n'a pas le monopole absolu de l'emploi légitime de la force; 5. les
niveaux de subordination sont distincts, mais leurs relations restent de caractère pyramid
al : l'autorité est conforme, pour chacun d'eux, à un même modèle; 6. les autorités subor- Le front de l'État I 129
données ont d'autant plus de possibilités de changer d'allégeance qu'elles occupent une position
plus périphérique» (op. cit., 167-168).
Ce texte est particulièrement intéressant car il manipule ensemble deux des para
digmes auxquels recourent les analystes des systèmes politiques méditerranéens :
le paradigme segmentaire et la paradigme «centre-périphérie». Car si souvent on
distingue ces deux paradigmes (J. Leca, 1976), dans l'approche de G. Balandier
et des anthropologues qu'il analyse sont dessinés comme polarités structurales «le
segmentaire» d'un côté et «le centralisé» de l'autre, comme ailleurs (J. Chevalier
éd., 1978) le centre et la périphérie.
1.2. Centre, périphérie, territoire en régime féodal
Avant de poursuivre sur la trajectoire anthropologique qui nous introduit bien
au problême des États du Tiers-Monde contemporain, prenons la mesure de la
profondeur historique de l'État traditionnel. Dans la sociologie wébérienne, l'État
féodal du Moyen Age européen illustre bien ce type d'État. Pareil régime polit
ique offre-t-il des ressemblances avec des régimes historiques du Monde musul
man et plus particulièrement du Maghreb, ou ceux-ci obéissaient-ils à une autre
logique?
• La féodalité médiévale européenne
II n'est bien évidemment pas possible de présenter dans toute sa complexité le
système féodal, qui n'est un système monolithique ni à travers les temps ni à tra
vers l'espace comme l'ont bien montré Marc Bloch (1939) et F.L. Ganshof (1957).
Pour celui-ci et en résumé, sont déterminants de la féodalité les caractères suivants :
«Un développement poussé très loin des liens de dépendance d'homme à homme, avec
une classe de guerriers spécialisés occupant les échelons supérieurs de cette hiérarchie;
un morcellement extrême du droit de propriété; une hiérarchie des droits sur la terre
nés de ce morcellement, hiérarchie correspondant à la des liens de d&

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