Le geste manuel associé au langage - article ; n°10 ; vol.3, pg 119-127
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Description

Langages - Année 1968 - Volume 3 - Numéro 10 - Pages 119-127
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 40
Langue Français

Extrait

Robert Cresswell
Le geste manuel associé au langage
In: Langages, 3e année, n°10, 1968. pp. 119-127.
Citer ce document / Cite this document :
Cresswell Robert. Le geste manuel associé au langage. In: Langages, 3e année, n°10, 1968. pp. 119-127.
doi : 10.3406/lgge.1968.2555
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1968_num_3_10_2555ROBERT GRESSWELL
LE GESTE MANUEL ASSOCIÉ AU LANGAGE
L'un des traits caractéristiques du langage humain est le mouvement
corporel continuel qui accompagne presque partout l'effort de communic
ation verbale. Parmi les composants de ce comportement la gesticulation
manuelle est celui qui traduit le mieux, parfois qui trahit, les nuances de
la pensée qui s'exprime, voire les structures inconscientes de l'esprit,
éventuellement les concepts fondamentaux de la culture dont le langage
est un des véhicules. Malheureusement, tout ce domaine si fécond de la
signification du comportement corporel reste à peu près inexploré, malgré
des suggestions formulées périodiquement par les fondateurs de la science
ethnologique 11 et l'un des buts poursuivis dans ces lignes sera d'esquisser
un cadre possible pour une étude de la gesticulation, l'autre étant de
rendre compte des résultats d'une enquête sur les gestes manuels associés
au langage en milieu français.
De façon précise qu'entend-on par geste manuel associé au langage?
Un geste manuel comprend toute position et tout mouvement de la main
qui nécessite une tension musculaire. Le bras doit être accessoirement pris
en considération pour des raisons évidentes. Le geste doit accompagner
une communication verbale, ce qui exclut les langues manuelles, secrètes
ou ouvertes, et les signes purement conventionnels.
Insister sur ces définitions peut paraître relever d'un scientisme par
trop pointilleux, mais en fait découle du caractère très arbitraire de la
division que l'on opère ainsi dans le domaine de la signification. En ce
qui concerne l'aspect physique du geste pourquoi, en effet, exclure le
haussement d'épaules qui accompagne, ou remplace, les phrases indiquant
l'indifférence ou l'ignorance? Ou, encore, pourquoi ne pas rendre compte
du hochement de tête qui signifie la négation dans les pays arabes? Ou,
1. Cf. parmi d'autres : Gushing (1892); Mauss (1936); et Lévi-Strauss, qui démontre
que l'étude des. techniques corporelles « apporterait des informations d'une richesse
insoupçonnée sur des migrations, des contacts culturels ou des emprunts qui se situent
dans un passé reculé... » (1950, p. xiv). L'un des rares travaux est celui d'Efron (1941)
qui démontre définitivement que la race seule ne joue aucun rôle dans la gesticulation,
et que le milieu socioculturel est un facteur très important. 120
enfin, comment justifier l'exclusion de la mimique faciale très expressive
qui consiste à avancer la tête, lever les sourcils, et abaisser les coins des
lèvres pour signifier le doute en milieu français? En fait, le haussement
d'épaules peut être considéré comme un prolongement de mouvement
de mains, ou comme l'abrègement d'un geste plus ample comprenant
un mouvement de mains, mais qui s'accomplit souvent sans l'usage de
la parole, et a acquis, donc, une certaine valeur de signe conventionnel.
De même le hochement de tête du Moyen-Orient est un signe conventionn
el, intéressant en tant que signifiant, mais n'ayant pas besoin du support
du langage pour être signifié. La mimique faciale participe à la fois du
caractère du geste abrégé, en toute probabilité, et certainement de celui
de signe conventionnel.
Par ailleurs, si l'on exclut les signes conventionnels, si l'on res
treint le comportement à étudier à celui qui accompagne la parole, en
excluant celui qui se substitue à elle, la raison en relève de l'orientation à
donner au travail plus que d'une distinction substantive entre les deux
comportements. En effet, les signes conventionnels sont d'un degré plus
éloignés des structures et concepts que l'on cherche à élucider que le geste
associé au langage. Par exemple, avancer l'index et l'auriculaire, les autres
doigts repliés, pour parer le mauvais œil, ou encore porter la main ainsi
pliée à son front pour ridiculiser un cocu, sont des gestes qui nous ren
seignent sur le symbolisme d'une société, mais qui sont stéréotypés au
niveau de l'effort de communication. S'il est exact que ce geste symbolise
le bélier sacrifié contre le mauvais œil, l'intérêt d'une recherche résidérait
dans la découverte des rapports censés exister entre le bélier et le mauvais
œil, ou dans l'élucidation des raisons pour lesquelles on affuble de cornes
un homme trompé, mais le geste même n'est que la réponse sanctionnée
par la culture à une situation donnée, et nous livre en premier lieu un ense
ignement historique, là où le geste « libre » nous introduit immédiatement
dans le monde des métaphores et symboles sociaux. En d'autres termes,
le choix intervient au niveau de l'évaluation de la situation et non pas au
niveau du geste. Cette évaluation ne concerne donc pas l'effort de commun
ication verbale qui est le domaine qui nous intéresse.
Nous pouvons visualiser plusieurs grandes zones d'intérêt. Premiè
rement, un secteur où le corps exprime par l'attitude adoptée, ou par une
position dans l'espace physique, un état intérieur ou une situation dans
l'espace « social ». Être assis ou debout, assumer un masque fier ou servile,
paraître triste ou joyeux, sont, avec des significations qui diffèrent selon
la culture, autant d'efforts de communication, soit pour exprimer un rap
port social, soit pour le créer, soit pour distiller une ambiance psycholo
gique. Deuxièmement, un secteur où nous retrouvons le geste manuel
associé au langage. Ici le véhicule principal de communication est le verbe,
mais le geste peut revêtir une valeur sémantique secondaire. Enfin, un
secteur où le geste est un signe conventionnel, où il est un signifiant
autonome. Entre ces secteurs une zone diffuse où se combinent les éléments 121
des trois secteurs précédents et où, par conséquent, tout découpage
revêt forcément un aspect arbitraire.
Le domaine d'une étude de gesticulation ainsi délimité, il faut pré
ciser les techniques et concepts de recherche, surtout parce qu'une telle
étude se situe au carrefour de trois disciplines classiques : la linguistique,
la biologie et l'anthropologie culturelle. Dans un premier temps nous
pouvons écarter la biologie, car, bien qu'il existe certainement des rap
ports entre la motricité de la main, le langage et le dispositif neuromoteur,
et bien que l'un des traits qui différencient les primates des autres mamm
ifères soit l'inversion du rapport main-face 2, pour l'instant la biologie
ne peut nous aider que pour délimiter l'espèce humaine sans pouvoir
cerner les groupes culturels. En ce qui concerne les techniques d'analyse
des deux autres disciplines, il faut éviter, tout au moins dans l'état actuel
de la recherche, l'emploi de concepts spécifiques de la linguistique, tels
que phonèmes et morphèmes (sans toutefois préjuger de leur usage évent
uel), ou des clivages et des catégories de l'anthropologie culturelle, tels
que sacré et profane, voire tels que technologie et sociologie. Par exemple,
le fait qu'un prêtre fait le signe de la croix en pronation avec sa paume
tournée vers l'extérieur et non pas en supination, position musculairement
plus détendue, possède une signification qui dépasse le pur symbole religieux.
En ce qui concerne les techniques pratiques de l'enquête, il faut év
idemment utiliser les moyens les plus appropriés : photographies, obser
vation directe, cinéma, etc., mais il faut éviter à ce stade de l'étude une
minutie trompeuse. Avant d'avoir pénétré plus avant dans ce domaine,
chercher la signification des différences de quelques centimètres dans les
mouvements de mains (bien qu'il faille les fixer dès maintenant photo-
graphiquement ou par toute autre méthode) équivaut à chercher à nom
mer l'espèce avant d'avoir déterminé les catactéristiques du genre.
Ayant suggéré les écueils possibles, nous devons maintenant esquisser
l

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