Le krach : avertissement sans frais - article ; n°1 ; vol.23, pg 5-104
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Revue de l'OFCE - Année 1988 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 5-104
The Crash : A Note of Warning Département des diagnostics The stock market crash of October 19th strikingly demonstrated the loss of confidence in the coordination of economic policies. With inflation about to re-emerge, the financing of ever-growing American deficits no longer appeared viable. The upturn in Japan offered new investment opportunities, leaving the Fed with little room for manoeuvre. The choice was either to tighten the budget or to let the dollar fall. The fear of cataclysm had the beneficial effect of strengthening international cooperation. Japan and Germany relaxed their monetary stance, and the US made a few budgetary concessions. This enabled interest rates to fall in the three countries with the dollar only slightly lower. The rising household saving rate and the fall in oil prices postponed the intensifying inflationary pressures. This provides the USA with a respite during which to reduce the trade deficit, which may occur by the end of the year. Growth recorded in the preceding quarters will affect the year as a whole. The expansion of international trade boosted by Asian and European demand has turned out to be significant. In Europe currency overvaluation sustains purchasing power and consumption. But losses in market shares hold back the revival of investment. In Japan the effects of stagnating exports are being offset by an expansionary policy which fosters growth. However, the overvaluation of the European currencies will weigh more and more on activity. A reduction in the current account surplus is then foreseeable in Europe. But it will take time with any hint of expansionary fiscal policy likely to be smothered by the instability of still fragile capital markets. In the 80's the USA, in search of a renewed hegemony, resorted to a supply side policy which has required massive inflows of funds. Internal indebtedness has reached an unprecedented level. Firms appear in a fragile state, and could not easily withstand a further weakening of demand. Bond yields, held up in recent years by optimistic expectations of profitability, will in the future restrain investment. The crash dispersed illusions but not debts. Economic growth in France will also benefit from recent trends. Pre- crash confidence in the stock market channelled saving towards newly privatized firms.lt allowed the government to pursue an expansionary fiscal policy while cutting the deficit. The reduction in the Social Security cash flow will support demand as long as rising contributions do not counteract this. French exports have recently been performing better than in the first sixth months of 1987, taking advantage of the full capacity utilization recorded abroad. Due to these various factors, the growth gap between France and other EEC countries has been bridged. Nevertheless, the trade deficit has widened, due to industrial weakness. Poor performance in services has also burdened the current account. Disinflation has continued and places France on a par with other countries. However the external constraint hampered monetary policy, which became tighter. Short term real interest rates as well as bond yields are still high. France suffers more than Germany from the overvaluation of the European currencies. Indeed German unemployment is lower, and the current account still impressive. The growth impetus will soon fade, which means slack activity in 1989. Due to weak European demand and fiercer competition from the US, French producers will find it harder to perform as well as in the recent past. The fall in stock prices will have contractionary consequences. The direct effect on private consumption will admittedly be limited. Because of the concentration of securities, there should be only a reallocation of portfolio in favour of less risky assets rather than an increase in saving to rebuild the value of the financial wealth. Moreover, consumer credit is likely to grow, given the volume of liquid assets currently held by banks. But rising liquidity preference may slow down privatization, preventing the state from sustaining demand. Private consumption will slacken in 1989 because of the slow growth in real disposable income, attributable partly to the need to balance the Social Security accounts. Investment demand could increase less in 1988 and less again in 1989. The present revival of investment due to small and medium firms is liable to fall back as external demand and overall activity shade off. That financial investments have become less attractive does not imply that physical investments have become more attractive. Indeed, greater uncertainty concerning both demand and profits stimulates the external growth of firms by absorption of competitors. In spite of the crash, corporate profits indeed have increased. Provided sufficient restructuring occurs, this greater profitability should enable the productivity gains that the enhanced international competition requires.
Le krach boursier du 19 octobre 1987 a manifesté de manière éclatante la perte de confiance en la coordination des politiques économiques. Il n'était plus question de financer, sans limites apparentes, les déficits américains, dès lors que l'inflation menaçait de res- surgir. D'autant que la reprise autonome du Japon offrait aux investisseurs des opportunités alternatives de placement, ôtant ainsi à la politique monétaire de la Réserve fédérale ses dernières marges de manœuvre. Le choix n'était plus alors qu'entre un tour de vis des finances publiques et la chute du dollar. La peur du cataclysme a eu le mérite de renforcer la coopération internationale. La RFA et le Japon ont assoupli leur position monétaire et les Etats-Unis ont fait quelques concessions budgétaires. Les taux d'intérêt ont pu baisser dans ces trois pays avec une décote modérée du dollar. La remontée du taux d'épargne des consommateurs américains et la baisse des cours du pétrole ont différé l'aggravation des tensions inflationnistes. Le délai de grâce supplémentaire qui en résulte doit impérativement être mis à profit par les Etats-Unis pour réduire significati- vement leur déficit commercial. Il se peut qu'il le soit d'ici à la fin de l'année. L'année 1988 est portée par l'expansion des trimestres récents. Celle-ci est spécialement visible dans les volumes d'échanges internationaux, tirés par les demandes européenne et asiatique. En Europe le pouvoir d'achat est soutenu par la surévaluation des monnaies, qui stimule la consommation ; en contrepartie la reprise de l'investissement est bridée par les pertes de parts de marché. Au Japon la politique économique expansive neutralise les effets de la stagnation des exportations, si bien que la croissance y apparaît mieux ancrée. Le poids de la surévaluation affectera de plus en plus l'activité européenne. La diminution de l'excédent des paiements courants européens est prévisible. Elle sera néanmoins très progressive, car les velléités de stimulation budgétaire seront étouffées par l'instabilité des marchés de capitaux ébranlés par l'accumulation des désordres passés. Dans la décennie quatre-vingt la politique de l'offre menée aux Etats-Unis en vue de restaurer leur hégémonie a nécessité des moyens financiers considérables. Elle a eu pour effet de porter l'endettement interne à un niveau inconnu jusqu'alors. Les entreprises en sortent fragilisées. Elles supporteraient mal un tassement de la demande. Les taux de rendement des obligations, dopés ces dernières années par des anticipations de rentabilité du capital très optimistes, pèseront à l'avenir sur l'investissement. Le krach a dissipé les illusions, mais pas les dettes. En France aussi la croissance de 1988 bénéficie d'un acquis appréciable. La confiance antérieure dans la Bourse a permis, en mobilisant l'épargne vers les sociétés nouvellement privatisées, de pratiquer une politique fiscale expansive, tout en réduisant le déficit de l'Etat. L'amenuisement de la trésorerie de la Sécurité sociale joue aussi dans le sens du soutien de la demande tant que des hausses de cotisations ne viennent pas le contrecarrer. Les exportations françaises ont regagné récemment une part du terrain perdu au premier semestre 1987, en profitant de la saturation des capacités de production de nos partenaires. Tous ces éléments ont permis que se résorbe le retard conjoncturel subsistant vis-à-vis des autres pays de la CEE. Cependant le déficit commercial s'est creusé, en raison des faiblesses de l'industrie, et la balance des paiements courants souffre aussi des performances décevantes des services. En dépit d'une désinflation persistante, qui situe honorablement la France dans la moyenne communautaire, la politique monétaire subit une contrainte externe qui en accroît la rigueur. Les taux d'intérêt réels de court terme restent élevés, ce qui ajoute aux inconvénients de taux de rendement obligataires eux-mêmes encore très tendus. Le fait est que la France supporte moins bien que la RFA, où le chômage est moindre et l'excédent courant massif, la surévaluation générale des monnaies européennes. Les stimulants de la croissance paraissent devoir s'affaiblir prochainement, ce qui nous fait envisager une activité très ralentie en 1989. Dans un commerce international qui cesserait d'être entraîné par la demande de nos voisins immédiats et où la concurrence américaine continuera de se renforcer, il est peu vraisemblable que les producteurs français arrivent à se maintenir aussi bien que dans le passé récent. sur la consommation des ménages. En effet, du fait de la concentration des valeurs mobilières, on assistera davantage à une réallocation privilégiant les placements moins risqués et l'épargne-logement qu'à un regain d'épargne destiné à reconstituer les patrimoines. De plus les disponibilités bancaires poussent à développer encore rapidement le crédit à la consommation. Mais la préférence pour la liquidité s'est accrue et risque d'entraver la suite du programme de privatisations, privant ainsi l'Etat de ressources propres à soutenir la demande. Enfin la consommation des ménages s'affaiblira en 1989 en raison d'une moindre croissance du revenu disponible réel, le déficit structurel des comptes sociaux imposant à la fois de réduire la croissance des prestations versées et d'alourdir les prélèvements. Les dépenses d'équipement des entreprises pourraient augmenter moins dès 1988 et à nouveau en 1989. La reprise actuelle de l'investissement, essentiellement fondée sur les petites et moyennes entreprises, est sujette à retournement dès que l'activité se tassera, suivant en cela la demande extérieure. Le fait que les placements financiers aient perdu une partie de leur attrait n'implique pas que les investissement physiques aient retrouvé le leur. Un climat d'incertitude accru quant à la demande et aux rendements futurs renforce l'intérêt de la croissance externe par rachat d'entreprises concurrentes. Les profits accumulés par les entreprises ont progressé en dépit de la crise boursière, ce qui autorise la réalisation, sous couvert de restructurations, de gains de productivité rendus toujours plus nécessaires par /'exacerbation de la concurrence internationale.
100 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 121
Langue Français
Poids de l'ouvrage 9 Mo

Extrait

Département des diagnostics de
l'OFCE
Philippe Sigogne
Jacques Adda
Véronique Riches
Richard Wind
Françoise Milewski
Véronique Przedborski
Monsieur Alain Gubian
Stéphane Corsaletti
Le krach : avertissement sans frais
In: Revue de l'OFCE. N°23, 1988. pp. 5-104.
Citer ce document / Cite this document :
Département des diagnostics de l'OFCE, Sigogne Philippe, Adda Jacques, Riches Véronique, Wind Richard, Milewski
Françoise, Przedborski Véronique, Gubian Alain, Corsaletti Stéphane. Le krach : avertissement sans frais. In: Revue de l'OFCE.
N°23, 1988. pp. 5-104.
doi : 10.3406/ofce.1988.1133
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ofce_0751-6614_1988_num_23_1_1133Abstract
The Crash : A Note of Warning Département des diagnostics The stock market crash of October 19th
strikingly demonstrated the loss of confidence in the coordination of economic policies. With inflation
about to re-emerge, the financing of ever-growing American deficits no longer appeared viable. The
upturn in Japan offered new investment opportunities, leaving the Fed with little room for manoeuvre.
The choice was either to tighten the budget or to let the dollar fall. The fear of cataclysm had the
beneficial effect of strengthening international cooperation. Japan and Germany relaxed their monetary
stance, and the US made a few budgetary concessions. This enabled interest rates to fall in the three
countries with the dollar only slightly lower. The rising household saving rate and the fall in oil prices
postponed the intensifying inflationary pressures. This provides the USA with a respite during which to
reduce the trade deficit, which may occur by the end of the year. Growth recorded in the preceding
quarters will affect the year as a whole. The expansion of international trade boosted by Asian and
European demand has turned out to be significant. In Europe currency overvaluation sustains
purchasing power and consumption. But losses in market shares hold back the revival of investment. In
Japan the effects of stagnating exports are being offset by an expansionary policy which fosters growth.
However, the overvaluation of the European currencies will weigh more and more on activity. A
reduction in the current account surplus is then foreseeable in Europe. But it will take time with any hint
of expansionary fiscal policy likely to be smothered by the instability of still fragile capital markets. In the
80's the USA, in search of a renewed hegemony, resorted to a supply side policy which has required
massive inflows of funds. Internal indebtedness has reached an unprecedented level. Firms appear in a
fragile state, and could not easily withstand a further weakening of demand. Bond yields, held up in
recent years by optimistic expectations of profitability, will in the future restrain investment. The crash
dispersed illusions but not debts. Economic growth in France will also benefit from recent trends. Pre-
crash confidence in the stock market channelled saving towards newly privatized firms.lt allowed the
government to pursue an expansionary fiscal policy while cutting the deficit. The reduction in the Social
Security cash flow will support demand as long as rising contributions do not counteract this. French
exports have recently been performing better than in the first sixth months of 1987, taking advantage of
the full capacity utilization recorded abroad. Due to these various factors, the growth gap between
France and other EEC countries has been bridged. Nevertheless, the trade deficit has widened, due to
industrial weakness. Poor performance in services has also burdened the current account. Disinflation
has continued and places France on a par with other countries. However the external constraint
hampered monetary policy, which became tighter. Short term real interest rates as well as bond yields
are still high. France suffers more than Germany from the overvaluation of the European currencies.
Indeed German unemployment is lower, and the current account still impressive. The growth impetus
will soon fade, which means slack activity in 1989. Due to weak European demand and fiercer
competition from the US, French producers will find it harder to perform as well as in the recent past.
The fall in stock prices will have contractionary consequences. The direct effect on private consumption
will admittedly be limited. Because of the concentration of securities, there should be only a reallocation
of portfolio in favour of less risky assets rather than an increase in saving to rebuild the value of the
financial wealth. Moreover, consumer credit is likely to grow, given the volume of liquid assets currently
held by banks. But rising liquidity preference may slow down privatization, preventing the state from
sustaining demand. Private consumption will slacken in 1989 because of the slow growth in real
disposable income, attributable partly to the need to balance the Social Security accounts. Investment
demand could increase less in 1988 and less again in 1989. The present revival of investment due to
small and medium firms is liable to fall back as external demand and overall activity shade off. That
financial investments have become less attractive does not imply that physical investments have
become more attractive. Indeed, greater uncertainty concerning both demand and profits stimulates the
external growth of firms by absorption of competitors. In spite of the crash, corporate profits indeed have
increased. Provided sufficient restructuring occurs, this greater profitability should enable the
productivity gains that the enhanced international competition requires.
Résumé
Le krach boursier du 19 octobre 1987 a manifesté de manière éclatante la perte de confiance en la
coordination des politiques économiques. Il n'était plus question de financer, sans limites apparentes,les déficits américains, dès lors que l'inflation menaçait de res- surgir. D'autant que la reprise autonome
du Japon offrait aux investisseurs des opportunités alternatives de placement, ôtant ainsi à la politique
monétaire de la Réserve fédérale ses dernières marges de manœuvre. Le choix n'était plus alors
qu'entre un tour de vis des finances publiques et la chute du dollar. La peur du cataclysme a eu le
mérite de renforcer la coopération internationale. La RFA et le Japon ont assoupli leur position
monétaire et les Etats-Unis ont fait quelques concessions budgétaires. Les taux d'intérêt ont pu baisser
dans ces trois pays avec une décote modérée du dollar. La remontée du taux d'épargne des
consommateurs américains et la baisse des cours du pétrole ont différé l'aggravation des tensions
inflationnistes. Le délai de grâce supplémentaire qui en résulte doit impérativement être mis à profit par
les Etats-Unis pour réduire significati- vement leur déficit commercial. Il se peut qu'il le soit d'ici à la fin
de l'année. L'année 1988 est portée par l'expansion des trimestres récents. Celle-ci est spécialement
visible dans les volumes d'échanges internationaux, tirés par les demandes européenne et asiatique.
En Europe le pouvoir d'achat est soutenu par la surévaluation des monnaies, qui stimule la
consommation ; en contrepartie la reprise de l'investissement est bridée par les pertes de parts de
marché. Au Japon la politique économique expansive neutralise les effets de la stagnation des
exportations, si bien que la croissance y apparaît mieux ancrée. Le poids de la surévaluation affectera
de plus en plus l'activité européenne. La diminution de l'excédent des paiements courants européens
est prévisible. Elle sera néanmoins très progressive, car les velléités de stimulation budgétaire seront
étouffées par l'instabilité des marchés de capitaux ébranlés par l'accumulation des désordres passés.
Dans la décennie quatre-vingt la politique de l'offre menée aux Etats-Unis en vue de restaurer leur
hégémonie a nécessité des moyens financiers considérables. Elle a eu pour effet de porter
l'endettement interne à un niveau inconnu jusqu'alors. Les entreprises en sortent fragilisées. Elles
supporteraient mal un tassement de la demande. Les taux de rendement des obligations, dopés ces
dernières années par des anticipations de rentabilité du capital très optimistes, pèseront à l'avenir sur
l'investissement. Le krach a dissipé les illusions, mais pas les dettes. En France aussi la croissance de
1988 bénéficie d'un acquis appréciable. La confiance antérieure dans la Bourse a permis, en mobilisant
l'épargne vers les sociétés nouvellement privatisées, de pratiquer une politique fiscale expansive, tout
en réduisant le déficit de l'Etat. L'amenuisement de la trésorerie de la Sécurité sociale joue aussi dans
le sens du soutien de la demande tant que des hausses de cotisations ne viennent pas

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