Le mot « nègre » dans les dictionnaires français d Ancien régime; histoire et lexicographie - article ; n°1 ; vol.15, pg 79-104
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Le mot « nègre » dans les dictionnaires français d'Ancien régime; histoire et lexicographie - article ; n°1 ; vol.15, pg 79-104

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Description

Langue française - Année 1972 - Volume 15 - Numéro 1 - Pages 79-104
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 74
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Simone Delesalle
Madame Lucette Valensi
Le mot « nègre » dans les dictionnaires français d'Ancien
régime; histoire et lexicographie
In: Langue française. N°15, 1972. pp. 79-104.
Citer ce document / Cite this document :
Delesalle Simone, Valensi Lucette. Le mot « nègre » dans les dictionnaires français d'Ancien régime; histoire et lexicographie.
In: Langue française. N°15, 1972. pp. 79-104.
doi : 10.3406/lfr.1972.5612
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1972_num_15_1_5612Simone Delesalle, Lugette Valensi, Paris-VIII (Vincennes)
LE MOT « NÈGRE »
DANS LES DICTIONNAIRES FRANÇAIS
D'ANCIEN RÉGIME
HISTOIRE ET LEXICOGRAPHIE
Objet : formes de V ethnocentrisme européen.
Sur le thème de l'altérité culturelle, plusieurs groupes d'enseignants et
d'étudiants ont entrepris, de Vincennes, un nouveau voyage de découverte :
celle de l'homme blanc. Avec des corpus différents et selon des méthodes
d'approche diverses, il s'agissait de décrire quelle image de l'autre surgit
de la culture occidentale, quelles sont les représentations collectives concer
nant l'Indien d'Amérique, le Noir, le Turc, le Maure, etc.
Les pages qui vont suivre sont les premiers résultats des travaux de
l'un de ces groupes 1. Son programme n'était pas d'écrire l'histoire de la
traite des Nègres et de la condition servile, ni celle des sociétés africaines
du xvie au xvine siècle : l'on se proposait d'analyser comment se constituait
l'ethnocentrisme européen, comment les stéréotypes concernant les Noirs
se composaient, se conservaient et se modifiaient.
Constitution du corpus : le rejet de la littérature.
A la question « où trouver les Noirs? », nous avons répondu en rejetant
la littérature. Si, en effet, on entendait par littérature l'ensemble de la pro
duction écrite de l'Ancien Régime, et non pas seulement les ouvrages classés
alors dans la catégorie des « Belles Lettres », l'opération était démesurée
et impossible. Aurait-on trouvé les textes où apparaît le Noir, qu'il aurait
fallu procéder à des prélèvements : démarche arbitraire, car nos choix
auraient trahi le projet des auteurs. Au surplus, des « extraits » ne sont pas
autonomes. Ils auraient immanquablement renvoyé à l'œuvre d'où on les
aurait tirés, puis à toute la production de l'auteur, puis aux sources utilisées
par cet auteur, etc. Autant de voies d'évasion qui nous auraient éloignés de
l'objectif prévu et finalement égarés.
Si on avait travaillé sur un matériel pré-traité, sur ces « auteurs choisis »
1. Quoique la rédaction de cet article ait été assurée par ses deux signataires et
n'engage qu'elles, l'analyse du corpus doit beaucoup aux autres membres du groupe,
notamment R. Ducatez, D. Levi-Bencheton, G. Thomas.
79 qu'une certaine société, à un moment donné, a reconnus et retenus, on aurait
obtenu un témoignage sur ceux-mômes qui ont fait ce tri. Par ce trait
ement téléologique, on aurait trouvé dans Voltaire, Diderot, Rousseau, etc.,
ce qu'on y avait mis : le progrès des Lumières, du rationalisme, etc.
Or, il s'agissait d'éliminer le subjectif, le singulier, le rare, en tant qu'ils
excèdent le savoir moyen, l'imaginaire moyen. Ou du moins on pouvait y
revenir une fois défini un profil type du Noir dans la psychologie collective,
et mesurer alors en quoi les « grands » auteurs se singularisaient.
Le choix des dictionnaires.
Les dictionnaires ont été préférés aux œuvres littéraires, d'abord en
raison du caractère separable des messages qui les composent. Texte clos,
qui se suffit à lui-même, l'entrée de dictionnaire se laisse épuiser.
Surtout, à travers les dictionnaires, on pouvait espérer atteindre les
stéréotypes. Car le dictionnaire se borne à enregistrer, il implique la tradi
tion, au contraire de l'œuvre littéraire qui suppose création et innovation.
Le dictionnaire ne peut être que catalogue d'idées reçues, somme de lieux
communs, sans quoi, il manquerait son but.
De plus, par le jeu des multiples éditions de dictionnaires, les énoncés
qu'ils contiennent se figent davantage encore en stéréotypes : les Girard
(synonymes), Trévoux, les dictionnaires de l'Académie française fournissent
une information répétée à l'infini. Et puis le dictionnaire n'est pas seulement
le résultat d'une compilation de données recueillies à d'autres sources, extra-
lexicographiques. Il est aussi compilation d'autres dictionnaires, et ce jeu
élève encore le taux de répétition des énoncés produits.
Est-on en droit de postuler que le lecteur accepte le message envoyé
par l'émetteur? Oui, en raison même du genre auquel appartient le diction
naire. Produit didactique, il se donne comme la vérité. Anonyme, comme
celui de l'Académie française, ou portant la marque de l'universel (« le Tré
voux »), il veut être le contraire de l'œuvre littéraire, produit d'un sujet
qui se dévoile. Par ailleurs, le dictionnaire instaure une forme de communic
ation qui aboutit à l'identification du lecteur avec l'auteur des énoncés :
le lecteur qui consulte un pose une question et attend une
réponse sans détour, un texte de loi, qui ne souffre pas de débat, qui inter
dise le doute. Enfin, le dictionnaire prétend à l'exhaustivité; il totalise le
savoir, il est « trésor » de la langue et de la communauté linguistique à
laquelle appartient le récepteur 2. Celui-ci ne peut donc en être que le
conservateur (Dubois, 1970 et 1971).
Méthode de travail.
Ces postulats posés, ces choix une fois décidés, qu'allait-on chercher
2. La lecture de Dubois 71, postérieure à notre choix, Га confirmé cependant. Voir
surtout le chapitre XI. Le dictionnaire est un texte culturel : « Cette culture est faite
d'un ensemble d'assertions sur l'homme et sur la société, assertions prenant valeur de
lois universelles pour la communauté socio-culturelle que forment les lecteurs. » II faut
rappeler toutefois l'écart certain, mais impossible à mesurer, qui existe aux xvii-
xvine siècles, entre la linguistique française, et la communauté socio
culturelle à laquelle les lecteurs de dictionnaires appartiennent.
80 les Dictionnaires 3? On a d'abord navigué à l'estime, s' arrêtant aux dans
entrées Afrique /Africain, Cafre/Cafrerie, Congo, Ethiopie /Éthiopien, Nigri-
tie, Noir. Mais il s'est rapidement révélé que le signe Nègre incluait tous les
autres, et que ses occurrences étaient plus fréquentes dans l'ensemble des
dictionnaires que celles des autres termes.
Les entrées analysées présentaient des renvois implicites (« esclaves »,
« noir », etc.) et explicites (voyez « Nigritie », par exemple) à d'autres entrées.
On ne retiendra ici que la lecture de l'entrée Nègre.
Une fois les entrées Nègre collectées, nous avons procédé à une analyse
interne de chacune d'elles, et au classement de l'ensemble. L'historienne,
infidèle à la tradition de l'explication de texte historique, ne s'est donc pas
préoccupée de vérifier l'exactitude des informations contenues dans les
dictionnaires, ni d'enquêter sur leurs auteurs. Les données externes qu'on
trouvera plus loin (I, 1) n'ont été apportées que pour éviter au lecteur des
erreurs d'interprétation. S. Delesalle, de son côté, a recherché quels étaient
les procédés de fabrication des dictionnaires et leur fonction idéologique.
On a opéré ici en se servant de divers outils de l'analyse du discours,
c'est-à-dire d'une part des analyses d'énoncé, d'autre part de l'analyse des
marques d'énonciation, en les ajustant à l'objet particulier qui était le
nôtre, c'est-à-dire le discours des dictionnaires d'une période donnée, à
propos d'un mot donné.
Il s'agit donc d'une étude contrastive et diachronique à la fois, qui a
principalement les caractéristiques suivantes :
Techniquement, l'invariant nous est donné : c'est le mot-entr&

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