Le Parti communiste français et les problèmes littéraires (1920-1939) - article ; n°3 ; vol.17, pg 520-544
26 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le Parti communiste français et les problèmes littéraires (1920-1939) - article ; n°3 ; vol.17, pg 520-544

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
26 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue française de science politique - Année 1967 - Volume 17 - Numéro 3 - Pages 520-544
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 96
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jean-Pierre Bernard
Le Parti communiste français et les problèmes littéraires (1920-
1939)
In: Revue française de science politique, 17e année, n°3, 1967. pp. 520-544.
Citer ce document / Cite this document :
Bernard Jean-Pierre. Le Parti communiste français et les problèmes littéraires (1920-1939). In: Revue française de science
politique, 17e année, n°3, 1967. pp. 520-544.
doi : 10.3406/rfsp.1967.393020
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1967_num_17_3_393020Parti Communiste Français Le
et les Problèmes Littéraires (1920-1939)
JEAN-PIERRE BERNARD
Parti d'inspiration marxiste, affilié à la IIIe Internationale, le
Parti communiste français ne pouvait éviter de se trouver
confronté au problème de l'élaboration d'une ligne littéraire
révolutionnaire. L'influence de l'idéologie sur les phénomènes litt
éraires avait été en effet clairement mise en lumière à la suite de
Marx par Lénine et Trotsky1. Le Parti bolchevik au pouvoir,
fidèle à son objectif de remodeler intégralement l'ancienne société
tsariste avait affirmé son intention de contrôler idéologiquement
les modes de création. On peut à cet égard distinguer, très schéma-
tiquement, plusieurs périodes dans la conception soviétique des
problèmes littéraires.
De 1917 à 1928, dans l'intense bouillonnement révolutionnaire,
les tendances les plus diverses ont la possibilité de se manifester
et la ligne officielle du parti consacre leur coexistence. Trotsky,
Boukharine, nettement réticents à l'égard d'une littérature trop
exclusivement prolétarienne, protègent des compagnons de route
tels que Pilniak, Babel, Ivanov, de l'ardeur inquisitrice des doctri
naires prolétariens décidés à imposer sans partage leur hégémonie
sur le secteur littéraire.
En 1928, la mise en œuvre du plan quinquennal, l'emprise
croissante de Staline sur le pouvoir vont permettre aux tenants de
la littérature prolétarienne d'arriver à leurs fins. L'organisation du
domaine littéraire est calquée sur l'organisation économique. L'ind
ividualisme est sévèrement pourchassé en la personne des compa
gnons de route et l'Association des écrivains prolétariens sovié-
1. Voir Lénine (V.), Sur la littérature et sur l'art, Paris, Editions sociales,
1957; Trotsky (L.), Littérature et révolution, trad, de P. Frank et C. Ligny,
Paris, Julliard, coll. Les lettres nouvelles, 1964. Littéraires 521 Problèmes
tiques (R.A.P.P.), canalisant impérativement l'inspiration des écri
vains dans des voies collectivistes, devient toute-puissante. En
outre, la R.A.P.P. favorise systématiquement l'éclosion d'une florai
son d'écrivains ouvriers qui donnent à la littérature un aspect
résolument industrialiste et strictement orthodoxe sur le plan idéo
logique.
En 1932, la R.A.P.P. atteint un point d'essoufflement certain.
Le réseau administratif qu'elle a tendu sur la vie littéraire a eu
pour résultat de stériliser profondément celle-ci. Le parti sent alors
la nécessité d'agir. La R.A.P.P. est dissoute en avril 1932 et les
compagnons de route retrouvent un certain crédit. Cette oxygén
ation des lettres soviétiques demeurera relativement éphémère,
car dès 1935-1936, sous l'impulsion de Jdanov, porte-parole de
Staline et héraut du nouveau dogme, le réalisme socialiste, le con
trôle du parti sur les activités créatrices va devenir plus sévère
encore. A partir de cette date, en effet, la ligne n'est édictée
par une association d'écrivains, mais directement inspirée par le
pouvoir politique.
Que retenir de ce rapide survol de la situation soviétique lors
qu'on désire se pencher sur l'attitude du Parti communiste français
devant les mêmes problèmes ? Il ne faut pas rechercher, à partir
de l'examen du modèle soviétique, les preuves d'une soumission
absolue de la part des communistes français. Au contraire, l'étude
parallèle des positions des deux partis devant la littérature permet
de saisir de façon évidente l'abîme qui sépare un Parti commun
iste au pouvoir d'un Parti communiste isolé dans une société bourg
eoise. Le Parti communiste soviétique, reflet d'une et non
pas seulement organisation politique, peut infléchir le mouvement.
Force dynamique qui lance l'action, il sait aussi être un frein qui
retient les critiques prolétariens extrémistes sur la voie de l'ou
trance.
Le P.C. F. n'a pas les coudées aussi franches. Il lui faut d'abord
conquérir une position politique, et les préoccupations culturelles
passent au second plan. De plus, il n'a pas les moyens de remod
eler le visage de la France littéraire de l'entre-deux-guerres.
Aussi allons-nous suivre, jusqu'en 1932-1933, ses tentatives, ses
tâtonnements et finalement son échec pour forger une ligne litté
raire spécifiquement communiste. En un second temps, l'esprit
d'unité soufflant sur la gauche, nous verrons le parti abandonner
avec soulagement le dogme de la littérature prolétarienne pour
s'efforcer d'attirer à lui des écrivains extrêmement divers sur le
plan littéraire, mais rapprochés par la défense d'un certain idéal
politique.
34 522 Le P.C.F. et les Intellectuels 1920-1939
I. LA LITTERATURE PROLETARIENNE
DE 1921 A 1926
Au deuxième congrès de l'Internationale (juillet-août 1920), les
représentants du Proletcult soviétique2 avaient engagé les délé
gués étrangers à constituer un Proletcult international.
Le 12 août 1920, un bureau central, hâtivement constitué, lan
çait un appel aux « frères prolétaires du monde entier ».
« L'art — un poème prolétarien, un roman, une chanson, une
œuvre musicale, une pièce de théâtre — présente un moyen
de propagande d'une énorme puissance. L'art organise le sen
timent de même que la propagande des idées organise la
pensée ... L'art définit la volonté avec la même force que le
font les idées ... Au point de vue de l'instruction, les prolé
taires d'Europe sont supérieurs à leurs camarades russes.
Aussi, dans les pays d'Occident, la culture prolétarienne s'épa-
nouira-t-elle avec plus de succès. Mais il ne s'agit pas de riva
liser, mais de s'entr'aider dans la construction fraternelle d'une
culture socialiste. a »
Les réalisations du Proletcult international ne dépassèrent guère
la rédaction de ce texte. Le rapporteur français du projet, Ray
mond Lefebvre, disparut en 1920 dans l'océan Glacial en revenant
de Russie.
Le Parti communiste français sur le point de naître allait donc
se trouver livré à lui-même en ce domaine.
Les intellectuels qui suivent la majorité au congrès de Tours
restent très éloignés de l'ardeur fiévreuse qui pousse au même
moment les écrivains soviétiques à poser les jalons d'une culture
nouvelle. Un homme comme Georges Pioch, poète symbolisant et
secrétaire de la fédération de la Seine, affecte plus les poses de
tribun populaire qu'il ne s'efforce d'adapter sa poésie aux exi
gences de l'idéologie marxiste. Georges Chennevière, critique li
ttéraire à L'Humanité de 1919 à 1923, est plus fidèle aux concept
ions globales de l'unanimisme qu'à la culture prolétarienne consi
dérée comme un instrument de lutte. Pari Janine, traducteur d'ou-
2. Le Proletcult soviétique avait été fondé en 1917 par A. Bogdanov.
Il avait pour buts parallèles de diffuser la culture dans les milieux ouvriers
et de créer les bases d'une littérature prolétarienne.
3. Cité par Goriely (Benjamin), Les poètes dans la révolution russe,
Paris, Gallimard, 1934, pp. 122-123. Littéraires 523 Problèmes
vrages soviétiques pour le compte des Editions sociales internatio
nales et collaborateur de L'Humanité, ne met guère en pratique,
ni dans son activité critique, ni dans ses romans, les leçons de
littérature prolétarienne apparentes dans les ouvrages qu'il adapte
en français. Marcel Martinet, directeur littéraire de L'Humanité de
1

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents