Le poids du feu. - article ; n°3 ; vol.3, pg 222-241
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Description

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1950 - Volume 3 - Numéro 3 - Pages 222-241
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1950
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gérard Vassails
Le poids du feu.
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1950, Tome 3 n°3. pp. 222-241.
Citer ce document / Cite this document :
Vassails Gérard. Le poids du feu. In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1950, Tome 3 n°3. pp. 222-241.
doi : 10.3406/rhs.1950.2825
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1950_num_3_3_2825■
Le poids du feu
i.
Cet article essaie de dégager les lignes générales de l'histoire
des théories sur la chaleur, telles que les révèle une étude plus
détaillée, qui dépasserait évidemment le cadre de cette revue.
Dans toute recherche de ce genre c'est tout d'abord sur la
science grecque qu'il faut porter l'attention. Nul n'en ignore,
la moderne est née de la fusion de l'énorme masse d'acqui
sitions empiriques accumulées par l'artisanat médiéval et de sa
méthode d'acquisition : l'expérience, avec l'inépuisable réserve
théorique constituée par les philosophes grecs et véhiculée jusqu'aux
universités d'Occident par les Arabes, de sorte que dans la science
grecque se trouvent déjà en germe presque toutes les conceptions
théoriques postérieures. Nous y trouvons l'importance cosmolog
ique, biologique, technique du feu partout soulignée, mais un
désaccord divise essentiellement les écoles, qui porte, comme
pour l'air, sur la nature matérielle du feu. Les idéalistes la nient,
tel Aristote pour qui ni air ni feu ne sont des réalités sensibles
« car. c'est par le tact qu'on juge des réalités sensibles », et sont
démunis de poids, ou plus exactement, dirions-nous, doués d'un
poids négatif, avec leur « lieu naturel » situé à la périphérie de
l'Univers. Les atomistes au contraire affirment la corporéité,
la pesanteur, bref la matérialité du feu. Mais ses atomes, disent-ils,
sont beaucoup plus petits que ceux des autres éléments, beaucoup
plus éloignés' les uns des autres, ce qui explique son extrême
légèreté à l'é.chelle sensible. D'autre part ils sont doués d'une
mobilité énorme qu'accroît leur forme sphérique apte au glissement
sans frottement, et 'ce sont ces mouvements rapides q"ue notre
toucher traduit par la sensation de chaud. Ainsi, dans l'atomisme
grec nous trouvons, unis, les deux aspects contradictoires : la
chaleur substance originale et la chaleur mouvement, qui vont
au xvne siècle donner naissance à deux théories distinctes puis, LE POIDS DU FEU 223
plus tard, rivales. Portées par la bourgeoisie en lutte contre la
féodalité, les sciences de la nature se sont développées la
théologie et à travers elle contre l'aristotélisme dogmatique,
fossilisé, de la scolastique. Aussi est-ce chez les mathématiciens
et les philosophes matérialistes de la Grèce qu'elles ont cherché
et trouvé les théories les plus fécondes, les plus vraies, et non
dans Aristote ni dans Platon.
II •
En 1620, dans son Novum Organum, François Bacon expose
déjà clairement la théorie mécanique, selon laquelle la chaleur
n'est qu'un mode de mouvement des molécules de la matière
ordinaire, solide, liquide ou gazeuse, sans intervention d'une
substance chimiquement originale. Pour lui, la chaleur « considérée
en elle-même, et non pas relativement à nos sensations », c'est
« un mouvement expansif, non pas d'ensemble et de la masse
entière, mais de chacune des molécules, en telle sorte qu'il est en
même temps empêché, combattu, répercuté ; de là une continuelle
alternative, une trépidation... ». Une bonne preuve, dit-il, c'est
qu' « au moyen du frottement, vous produisez de la chaleur, sans
le secours d'une substance déjà chaude ». Soutenue également par
Locke, la théorie cheminera tout au long des xvue et xvine siècles,
gagnant constamment du terrain. Descartes, tout en s'opposant
si résolument aux atomistes sur la question du vide, met lui aussi
en cause pour expliquer le feu un mouvement rapide des « petites
parties des corps terrestres », impulsé et entretenu cependant par
l'agitation extrême de la matière du « premier élément » — consti
tutive des astres — qui baigne ces particules. L'abbé Mariotte
écrit en 1717 dans son Traité du chaud et du froid que « si les corps
ne sont chauds que par un mouvement violent de leurs molécules,
il s'ensuit nécessairement que, lorsque leur mouvement cesse, ils
demeureront froids et sans chaleur » et en 1728, Daniel Bernouilli
propose la première théorie cinétique des gaz. A partir de 1696,
la découverte de la conservation des forces vives favorisa beaucoup
la théorie mécanique en lui permettant d'expliquer, quoique d'une
manière moins intuitive que sa rivale, la conservation de la chaleur
dans les échanges calorimétriques.
.Pourtant c'est la théorie du fluide calorique qui, jusqu'à la
fin du xvnie siècle, domina. Les partisans de la chaleur-mouvement revue d'histoire des sciences 224
étaient surtout des physiciens spécialisés c'est-à-dire, à l'époque,
des mécaniciens. Au contraire les chimistes, plus attentifs à la
diversité qualitative de la matière qu'à ses changements de lieu,
se montraient en général caloristes. Également lorsque Amontons
et Black eurent effectué les premières mesures de quantités de
chaleur et découvert la conservation de la chaleur ainsi que la cha
leur latente (Black), s'accrédita davantage encore l'idée d'un fluide
calorique indestructible imprégnant les corps. Enfin l'idée d'un
feu corporel et pesant bénéficiait du prestige de l'atomisme grec
— Galilée ne fit-il point état des « ignicules » ou atomes de feu ? —
prestige qu'exalta la vérification expérimentale de la pesanteur
de l'air au milieu du xvne siècle.
Et pourtant, le véritable fondement de la théorie substantielle»
les chimistes le voyaient dans l'augmentation du poids des métaux
par calcination en vase clos. On connaît la célèbre expérience
de Boyle sur l'étain. Excellent physicien, il exécuta expériences
et pesées avec le plus grand soin. Mais comment lui, pionnier de la
pesanteur de l'air, put-il négliger le poids de cet air dont il observait
cependant la rentrée bruyante dans le récipient au moment où
— à tort — il l'ouvrait avant de peser ? C'est que, grisé précisément
par le récent succès expérimental de l'hypothèse de la pesanteur
de l'air, cet atomiste convaincu, élève de Gassendi, était trop sûr
a priori de la pesanteur de l'élément igné !
Ayant repris avec du plomb les expériences de Boyle, Lémery
adopte la même explication, ainsi qu'Homberg, qui varie l'expé
rience en chauffant le métal par les rayons solaires concentrés
au foyer d'une lentille et que Boerhaave, dont voici la conclusion :
« La chimie nous fait voir clairement qu'elle sait réduire le feu, le
peser, l'unir aux corps. » Combien de progrès restaient à accomplir,
dans l'interprétation et la critique des résultats d'expérience !
C'est à ce moment — au début du xvnie siècle — que Stahl
propose la fameuse théorie du phlogistique. Elle clarifie d'abord
et systématise quelque peu la chimie, notamment par la reconnais
sance de l'analogie entre la combustion, la calcination des métaux
et la respiration. Mais en négligeant le rôle des « airs » et en mépri
sant les relations de poids elle plonge la théorie chimique dans une
inextricable confusion. Vers 1770, l'on ne sait plus exactement ce
qu'est le phlogistique, si c'est la matière du feu ou non, et chaque
chimiste s'en construit une idée personnelle. Pour Baume,. par
exemple, dont les ouvrages font autorité en France à ce moment, LE POIDS DU FEU
le feu est un élément, parmi les quatre de la tradition, dont « on
n'est pas certain s'il est ou n'est pas pesant » car « il y a des expé
riences pour et contre ces deux sentiments » ; cependant, après
avoir rapporté et discuté les expériences sur la calcination des
métaux, Baume dit qu&

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