Le problème de l article et sa solution dans les grammaires de l époque classique - article ; n°1 ; vol.48, pg 16-27
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Description

Langue française - Année 1980 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 16-27
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

André Joly
Le problème de l'article et sa solution dans les grammaires de
l'époque classique
In: Langue française. N°48, 1980. pp. 16-27.
Citer ce document / Cite this document :
Joly André. Le problème de l'article et sa solution dans les grammaires de l'époque classique. In: Langue française. N°48, 1980.
pp. 16-27.
doi : 10.3406/lfr.1980.5069
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1980_num_48_1_5069André Joly. Lille III
LE PROBLÈME DE L'ARTICLE
ET SA SOLUTION DANS LES GRAMMAIRES
DE L'ÉPOQUE CLASSIQUE
1. La problématique de l'article au xvne et au xviiie siècles peut nous
intéresser au moins à deux titres. D'une part elle ne s'inscrit dans aucune
tradition solide, si bien que les grammairiens des langues modernes, et en
particulier du français, sont obligés d'innover ou de s'appuyer sur une tra
dition toute récente, ce qui met nécessairement à l'épreuve leur capacité
d'analyse. D'autre part, et en raison même de sa nouveauté, cette problémat
ique suscite des discussions animées sur des points qui peuvent parfois nous
apparaître mineurs, mais qui en réalité mettent en cause toute une série de
questions fondamentales de divers ordres — linguistique, logique et, bien
entendu, idéologique. Le traitement de l'article présente donc de l'intérêt
du point de vue de l'histoire de la grammaire, mais aussi, et peut-être surtout,
du de vue de l'épistémologie générale.
Je me propose d'évoquer à grands traits quelques-uns des problèmes qui
se sont posés aux grammaires de l'époque classique, d'essayer de voir ce
qui, pendant longtemps, a fait difficulté et, le cas échéant, d'en expliquer la
raison. Ainsi, pourquoi l'article « indéfini » (un, une), parfaitement identifié
dans la Grammaire de Port-Royal, a-t-il été ignoré, voire systématiquement
refusé par la plupart des grammairiens — surtout par les grammairiens-
philosophes — pour n'être en fin de compte reconnu dans la nomenclature
officielle qu'en 1910? La réponse n'est pas simple. De la même manière, à
de très rares exceptions près, l'article zéro n'a aucun statut explicite dans
les grammaires des siècles classiques. Mais, à la différence de un, une, la
question demeure très actuelle, puisque la dernière nomenclature (1975) ne
le mentionne pas.
Ce qui frappe à la lecture de ces grammaires c'est, outre la diversité des
classements de l'article, l'imprécision de la terminologie dont on se sert dans
l'analyse. « Indéfini » pourra désigner, selon les auteurs, l'article un, une,
les prépositions à, de, identifiées comme des articles, ou encore l'absence
d'article. Le terme « détermination », capital en l'occurrence, n'a pas une
signification invariante; pour Port-Royal, il a deux sens dans la Grammaire
et un troisième dans la Logique1. « Indéfini » est souvent assimilé à « indé-
1. Donzé. pp. 75 et 130.
16 », et « défini » à « déterminé ». Il est certain que ce flou conceptuel a termine
considérablement gêné la théorisation. Duclos, le commentateur de Port-
Royal, note que « quand il s'agit de discuter des questions déjà assez subt
iles par elles-mêmes, on doit surtout éviter les termes équivoques (...) Les
hommes ne sont que trop nominaux; quand leur oreille est frappée d'un mot
qu'ils connaissent, ils croient comprendre, quoique souvent ils ne comprennent
rien » (1754, p. 138). Nous sommes les héritiers directs de cette imprécision
terminologique et il n'y a pas lieu de considérer les difficultés de conceptual
isation de l'époque classique comme dépassées. Dans un article récent,
Marc Wilmet (1980) montre qu'en règle générale, nous n'avons pas de sys
tème de représentation métalinguistique clair pour l'analyse de l'article et
que les termes clefs mentionnés ci-dessus font l'objet de gloses opaques et
tautologiques dans les dictionnaires et les glossaires de linguistique. « En
fait de grammaire et de philosophie », remarque encore Duclos, « une ques
tion de mots est une question de choses ».
2. La définition que Scaliger donne de l'article domine toute l'époque
classique2. C'est en effet par rapport à cette opinion sans appel que les
grammairiens sont amenés à se situer, consciemment ou non. Il y a ceux qui
y souscrivent de façon implicite lorsque dans la tradition du xvie siècle, par
fois à peine revue, ils définissent essentiellement ou même exclusivement
l'article comme un mot chargé d'indiquer le genre, le nombre et surtout le
cas du nom qu'il précède. Avant Port-Royal, Maupas (1607) fait figure
d'exception3. En face, ceux qui récusent avec plus ou moins d'énergie le
jugement de Scaliger et tentent de fonder en raison l'usage extensif et parfois
« bizarre » de l'article en français. C'est, entre autres, le cas d'Arnauld et
Lancelot (« cette particule [est] très-utile pour rendre le discours plus net,
et éviter plusieurs ambiguïtés », p. 39), de Dumarsais (« pour éviter l'obscur
ité & l'amphibologie », p. 417) et de Court de Gébelin, qui trouve des
accents lyriques pour parler des « utilités des articles » (pp. 192-194). Mais
Régnier-Desmarais (1706, pp. 143-144), Duclos (pp. 138-141), bien qu'il
trouve « léger » le jugement de Scaliger, Condillac (1775, p. 243) et Thurot
(1796, p. 220) sont partagés entre les avantages de l'article et ses inconvén
ients. Beauzée aussi reconnaît que parfois il n'est qu'une « nécessité
d'usage » (1767, p. 325), mais il n'en condamne pas moins avec vigueur
l'opinion de Scaliger, tout en admettant avec Duclos qu'il y a beaucoup de
« bizarrerie » dans l'emploi de l'article. Il estime en tout cas que « ce n'est
pas assez pour justifier le jugement indécent et faux qu'en a porté Jules-César
Scaliger ». Jugement indécent, précise-t-il, « parce que Scaliger n'a pas dû
croire reprehensible tout ce qui n'étoit pas conforme à son latin, & moins
encore préférer son opinion isolée & apparemment aveugle, à celle des grecs
anciens, & à celle de tant de nations modernes qui ne sont pas sans lumières »
(p. 325). Le débat sur l'article, qui renvoie à l'opposition du français au
latin4, s'inscrit en fait dans la longue querelle des Anciens et des Modernes.
Il correspond à un développement récent de la conscience linguistique des
grammairiens et de leur attitude à l'égard de leur propre langue. « II n'y a
point de langues parallèles, même entre les modernes », conclut Duclos,
« la supériorité d'une langue pourrait bien n'être que la supériorité de ceux
qui savent l'employer » (p. 141; italiques dans le texte). C'est dans ce climat
2. « Otiosum loquacissimae gentis instrumentum », De causis ling, lat., lib. Ill, cap. 5.
:i. Yvon. 1955. n° 3. pp. 165-172.
4. Duclos. p. 140; Condillac. p. 252, etc.
17 vers le milieu du siècle, que la problématique de l'article, bien nouveau,
posée par Port-Royal, va être entièrement reconsidérée.
3. Il ne faudrait cependant pas croire que la ligne de clivage entre les
deux attitudes définies ci-dessus est simplement chronologique, qu'avant
Y Encyclopédie les grammairiens auraient en quelque sorte mis en applica
tion la recommandation de Quintilien selon laquelle « il y a des choses si
frivoles dans certaines parties de la Grammaire, qu'un Grammairien sage
doit se faire un mérite de les ignorer5 », et que, jugeant l'article inutile à
l'expression de la pensée, ils auraient uniformément réduit son rôle à l'ind
ication de la morphologie nominale; qu'en revanche après Dumarsais, qui,
pour la plupart, fait autorité 6, les choses auraient irréversiblement changé.
La réalité est plus complexe et, pour en rendre compte de façon adé
quate, il faudrait prendre en considération les ouvrages mineurs ainsi que,
de façon systématique, les grammaires scolaires, qui connaissent un grand
développement avec les manuels de Restaut (1730 et 1739), de Wailly (1754)
puis de Lhomond (1 780). On

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