Le sang sur le vêtement: Etude sur le conte Des Trois chevaliers et du chaisme - article ; n°11 ; vol.5, pg 67-84
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Description

Médiévales - Année 1986 - Volume 5 - Numéro 11 - Pages 67-84
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 79
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Romaine Bonvin
Le sang sur le vêtement: Etude sur le conte Des Trois chevaliers
et du chaisme
In: Médiévales, N°11, 1986. pp. 67-84.
Citer ce document / Cite this document :
Bonvin Romaine. Le sang sur le vêtement: Etude sur le conte Des Trois chevaliers et du chaisme. In: Médiévales, N°11, 1986.
pp. 67-84.
doi : 10.3406/medi.1986.1040
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1986_num_5_11_1040Romaine BONVIN
LE SANG SUR LE VETEMENT :
Etude sur le conte Des Trois chevaliers et du chaiase
Au point de jonction où se rencontrent de multiples réminiscences littérai
res, le conte Des trois chevaliers et du chainse intrigue surtout par son énigmatique
violence. Car ce récit signé Jacques de Baisieux joue sur la marge étroite qui sépare
la courtoisie de son envers et met en œuvre, captée dans les jeux dif fractes de la lan
gue, une réflexion, qui porte avant tout sur le signe et sa lisibilité, emblématisée sous
la forme d'une double épreuve.
Rappelons tes grandes lignes du conte : (1)
Trois chevaliers requièrent d'amour une dame de haut lignage dont l'époux,
qui n'est pas tornoyere, organise pourtant les joutes auxquelles ils sont venus
participer. A leur triple sollicitation, condensée en l'unique prière du plus
riche d'entre eux, la dame oppose une sage réserve. Après leur départ, elle
charge en secret un écuyer de leur remettre tour à tour son chainse blanc,
ainsi que le message suivant : elle agréera le service d'amour de celui qui
acceptera de combattre revêtu du seul chainse pour tout haubert. Les deux
premiers reculent, refus qui entraînera leur quasi-éviction du récit. Ici encore,
seul est exposé le conflit qui se déroule dans le cœur du plus riche, où Amour
et Prouesse luttent contre Peur ; celle-ci l'emporte au cours d'une bataille
dialectique qui se substitue à la véritable mêlée.
Au terme d'une nuit passée auprès du chainse, pendant laquelle Amour et
Prouesse vainquent Peur et Couardise, le chevalier le plus pauvre accepte.
Le tournoi s'engage alors ; l'amoureux au cœur inébranlable y fait merveille
et repaît son chainse déchiqueté et sanglant des coups de ses adversaires.
H en remporte finalement le prix. Entre la vie et la mort, il est ramené chez
lui et n'est sauvé que par l'amour guérisseur de la dame qui, fléchie par
te plaidoyer de P écuyer, vient lui rendre de fréquentes visites.
(I) : Cette étude se fonde sur l'édition critique de P.A.THOMAS : L 'Ouvre de Jacques de Baisieux, Mout
on, The Hague-Paris, 1973. Elle comporte cinq récits courts : « Des trois chevaliers et del chainse »,
« Li dis de l'espee », « C'est des fiez d'Amours », « C'est uns dis sor les V lettres de Maria », « Li dis
de le vescie a preslre ». L'incendie de la bibliothèque royale de Turin a détruit l'unique manuscrit connu
qui les contenait en 1904. P. A. THOMAS en établit le texte à partir de l'édition SCHELER : Trouvères
belges du Xl/e au XlVe siècle, Closson, Bruxelles, 1876. Il place le récit « Des trois chevaliers et del
chainse » dans la catégorie des nouvelles courtoises. En l'absence de toute indication de genre, c'est ici
le terme de « conte » qui sera retenu, en référence au v.18 du prologue : <« ... chil dont velh conter ».
Jacques de Baisieux utilise de préférence dans ses autres œuvres le terme de « dit ». alors le temps symétrique de la contre-épreuve. Le mari organise avec Arrive
largesse de somptueuses fêtes. Apprenant que la dame assurera le service
des mets lors d'un grand repas, le chevalier blessé lui renvoie le chainse par
l'intermédiaire de l'écuyer, en la priant de le revêtir pour alléger ses peines.
Celle-ci n'hésite pas à se plier au vœu de l'amant : elle apparaît donc à la
table, exhibant le chainse taché de sang que'elle chérit plus qu'une parure
royale, et dont la signification scandaleuse — l'amour adultère — est imméd
iatement perçue par les convives. Quant à son mari atteint dans son hon
neur, il n'en laisse rien paraître.
Jacques de Baisieux engage alors chevaliers, daines et pucelles à juger lequel,
de l'amant ou de la dame, risqua la plus grande entreprise.
Epreuve et contre-épreuve. Une composition bipartite se fait jour grâce aux silhouet
tes épisodiques de l'écuyer et de l'époux. Celui-ci parce qu'il surgit en maître d'œuvre
ambigu afin d'agencer tournoi et repas, et fournir ainsi avec une largesse appuyée,
la trame à partir de laquelle se tissera la double aventure, celui-là parce que son va-et-
vient la rythme tout entière. Lors du premier défi, il quitte la dame à qui sens mes-
prendre (il) dist son message (v.109), et lors du second défi, il quitte l'amant pour
revenir vers elle à qui il dist son message sans mesprendre (v.341). Le même octosyl
labe réapparaît avec une syntaxe inversée : en figurant grâce à l'antimétabole la mar
che de celui qui revient sur ses pas, il prélude simultanément à la réversion des épreuves.
Celles-ci, subies tout à tour par l'amant et sa dame, superposent une exigence com
mune : arborer un vêtement plus qu'inadéquat, intolérable. Le chainse, d 'ant
iarmement se mue en anti-parure. Mais au-delà de cette convergence immédiate, des
analogies plus discrètes jalonnent le texte : « servir la dame » pour lui (v.89) se ren
verse en un « servir à table » pour elle (v.331), service qui engendre par la seule force
de l'anagramme ou presque, un double « vestir » aux effets opposés : honneur pour
lui, déshonneur pour elle, qui l'a bien « deservi » (mérité) jugent les convives (v.358).
D'ailleurs, le festin où elle fait irruption prolonge en un épanouissement inattendu
une métaphore glissée lors du tournoi où l'amant alimente son chainse de coups et
repaît son épée des armes d'autrui (v.244-45). Enfin, l'écuyer plie le vêtement avant
de le tendre à l'amant, en un geste qui superpose l'étoffe comme le seront les deux
pans de l'aventure (v.142), et la dame le replie à son tour une fois le repas achevé
(v.368), en un geste qui, comme on clôt un livre, coïncide avec la fin du conte.
Ces correspondances donnent déjà un aperçu des subterfuges par lesquels les deux
épreuves sont étroitement mises en regard. Mais au-delà de l'effet spéculaire, au-delà
du réseau serré des motifs repris de l'une à l'autre, rejoués en sous-œuvre dans les
entrelacs de la lettre, leur essentielle altérité demeure. L'amant et la dame doivent-ils
en temps symétriques, relever un défi du même ordre ?
Au travers du rythme binaire imprimé par les deux temps de l'épreuve se dessine un
mouvement ternaire défini par les personnages qui occupent alternativement le devant
de la scène : les trois chevaliers, l'amant, puis la dame. Dès lors la configuration du
conte se modifie. L'épisode central, très privilégié, — presque la moitié des vers s'écoule
entre le moment où l'amant reçoit le chainse et celui où il guérit de ses blessures —
se scinde lui-même en deux parties dont l'une, le débat allégorique, renvoie à un épi
sode précédent, et l'autre, le test du tournoi, à un épisode ultérieur. Véritable noyau
vivant de l'œuvre, il condense passé et futur en un instant méridien : celui de l'ultime hésitation avant l'épreuve, inscrite entre le « non » des chevaliers défaillants et le « oui »
sans réserve de la dame. Comme si ces trois paliers reproduisaient alors la reconnais
sance graduelle de la loi amoureuse, acceptée sans plus de détour.
Le prologue s'achève du reste sur un vers qui valorise le rôle de l'amant, car c'est
bien de lui — et de lui seul — qu'on va parler (...chil dont velh conter v.J8). Mais
si un dessein initial érige le chevalier au chainse au centre du récit, il se retrouve en
position excentrée dans les dernières lignes où s'opère un rééquilibrage des rôles : liqueis
d'iazfist plus grant emprise : / u chil qui sa vie avoit mise / en aventure aimant sa
dame / u cele ki honte ne blame / ne cremi tant ke lui irer ? demande Jacques de
Baisieux (v. 379-83). Triptyque ou diptyque. Les deux pôles du texte présentent des
points de vue divergen

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