Le sel de Guérande, XIXe - XXe siècles - article ; n°1 ; vol.84, pg 641-662
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Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest - Année 1977 - Volume 84 - Numéro 1 - Pages 641-662
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Publié le 01 janvier 1977
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Langue Français
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Pierre Lemonnier
Le sel de Guérande, XIXe - XXe siècles
In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 84, numéro 1, 1977. pp. 641-662.
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Lemonnier Pierre. Le sel de Guérande, XIXe - XXe siècles. In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 84, numéro
1, 1977. pp. 641-662.
doi : 10.3406/abpo.1977.2880
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1977_num_84_1_2880Le sel de Guérande
XIXe - XXe siècles
par Pierre LEMONNIER
L'anthropologie des sociétés paysannes passe par l'étude de leur
insertion dans un plus vaste système socio-économique. Rendre
compte de la spécificité de l'organisation sociale d'une communauté
villageoise implique d'une part de dégager la nature du réseau de
contraintes à l'intérieur duquel elle fonctionne d'une manière rela
tivement — ou apparemment — autonome ; d'étudier d'autre part
la dynamique du système de relations entre le microsystème villa
geois et l'ensemble d'ordre supérieur, et pour cela, reconstituer le
passé de l'objet de recherche au-delà des limites de l'enquête orale.
Les communautés riveraines du marais salant de Guérande ne
donnent pas même l'illusion d'être autonomes : organisées autour
de la production et de la distribution d'une denrée destinée, par
nature, à l'exportation, elles sont étroitement dépendantes de son
écoulement dans la société globale. Dans le système traditionnel en
effet, l'exiguïté relative des terroirs villageois ou leur inadaptation
à la culture rendaient nécessaire le recours à des importations de
grain, de manière à assurer l'alimentation des populations locales.
Toute mévente — ou entrave au troc effectué avec les paysans
bretons — se traduisait naguère par une disette immédiate. Bien
que présentant des structures sociales dissemblables, ne serait-ce
que par la place de l'exploitation des salines parmi leurs activités
économiques, les communautés du marais ont en commun d'utiliser
un même dispositif de production et de distribution du sel. Elles
constituent, sous ce rapport, et sous ce rapport seulement, un
ensemble homogène.
La région guérandaise elle-même n'est qu'un élément d'un plus
vaste système de production de sel marin réparti sur la côte atlan
tique, fondé sur l'exploitation d'un type déterminé de marais salants
et raccordé à un même réseau de distribution. Ainsi définis, les
« producteurs de l'Ouest » s'opposent globalement à ceux du Sud-
Ouest ou de l'Est (salines ignigènes et mines), et du Midi de la
France (marais salants de type méditerranéen, caractérisés par une 642 ANNALES DE BRETAGNE
forte productivité, due à un climat plus favorable et à un large
recours à la mécanisation). La distribution du sel de Guérande,
contrainte essentielle du fonctionnement des communautés, a été
largement déterminée, dans ses formes et son évolution, par les
modifications intervenues dans l'ensemble de l'industrie salinière
nationale. Nous nous livrons ici à l'étude de cette détermination
et des transformations du système de production local qu'elle a
engendrées.
Le contexte national en 1860 : concentration et concurrence.
Dans l'Europe technicienne, Landes explique qu'au xix* siècle les
cartels ont été réalisés « dans les industries comme celles du char
bon, du fer ou des produits chimiques, où l'homogénéité du produit
facilitait la spécification du quota et des prix, et où les nécessités
de capital étaient globales et permettaient d'importantes économies
d'échelle » (1). Ces caractéristiques s'appliquent à l'industrie du sel,
et, de fait, en Grande-Bretagne, la Sait Union regroupe dès 1888,
91 % de la production du pays. En France, le processus de concent
ration est du même ordre, bien que moins rapide. A la fin de la
première moitié du XIXe siècle, les producteurs de l'Est et du Midi
ont mis sur pied une organisation commerciale centralisée tandis
que s'effectuait la concentration des entreprises, entraînant la modern
isation et l'accroissement de la production (2).
De 1825 à 1840, l'Etat dispose du monopole des concessions de
salines et de la vente du sel dans les dix départements de l'Est ;
les quantités produites sont volontairement limitées et leur prix
artificiellement élevé. La loi de 1840 (3) autorise la vente des salines
de l'Est, qui intervient en 1843. Deux émissaires de la reine Marie-
Christine d'Espagne sont les acquéreurs des plus importantes d'entre
elles (Dieuze, Vie, Moyenvic, Montmorot, Arc, Salins) [4]. Dès lors,
on procède à une augmentation de la production et à une améliora
tion des techniques (pompage de saumures naturelles ou artificielles
— après dissolution in situ — à grande profondeur) ; débuté en
1819 à Vie, puis en 1821 à Rozières, le processus s'étend aux vallées
du Sanon et de la Meurthe après 1840 (5). L'Est dispose à cette
époque d'un réseau de moyens de communication favorable ; si l'on
procède encore au « roulage ordinaire », les canaux sont largement
utilisés, ainsi que les chemins de fer, signalés dans l'enquête de
1851 (6).
Les nouvelles sociétés reprennent le système de distribution sans
intermédiaire mis au point par l'Etat pour écouler les sels de la
régie. Déjà utilisé en 1851, il prend en 1863 la forme d'un « syndicat
de vente » disposant de deux « comptoirs généraux », l'un à Nancy,
l'autre à Paris (7). La concentration des entreprises, déjà avancée
en 1851, est presque totalement achevée en 1866 ; la « Société des
Anciennes Salines Domaniales de l'Est » est créée en 1862 (8). Au
sein du syndicat de vente, les producteurs de Lorraine et de Franche-
Comté disposent de secteurs séparés et protégés ; les ventes d'une RÉCOLTE ET PRIX DU SEL A GUÉRANDE, 1796-1865
tonnes francs/tonne
— — prix du sel à Guérande
récolte à l'œillet
40 prix du sel à l'achat par un
armateur de Saint-Brieuc
SOURCES : Enquête de- 1866, t. I, pp. &2-84
A.M.G. G15
.30
.20
.10
/ V 1 1; v
1840 1845 î 1850 1855 1860 1865 Années 1795 1800 1805Î a. 1810 Î1815Î 1820 1825 1830 1835
I
Taux de l'impôt : 20 F/kg 40 F/kg 30 F/kg 10 F/kg
Sels de pêche exemptés 644 ANNALES DE BRETAGNE
région n'empiètent pas sur celles de l'autre, chaque producteur
fournissant une quantité de sel proportionnelle à sa capacité de
production.
Sur le littoral méditerranéen, la concurrence est intense, entre les
sociétés privées qui exploitent les salines, lorsque débute le proces
sus de concentration. Son déclenchement est lié à un événement
purement fortuit. En 1840 et 1841, le Rhône et ses affluents causent
d'importantes inondations qui ravagent en particulier Peccais et
détruisent une grande partie des récoltes de sel. Or, à cette même
date, l'Ouest traverse une période de production faible ou nulle.
Une hausse du prix du sel s'ensuit, dont bénéficient les exploita
tions non touchées (9). On en profita pour améliorer ou agrandir les
anciennes salines et en créer de nouvelles ; ce développement des
moyens de production fut complété, comme dans l'Est, par un
double processus de concentration financière et de centralisation
de la distribution. Celle-ci intervient encore la première. Une « coali
tion » est poursuivie et dissoute en 1848 (10), une autre fait l'objet
d'un procès en 1852 (11). Mais c'est autour de la société « Renouard
et Compagnie », créée en 1856 (elle deviendra « Compagnie des
Salins du Midi » en 1868), que se forme en 1865 une société en
participation ayant pour objet de centraliser les ventes. La concent
ration financière est fortement avancée en 1851 puisqu'on compte
par exemple dans les Bouches-du-Rhône six compagnies et quinze
propriétaires pour quinze salins (12). La création du salin de Giraud
(production potentielle en 1975 : un million de tonnes) en 1856,
par P

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