Le sourire aux anges : enfance et spiritualité au Moyen Age (XIIe-XVe siècle) - article ; n°25 ; vol.12, pg 93-111
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Description

Médiévales - Année 1993 - Volume 12 - Numéro 25 - Pages 93-111
The Smile of the Angels. Childhood and Spirituality in the Middle Ages (12th-15th Centuries) - This paper explores the concept of the spirituality of childhood in the Middles Ages. The infans, — the child who does not yet speak — played a prominent role in medieval spirituality. The infant is often depicted in texts, literary and others, as the natural intermediate between man and God. Considered innocent, because it is free from sin of any kind, the child shares the virtues of the Son of God. Thus Christ returning to earth, as in the exempta, is often portrayed as a child. Lastly, the image of the infant is used to represent the elect — angels and souls in medieval iconography — symbolically relating the child to paradise and salvation.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Eric Berthon
Le sourire aux anges : enfance et spiritualité au Moyen Age
(XIIe-XVe siècle)
In: Médiévales, N°25, 1993. pp. 93-111.
Abstract
The Smile of the Angels. Childhood and Spirituality in the Middle Ages (12th-15th Centuries) - This paper explores the concept of
the spirituality of childhood in the Middles Ages. The infans, — the child who does not yet speak — played a prominent role in
medieval spirituality. The infant is often depicted in texts, literary and others, as the natural intermediate between man and God.
Considered innocent, because it is free from sin of any kind, the child shares the virtues of the Son of God. Thus Christ returning
to earth, as in the exempta, is often portrayed as a child. Lastly, the image of the infant is used to represent the elect — angels
and souls in medieval iconography — symbolically relating the child to paradise and salvation.
Citer ce document / Cite this document :
Berthon Eric. Le sourire aux anges : enfance et spiritualité au Moyen Age (XIIe-XVe siècle). In: Médiévales, N°25, 1993. pp. 93-
111.
doi : 10.3406/medi.1993.1287
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1993_num_12_25_1287Médiévales 25, automne 1993, pp. 93-111
Éric BERTHON
LE SOURIRE AUX ANGES
ENFANCE ET SPIRITUALITÉ AU MOYEN AGE
(XII«-XV« SIÈCLE)
On en sait maintenant un peu plus sur le sentiment médiéval de
l'enfance autour duquel Philippe Ariès éveilla autrefois une vive
polémique1. Un article récent de Danièle Alexandre-Bidon2, auquel
je renvoie le lecteur, fait bien le point sur un certain nombre de
domaines où l'on voit se dessiner dès le Moyen Age la reconnaissance
d'une personnalité enfantine. La distinction des âges, plus précise
qu'on ne l'a soutenue autrefois, les méthodes d'enseignement, les soins
spécifiques du nourrisson, le monde des jouets, ou encore les modes
de vêture en sont quelques-uns parmi d'autres.
Mais ces progrès, si importants qu'ils soient, se sont limités jus
que là à la sphère de la vie quotidienne, de la famille et de la société.
Dès lors qu'on s'en échappe, l'enfant médiéval continue d'être un
inconnu. Tout ou presque reste donc à faire dans le vaste champ que
l'on pourrait baptiser anthropologie médiévale de l'enfance, en ce qui
concerne les autres perceptions mentales relatives à celles
qui ne touchent plus au vécu, mais aux croyances, et qui ont essen
tiellement pour cadre la magie et la religion3.
Car chaque époque oscille et trouve son point d'équilibre entre
la valeur symbolique qu'elle accorde à l'enfant et l'attention portée
à sa personne. Notre temps s'occupe en priorité de l'enfant comme
individu, de sa personne physique et mentale. Il a perdu, en contrep
artie, beaucoup de tout cet « à-côté », de ce pouvoir d'évocation
1. Ph. Ariès, L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, Paris, 1960.
2. D. Alexandre-Bidon, « Grandeur et renaissance du sentiment de l'enfance au
Moyen Age », dans Éducations médiévales. L'enfance, l'école, l'Église en Occident,
(w-xv siècles), sous la dir. de J. Verger (Histoire de l'éducation, n° 50), Paris, 1991,
p. 39-63.
3. J.-Cl. Schmitt, dans son ouvrage sur Le Saint Lévrier. Guinefort guérisseur
d'enfants depuis le xiw siècle, Paris, 1979, indique la piste à suivre d'une vaste étude
de la place de l'enfant dans les croyances non religieuses. 94 ÉRIC BERTHON
symbolique de l'enfance qui, ce sera ma thèse ici, était le propre de
la société médiévale. Tentons une métaphore sur fond de scolastique :
l'enfant est à la fois un être de chair et une notion, un « nom ». Je
pense que le Moyen Age a porté au moins autant d'intérêt à l'enfant
nominalisé qu'à l'enfant incarné.
Pour étayer cette hypothèse, je voudrais livrer ici quelques
reflexions sur la place de l'enfant dans les croyances religieuses médié
vales où je tenterai de faire valoir que, à l'aune du Moyen Age,
l'enfant représentait davantage qu'un enfant : il incarnait un état brut
de perfection évangélique que les adultes ne pouvaient atteindre, en
petit nombre, que par l'effet de leur vertu propre et de leur cons
tance dans la foi. On lui prêtait, en somme, une valeur spirituelle au-
dessus du commun4.
Je présenterai trois courtes études : la première se rapporte à la
notion de médiation enfantine (le jeune enfant est l'un des points de
contact entre les hommes et Dieu) ; la seconde à celle d'élection
(l'enfant symbolise l'élu) ; la troisième concerne Pallégorisation du
Christ dans l'enfant, que je présenterai en deux volets : l'imitation
(l'enfant a statut d'« image » du Christ sur terre) et la croyance dans
les vertus du sang enfantin (le sang des enfants, comme celui du
Christ, guérit, en particulier de la lèpre).
L'enfant dans la main de Dieu
Le rôle du jeune enfant comme intermédiaire divin a déjà été mis
en évidence, en particulier par les historiens de la littérature5. Le
plus souvent, la présence divine dans le nourrisson se manifeste par
l'émission d'une vérité, que ce dernier ne pourrait à lui seul détenir,
et qui vient dénouer une situation que les hommes ne sont pas à même
de résoudre.
Parfois, l'action divine à travers l'enfant peut être assimilée à une
intervention de nature judiciaire. C'est le cas dans le type de récit
où l'on voit un enfant innocenter un personnage accusé à tort d'être
son père (à la suite d'un viol qui est le chef d'accusation) et dénonc
er le vrai coupable, qui est souvent le diable6.
4. Trois historiens ont, à ma connaissance, déjà signalé la place tenue par l'enfant
dans la spiritualité médiévale : Paul Alphandery l'a le premier relevée dans le cha
pitre de La chrétienté et l'idée de Croisade qu'il consacre à la croisade des enfants
de 1212 (texte établi par A. Dupront, Paris, 1959, p. 142). W.A. Christian, dans
Apparitions in Late Medieval and Renaissance Spain, Princeton, 1981, p. 222 et Jac
ques Heers dans Fête des fous et carnavals, Paris, 1983, p. 130 y ont fait également
allusion.
5. Cf. en particulier les actes du colloque L'enfant au Moyen Age (Littérature
et civilisation), publiés dans Sénéfiance, 9, Aix-en-Provence, 1980.
6. On trouve déjà chez Grégoire de Tours (vi« s.) une histoire de ce type à pro
pos de Brice, le successeur de saint Martin (Historia Francorum, éd. R. Buchner,
Darmstadt, 1956-1977, t. I, p. 58). LE SOURIRE AUX ANGES 95
Dans la légende des saints Siméon et Jude rapportée par Jacques
de Voragine (xme s.), les deux apôtres somment un enfant, qui n'est
pourtant âgé que d'un jour, de dévoiler la vérité sur la paternité pré
tendue d'un saint diacre : « Dis, enfant, au nom du Seigneur, si ce
diacre a eu pareil audace. » La réponse miraculeuse de l'enfant inno
cente l'accusé7.
Dans Tristan de Nanteuil (XIVe s.), c'est un enfant encore dans
le ventre de sa mère qui prend miraculeusement la parole, Dieu étant
nommément désigné comme le responsable du prodige :
« Dont dist la voix d'enffant que Dieu y ottroya : (...) fîlz
suy de l'ennemi et cil engendré m'a ». 8
Saint Thomas Becket, dans une correspondance de 1169 avec
l'archevêque de Sens, rapporte une anecdote de nature plus politique :
une entrevue entre Louis VII et Henri II n'ayant pas abouti, les deux
hommes venaient de se séparer quand Henri rencontra le jeune prince
Philippe, âgé de quatre ans, qui entreprit de convaincre son aîné de
la nécessité de faire régner la concorde entre les deux royaumes.
« Dieu inspira l'esprit de son serviteur déjà ordonné, forma et diri
gea ses paroles » explique Thomas9.
Politique et liturgie sont associées dans un exemplum qui relate
comment Constantinople, en proie à des troubles, retrouva la paix
grâce à la médiation miraculeuse d'un enfant :
« Soudain, un enfant fut enlevé du peuple jusqu'au ciel (...)
puis, tout aussi brusquement, se trouva de nouveau parmi les
fidèles. Il commença à dire une prière et à enseigner aux clercs
comment ils devaient la réciter après lui. Ainsi f

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