Les areae carthaginoises (Tertullien, Ad Scapulam 3, 1) : cimetières communautaires ou enclos funéraires de chrétiens ? - article ; n°1 ; vol.108, pg 175-189
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Les areae carthaginoises (Tertullien, Ad Scapulam 3, 1) : cimetières communautaires ou enclos funéraires de chrétiens ? - article ; n°1 ; vol.108, pg 175-189

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Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1996 - Volume 108 - Numéro 1 - Pages 175-189
Éric Rebillard, Les areae carthaginoises (Tertullien, Ad Scapulam 3,1) : cimetières communautaires ou enclos funéraires de chrétiens?, p. 175-189. Contrairement à l'opinion reçue, le mot area ne prend pas la signification de «cimetière» dans le vocabulaire chrétien africain, mais garde son sens courant de «zone, lieu». Du coup, la certitude de l'existence de cimetières chrétiens communautaires gérés par l'Église, pour laquelle l'archéologie ne peut apporter aucune confirmation au IIIe siècle, est sérieusement ébranlée. Le témoignage de Tertullien {Ad Scapulam 3, 1) sur les attaques des païens contre les sépultures chrétiennes s'explique simplement par l'existence d'enclos funéraires appartenant à des familles connues comme chrétiennes par leurs concitoyens. La notion d'areae martyrum ne résiste pas non plus à l'examen. L'ex- (v. au verso) pression elle-même, dans le texte auquel elle est empruntée, est un topo-nyme composé du mot area et d'un déterminant qui distingue ce lieu d'un autre. Le dossier littéraire des Acta Maximiliani et le dossier archéologique de l'area de la basilique d'Alexandre à Tipasa sont des exemples d'inhumation ad sanctos et non de regroupement de sépultures martyriales.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Éric Rebillard
Les areae carthaginoises (Tertullien, Ad Scapulam 3, 1) :
cimetières communautaires ou enclos funéraires de chrétiens ?
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 108, N°1. 1996. pp. 175-189.
Résumé
Éric Rebillard, Les areae carthaginoises (Tertullien, Ad Scapulam 3,1) : cimetières communautaires ou enclos funéraires de
chrétiens?, p. 175-189.
Contrairement à l'opinion reçue, le mot area ne prend pas la signification de «cimetière» dans le vocabulaire chrétien africain,
mais garde son sens courant de «zone, lieu». Du coup, la certitude de l'existence de cimetières chrétiens communautaires gérés
par l'Église, pour laquelle l'archéologie ne peut apporter aucune confirmation au IIIe siècle, est sérieusement ébranlée. Le
témoignage de Tertullien {Ad Scapulam 3, 1) sur les attaques des païens contre les sépultures chrétiennes s'explique
simplement par l'existence d'enclos funéraires appartenant à des familles connues comme chrétiennes par leurs concitoyens.
La notion d'areae martyrum ne résiste pas non plus à l'examen. L'ex-
(v. au verso) pression elle-même, dans le texte auquel elle est empruntée, est un toponyme composé du mot area et d'un
déterminant qui distingue ce lieu d'un autre. Le dossier littéraire des Acta Maximiliani et le dossier archéologique de l'area de la
basilique d'Alexandre à Tipasa sont des exemples d'inhumation ad sanctos et non de regroupement de sépultures martyriales.
Citer ce document / Cite this document :
Rebillard Éric. Les areae carthaginoises (Tertullien, Ad Scapulam 3, 1) : cimetières communautaires ou enclos funéraires de
chrétiens ?. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 108, N°1. 1996. pp. 175-189.
doi : 10.3406/mefr.1996.1933
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1996_num_108_1_1933ÉRIC REBILLARD
LES AREAE CARTHAGINOISES
(TERTULLIEN, AD SCAPULAM 3, 1) :
CIMETIÈRES COMMUNAUTAIRES OU ENCLOS FUNÉRAIRES
DE CHRÉTIENS?1
Le dossier de l'origine des cimetières chrétiens en Afrique a pour clé de
voûte un texte où Tertullien montre les païens en train d'attaquer des areae
'Cet article reprend des éléments de mon mémoire de l'École française de
Rome (1995), dont Jacques Fontaine a été le rapporteur auprès de l'Académie des
inscriptions et belles-lettres. Il a fait aussi l'objet d'une communication aux Semi-
nari di archeologia cristiana (Rome) et profité des remarques stimulantes de diffé
rents intervenants parmi lesquels je tiens à remercier tout particulièrement Jean
Guyon.
Abréviations :
Y. Duval, ISA = Y. Duval, Loca sanctorum Africae. Le culte des martyrs en
Afrique du IVe au VIIe siècle, 2 vol. (Collection de l'École française de Rome, 58), Rome,
1982.
Y. Duval, Auprès des saints corps et âme = Y. Duval, Auprès des saints corps et
âme. L'inhumation ad sanctos dans la chrétienté latine d'Orient et d'Occident du IIIe
au VIIe siècle, Paris, 1988.
ICKarth = L. Ennabli, Les inscriptions funéraires chrétiennes de la basilique dite
de Sainte-Monique à Carthage (Collection de l'École française de Rome, 25), Rome,
1957.
ICKarth II = L. Ennabli, Les inscriptions funéraires chrétiennes de Carthage, II-
La basilique de Mcidfa (Collection de l'École française de Rome, 62), Rome, 1982.
ICKarth III = L. Ennabli, Les de Carthage, III-
Carthage intra et extra muros (Collection de l'École française de Rome, 151), Rome,
1991.
P. Monceaux, Histoire littéraire - P. Monceaux, Histoire littéraire de l'Afrique
chrétienne, 7 vol., Paris, 1901-1927.
É. Rebillard, Κοιμητήριο ν et coemeterium, = E. Rebillard, Κοιμητήριο ν et coe-
meterium : tombe, tombe sainte, nécropole, dans MEFRA, 105, 1993, p. 975-1001.
V. Saxer, Vie liturgique - V. Saxer, Vie liturgique et quotidienne à Carthage vers le
milieu du IIIe siècle. Le témoignage de saint Cyprien et de ses contemporains d'Afrique,
Rome, 1969 (Studi di antichità cristiana, 29).
V. Saxer, Morts, martyrs, reliques = V. Saxer, Morts, martyrs, reliques en Afrique
chrétienne aux premiers siècles. Les témoignages de Tertullien, Cyprien, et Augustin à la
lumière de l'archéologie africaine, Paris, 1980 (Théologie historique, 55).
MEFRA - 108 - 1996 - 1, p. 175-189. ÉRIC REBELLARD 176
appartenant à des chrétiens2. Ce terme a été interprété comme étant spéci
fique aux chrétiens d'Afrique pour désigner leurs «cimetières»3. Or l'exi
stence d'un mot spécifique a été liée à celle d'une institution nouvelle4 : les
cimetières chrétiens communautaires, c'est-à-dire destinés à l'ensemble
des fidèles et appartenant, sous une forme ou sous une autre5, à la commun
auté ecclesiale.
Dans la mesure où l'existence, au IIIe siècle, de «cimetières chrétiens»
n'a pas, en Afrique, de réalité archéologique, l'unique preuve de l'existence
d'une telle institution communautaire repose sur des documents littéraires
et en particulier sur le sens qui est donné au mot area quand il y est emp
loyé. Je me propose donc de reprendre l'examen des emplois du mot area
dans un contexte funéraire : il semble que, comme j'ai pu le montrer pour
les mots κοιμητήριον et coemeterium6, les textes aient souvent été lus hâ
tivement et abusivement interprétés.
Le témoignage de Tertullien
II faut commencer cet examen par la lecture d'un passage de Y Ad Sca-
pulam, lettre ouverte que Tertullien adresse en 212 à Scapula, proconsul
(211-213) d'Afrique pour protester contre des mesures de persécutions. Ter
tullien met en garde le persécuteur la vengeance divine et évoque, à
titre d'exemple, un épisode de la persécution de 202, pendant laquelle Per
pétue et Félicité ont subi le martyre7 :
2 Tertullien, Ad Scapulam 3, 1 : voir infra n. 8.
3 L'idée remonte à l'époque où l'on ne connaissait pas de catacombes en
Afrique. Pour l'opinion vulgate, voir V. Saxer, Vie liturgique, p. 293-297. Cf. en der
nier lieu H. Brandenburg, Coemeterium. Der Wandel des Bestattungswesens als Zei
chen des Kulturumbruchs der Spätantike, dans Laverna, 5, 1994, p. 206-232, p. 209
(n. 10) et p. 212-213.
4 Cf. H. Brandenburg, Coemeterium, art. cit., p. 208-209 et p. 213.
5 Sur cette question délicate, je renvoie, dans l'attente d'un nouvel l'examen, à
M. Sordi, // cristianesimo e Roma, Bologne, 1965 (Storia di Roma, 19), en particulier
appendice 12 : La posizione giuridica delle communità cristiane e la proprietà eccle
siastica, p. 468-473.
6 Voir É. Rebillard, Κοιμητήριον et coemeterium: tombe, tombe sainte, nécropole,
dans MEFRA, 105, 1993, p. 975-1001. H. Brandenburg, art. cit., exprime à plusieurs
reprises des réserves sur les interprétations que j'ai proposées, mais sans toujours
accompagner ces réserves d'une discussion approfondie.
7 Récit des événements dans M. Sordi, / cristiani e l'Impero romano, Milan,
1983, p. 87-94. LES AREAE CARTHAGINOISES 177
C'est ce qui est arrivé, par exemple, quand Hilarianus était gouverneur :
alors que la population s'était écrié à propos des aires où se trouvent nos sé
pultures : «Pas d'aires pour eux!», ce sont eux qui ont été privés de leurs
aires : de fait, ils n'ont pas récolté leurs moissons8.
L'objectif de Tertullien est de donner un exemple saisissant de ven
geance divine contre les exactions des païens à l'égard des chrétiens. Il dis
pose de deux faits «vrais»9 : les outrages portés par les païens aux sépul
tures de chrétiens10 et une disette entraînée par l'absence de récoltes. Il
combine donc un jeu de mots avec deux emplois du mot area : celui très
courant d'aire de battage et celui, plus technique, d'enclos funéraire11. Pour
que le cri des païens (Areae non sint!) puisse être compris et que son jeu de
mots puisse donc porter, Tertullien a soin de préciser auparavant qu'il s'a
git des areae où se trouvent des sépultures de chrétiens : de areis nostrarum
sepulturarum.
Sans cette précision, il y a toute chance pour que ses lecteurs n'aient
pas pu comprendre qu'il parlait de sépultures. Ce n'est pas cependant parce
que le mot serait d'usage récent en ce sens cimé

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