Les Cahiers de la Quinzaine - article ; n°1 ; vol.5, pg 77-88
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Description

Cahiers Georges Sorel - Année 1987 - Volume 5 - Numéro 1 - Pages 77-88
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 19
Langue Français

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Geraldi Leroy
Les Cahiers de la Quinzaine
In: Cahiers Georges Sorel, N°5, 1987. pp. 77-88.
Citer ce document / Cite this document :
Leroy Geraldi. Les Cahiers de la Quinzaine. In: Cahiers Georges Sorel, N°5, 1987. pp. 77-88.
doi : 10.3406/mcm.1987.945
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mcm_0755-8287_1987_num_5_1_945Les Cahiers de la Quinzaine
GERALDI LEROY
L'inspiration première des Cahiers de la Quinzaine s'enracine
dans la notion de «journal vrai» que Péguy s'était employé à
matérialiser depuis le Гг mai 1897 en quêtant des cotisations1
auprès de ses camarades et dont il avait défini les caractéristiques
dans un article de la Revue socialiste (janvier 1898). Cet organe,
une fois réalisé, devait confier ses rubriques à des spécialistes et
non à des journalistes professionnels ; toute publicité commerc
iale en serait absente ; l'exigence absolue de sincérité et de vérité
ne souffrirait aucune concession. Mais l'événement déclencheur
sera le congrès des organisations socialistes françaises de décem
bre 1899 dont l'une des résolutions finales imposait la discipline
de la presse aux différentes fractions afin de ne pas en comprom
ettre l'unité future par des polémiques inopportunes. Cette dis
position parut insupportable à Péguy dont le socialisme se résu
mait en trois composantes fondamentales : moraliste, dreyfusiste,
anarchisante. En rapport avec la veine moraliste-dreyfusiste, les
Cahiers se réfèrent à la vérité définie universellement et intempo-
rellement, incompatible avec une ligne partisane dogmatiquement
fixée. La notion d'« éducation mutuelle » (Péguy aimait qualifier
sa revue de « revue d'enseignement ») renvoie à l'inspiration anar-
1. Le produit de ces cotisations s'élevait à la somme non négli
geable de 2 440 F quand il fut versé le 31 mars 1900 à la caisse
des Cahiers (C.Q. 1-8, p. 3 de la couverture). Précisons que nous
désignons la série, conformément à l'habitude de Péguy lui-même,
par des chiffres romains et le numéro à l'intérieur de la série par
des chiffres arabes.
77 chisante. S'y rattachent aussi l'exaltation d'une pauvreté assuré
ment subie mais aussi voulue ; la notion élite minoritaire
en lutte contre l'opinion dominante et les emballements de la
foule ; enfin, sur un plan plus organisationnel, la définition des
Cahiers comme une coopérative de production et de consommat
ion, « un essai d'institution communiste et non pas une réussite
d'entreprise capitaliste individuelle » 2.
Le public
Quel était le public visé ? Péguy envisageait au départ le sou
tien de trois réseaux (qui interféraient plus ou moins) : le réseau
socialiste-syndicaliste (à l'exception des guesdistes qu'il récuse
comme « autoritaires »), le réseau enseignant (universités popul
aires, sociétés d'enseignement laïque, les trois degrés de l'in
struction publique), le réseau dreyfusard (à travers les lecteurs de
L'Aurore, du Bulletin de la Ligue des Droits de l'Homme, etc.) 3.
Le lectorat réel, si on en juge par les abonnés, ne coïncide pas
avec celui qui était attendu par Péguy. En outre, il faut prendre
en compte une évolution certaine de la sociologie des abonnés
au cours de l'existence des Cahiers. Malgré les lacunes des archi
ves déposées au Centre d'Orléans (on ne dispose pas du fichier
des abonnés) et en l'absence de statistiques précisément chiffrées,
on peut juger de la composition — mouvante — de ce public.
Un sondage, même rapide, portant sur l'année 1900 4 met en év
idence une forte majorité d'étudiants et d'enseignants. Dans cette
dernière catégorie, les instituteurs sont nettement sous-représen-
tés par rapport aux professeurs du supérieur, plus encore par rap
port aux professeurs du secondaire. En beaucoup moins grand
nombre figurent les médecins et les professions juridiques (avo
cats, avoués, notaires). Il faut noter un secteur juif significatif
amené par Bernard-Lazare dans le sillage de l'Affaire. Apparem-
2. Réponse -provisoire (1-2) in Charles Péguy, Œuvres en prose
complètes I, édition présentée, établie et annotée par Robert
Burac, collection de la Pléiade, Gallimard, 1987, p. 333.
3. Voir Deuxième série au Provincial, in O.C. I, op. cit., pp. 586
et sq., et aussi Librairie des Cahiers (11-11), ïbid., p. 1670.
4. Sur ce point : Geneviève Lautremant, Michel Jordan, Jacques
Viard, « Les abonnés aux Cahiers de la Quinzaine des années 1900
et 1905 », Feuillets de l'Amitié Charles Péguy, n° 151, juillet 1969.
78 aucun ouvrier, au sens strict du terme. Au total, le public ment,
des premiers Cahiers de la Quinzaine est un public comprenant
beaucoup de jeunes, appartenant généralement à la petite bourg
eoisie, fréquentant ou ayant fréquenté l'enseignement supérieur.
A l'autre bout de l'histoire des Cahiers, en 1913, on constate
que l'infléchissement des préoccupations personnelles de Péguy
vers le patriotisme et le christianisme, ajouté à sa critique du
socialisme officiel, a déterminé une substantielle modification du
public des abonnés. Parmi les lecteurs du début, beaucoup se sont
retirés ; d'autres restent, mais souvent par fidélité à Péguy, sans
approuver forcément ses prises de position. En règle générale, le
recrutement s'est diversifié. Si la composante juive est toujours là,
les enseignants sont relativement moins représentés, tandis qu'ap
paraissent des militaires et des aristocrates. Le nombre des médec
ins est en augmentation. Contrairement à ce qu'on pourrait atten
dre, les ecclésiastiques sont rares, sans doute à cause de la pra
tique chrétienne peu orthodoxe de Péguy. Dans l'ensemble, le
public des Cahiers s'est embourgeoisé. En témoigne, entre autres
preuves, un sondage sur l'habitat des abonnés: les arrondisse
ments aisés (septième, huitième, neuvième et surtout seizième
arrondissements) y apparaissent souvent.
La gérance
Les circonstances jointes au tempérament de Péguy ont larg
ement contredit l'idéal communiste affiché au début. En toute
bonne foi, celui qui s'intitule modestement « le gérant » considère
que son rôle est d'assurer la permanence de l'institution dans son
esprit originel. Aussi insiste-t-il : les souscriptions ne sauraient
influer en rien sur la rédaction et l'administration6. Il s'interdit
personnellement de modifier la copie de ses collaborateurs. Mais
par un paradoxe dont il ne semble pas prendre conscience, il
assume, en invoquant la nécessité absolue de préserver l'indépen
dance de la revue, la totalité des charges en matière de gestion
et de rédaction. Pour être sûr que des pressions étrangères à
l'esprit des Cahiers ne s'exerceront pas sur eux, il ne tolère aucun
contrôle ! Curieuse coopérative de production et de consomma-
5. Cette mention qui apparaît dès le premier Cahier sera régu
lièrement répétée par la suite.
79 tion où le gérant, juge et partie, ne soumet jamais son bilan à une
assemblée générale sous prétexte qu'il ne convient pas de verser
dans des pratiques parlementaires !
Il est vrai que Péguy décide de tout, depuis le choix des man
uscrits jusqu'au choix des caractères et de la mise en page. Pour
autant, la publication n'obéit pas à des règles de fonctionnement
fixes. Les principes qu'y énonce solennellement Péguy de temps
à autre (dont on a souvent l'impression qu'ils répondent à des
nécessités de circonstances) subissent de multiples accommodem
ents. Au total sont sortis 229 Cahiers répartis en quinze séries
avec beaucoup de variables. La périodicité fut rien moins que
constante. A partir de la deuxième série, la publication suit
l'année scolaire: elle chevauche deux années civiles. Péguy dé
créta successivement qu'ils paraîtraient le 5 et le 20 du mois,
vingt fois par an, seize fois par an, etc. En fait, aucun rythme
constant ne fut observé. Les séries étaient plus ou moins fournies
(les extrêmes sont dix et vingt-deux numéros).

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