Les clauses « sans précédents » de la Lex de imperio Vespasiani. Une interprétation juridique - article ; n°1 ; vol.16, pg 25-43
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Cahiers du Centre Gustave Glotz - Année 2005 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 25-43
Dans la Lex de imperio Vespasiani, on remarque l’alternance entre des clauses qui, dans l’acte d’attribuer des pouvoirs à Vespasien, se reportent à des prérogatives identiques dont bénéficiaient les principes précédents (ch. I, II, V, VI; cf. VII) et des clauses qui, au contraire, ne parlent pas de prédécesseurs (ch. III, IV, VIII). L’étude propose une explication de ce phénomène. Il ne faut pas lire, dans l’absence ou la présence de précédents, l’histoire ou même la chronologie des prérogatives du princeps au cours du Ier siècle apr. J.-C. Il s’agit, au contraire d’une différence juridique, entre «actes» et «effets», entre l’attribution du pouvoir d’accomplir un acte (conforme aux précédents) et la légalisation des effets de l’acte. Les clauses qui mentionnent les
principes précédents attribuent des pouvoirs (de conclure des foedera, de senatum habere, de proferre pomerium, d’agere ex usu reipublicae) et renvoient aux mêmes pouvoirs possédés par les principes
précédents. Les trois clauses sans précédents ont pour but de régler au niveau législatif les effets des actes du princeps: dans les capita III et VIII, la Lex de imperio Vespasiani établit que ces actes sont valides comme s’ils étaient accomplis selon les lois; dans le caput IV, elle établit - selon l’interprétation qui semble préférable - que l’on déroge aux conditions requises pour l’électorat passif établies par les lois annales.
Nella Lex de imperio Vespasiani si constata l’alternanza fra norme che, nell’atto di attribuire poteri a Vespasiano, si riferiscono a delle identiche prerogative di cui beneficiavano i principes
precedenti (cap. I, II, V, VI; cfr. VII) e norme che invece non menzionano predecessori (cap. III, IV, VIII). Lo studio propone la spiegazione di questo fenomeno. Nell’assenza o presenza di precedenti, non bisogna leggere la storia o anche solo la cronologia delle prerogative del princeps
nel corso del I secolo d. C. Si tratta, invece, di una differenza giuridica, fra «atti» e «effetti», fra l’attribuzione del potere di compiere un atto (conforme ai precedenti) e la legalizzazione degli effetti dell’atto. Le norme che menzionano i principes precedenti attribuiscono poteri (di concludere foedera, di senatum habere, di proferre pomerium, d’agere ex usu reipublicae), con rinvio ai medesimi poteri posseduti dai principi precedenti. Le tre norme senza precedenti hanno il fine di regolare a livello legislativo gli effetti degli atti del princeps: nei capita III e VIII, la Lex de imperio Vespasiani stabilisce che questi atti siano validi come se fossero compiuti in conformità alle leggi; nel caput IV, stabilisce - secondo l’ipotesi che sembra preferibile - che si deroghi ai requisiti dell’elettorato passivo stabiliti dalle leggi annales.
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Publié le 01 janvier 2005
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Langue Français

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D ARIO M ANTOVANI
LES CLAUSES « SANS PRÉCÉDENTS » DE LA LEX DE IMPERIO VESPASIANI : UNE INTERPRÉTATION JURIDIQUE *
L’inscription gravée sur une table de bronze que les modernes appellent Lex de imperio Vespasiani a bénéficié, depuis l’humanisme, d’une attention his-toriographique constante et elle a été entourée, dès le moment de sa redé-couverte au XIV e siècle par Cola di Rienzo, d’un prestige politique et idéo-logique tout à fait particulier. Pourtant (ou, peut-être, justement pour cela) c est un document qui reste ouvert à des interprétations diverses, même contraires, au point de sembler presque en attente de recevoir un sens au lieu d’en offrir un 1 . L’état de mutilation du texte, qui représente au mieux la moitié seulement de sa totalité 2 , laisse sans réponses des questions fondamentales, à commencer par la portée même de la loi. Il suffit de se rappeler – ce qu’on ne fait pas toujours – que l’inscription, malgré le nom moderne qui lui a été donné, ne fait jamais mention de l’ imperium ni de la tribunicia potestas , les deux piliers de la position
* Texte de la conférence tenue le 3 avril 2006 au Centre Glotz, sur invitation de Jean-Michel David à qui va ma reconnaissance. Les conclusions, ici approfondies sur certains points, sont exposées dans « Le clausole “senza precedenti” della “Lex de imperio Vespasiani” », dans L. Labruna dir., Tradizione romanistica e costituzione , II, Naples, 2006, p. 1035 sq. Ma reconnais-sance va à J.-L. Ferrary pour la lecture du manuscrit. 1 Pour le texte (infra) , je suis M. H. Crawford éd., Roman Statutes , I, Londres, 1986, p. 549, n° 39. L’étude complète la plus approfondie est celle de P. Brunt, « Lex de Imperio Vespasiani », JRS , 67, 1977, p. 95 sq. ; récemment, voir F. Hurlet, « La Lex de imperio Vespasiani et la legitimité augustéenne », Latomus , 52, 1993, p. 261 sq. ; M. Pani, « Costituzionalismo antico : la lex de impe-rio Vespasiani », dans Id. éd., Storia romana e storia moderna. Fasi in prospettiva , Bari, 2005, p. 101 sq., avec bibliographie. 2 L’hypothèse selon laquelle Cola di Rienzo – qui affirma avoir récupéré une tabula magna erea sculptis literis antiquitus insignita dans un autel où elle avait été cachée, par haine du pouvoir impérial, par Boniface VIII – aurait possédé en réalité deux tables (dont une aurait disparu par la suite) a été proposée, à la suite de G. v. Beseler, par M. Sordi, « Cola di Rienzo e le clausole mancanti della “Lex de imper io Vespasiani” », dans Studi in onore di E.Volterra , II, Milan, 1971, p. 303 sq. Cette hypothèse a été considérée comme plausible par M. H. Crawford , Roman Statutes , cit. supra n. 1, p. 551, et défendue avec de nouveaux arguments par G. Purpura, « Sulla tavola perduta della Lex de auctoritate Vespasiani », Minima epigraphica et papyrologica , 2, 1998, p. 261 sq. = Annali del dipartimento di storia del diritto dell’Università degli studi di Palermo (AUPA) , 45, 1998, p. 413 sq. (d’où je tire les citations). Sceptique, au contraire, J.-L. Ferrary, « À propos des pouvoirs d’Auguste », Cahiers Glotz , 12, 2001, p. 151, n. 206.
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constitutionnelle du princeps 3 . On ne sait donc pas si ces deux prérogatives – ou au moins une d’entre elles – figuraient dans la partie aujourd’hui perdue de la lex 4 , ou si celle-ci n’attribuait que des pouvoirs complémentaires par rapport aux deux pr incipaux, qui seraient l’objet d’autres actes explicites d’attribution 5 . D’un autre côté, le lien que l’on peut établir entre l’inscription et une série de documents relatifs aux formes juridiques de l’investiture impériale (parmi lesquels se distinguent les commentarii des arvales, qui enregistrent des cérémo-nies religieuses liées à ces actes ou qui les commémorent 6 ), même s’il est éclai-rant, ne lève pas toutes les ombres. Il n’existe aucune certitude non plus sur ce qui pourrait sembler la conclu-sion la plus simple, c’est-à-dire que le texte gravé dans le bronze doive être identifié avec (un exemplaire de) la lex regia quae de imperio (principis) lata est mentionnée par Ulpien (1 inst . D. 1, 4, 1 pr. ; cf. I, 1, 2, 6), par Sévère Alexandre dans un rescrit recueilli dans le Codex (C. 6, 23, 3) et par Justinien dans la constitution Deo Auctore , § 7 (= C. 1, 17, 1, 7) 7 , outre Gaius dans ses Institutiones (1, 5 : cum ipse imperator per legem imper ium accipiat ). L’identification fut proposée dès le début du XVI e siècle, apparaissant dans les De principatu libri
3 Sur le problème de l’ imperium , voir infra n. 12. Une autre dénomination moderne est Lex de potestate Vespasiani , adoptée exempli gratia par M. A. Levi, « La legge dell’iscrizione C.I.L. VI, 930 », Athenaeum , 26, 1938, p. 85 sq. ; une autre encore est Lex de auctoritate Vespasiani , que G. Purpura, « Sulla tavola perduta », cit. supra n. 2, p. 415, n. 1, tire de la définition qu’en a don-née Cola. 4 Il n’y a aucun doute qu’il s’agit d’une lex , puisque le texte se définit ainsi lui-même (l. 29, 34 et 36), bien que par le passé elle ait été classée parmi les senatus consulta (encore dans C. G. Bruns, Fontes iuris Romani antiqui 7 , Berlin, 1909, p. 202). Par excès inverse, une tendance récente en vient à douter que la rogatio proposée à l’approbation du peuple (pr obablement entre la fin décembre 69 et février 70) ait reproduit un senatus consultum précédent. À ce sujet, la forme anaphorique utique avec le subjonctif présent n’est pas considérée – à juste titre – comme un indice suffisant pour prouver que le texte ait été à l’or igine un décret du Sénat (ainsi, G. Purpura, « Sulla tavola perduta », cit. supra n. 2, p. 415 sq.). Cependant, bien que la syntaxe ne démontre pas de façon absolue qu’il y avait un sénatus-consulte à la base de la rogatio , on ne peut aucunement exclure que cela ait été le cas ; cela est même probable, selon T. Mommsen, Römisches Staatsrecht , II, 2 3 , Leipzig, 1887, p. 877 sq. ; voir en ce sens, récemment, F. Lucrezi, Leges super principem. La “monarchia costituzionale” di Vespasiano , Naples, 1982, p. 146 sq. ; F. Hurlet, La Lex de imperio Vespasiani , cit. supra n. 1, p. 265, n. 14. En effet, comme on le sait, les rogationes étaient souvent présentées ex auctoritate senatus ; à plus forte raison dans le cas qui nous occupe, où la rogatio s’insérait dans un rite d’investiture dont les patres (après l’acclamation et le serment des lég ions) étaient les promoteurs : cf.Tac . , Hist. 4, 3, 3 : (senatus) cuncta principi-bus solita Vespasiano decernit . 5 L’on peut mesurer le vaste spectre des solutions possibles dans la synthèse canonique de G. Barbieri, s. v. Lex de imperio Vespasiani , dans Diz. Ep. , IV, 2, 1957, p. 757 sq. ; à ce sujet, voir maintenant J.-L. Ferrary, « Pouvoirs d’Auguste », cit. supra n. 2, p. 152, n. 209-211, avec biblio-graphie. 6 Voir J. Scheid, « L’investiture impériale d’après les commentaires des arvales », Cahiers Glotz , 3, 1992, p. 221 sq. Pour l’édition, Id., Commentarii fratrum arvalium qui supersunt. Les copies épigra-phiques des protocoles annuels de la confrérie arvale (21 av.-304 apr. J.-C.) , Rome, 1998. 7 Sur la « réutilisation », entre le XII e et le XV e siècle, de la lex regia , particulièrement par les juristes pisans, pour assurer la légitimation politique des institutions de l’époque, v oir E. Conte, « Archeologia giuridica medievale. Spolia monumentali e reperti istituzionali nel XII secolo », dans Rechtsgeschichte. Zeitschrift des Max-Planck-Instituts für europäische Rechtsgeschichte , 4, 2004, p. 118 sq.
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septem de Mario Salamonio degli Alberteschi composés entre 1511 et 1513 8 , mais elle a toujours été exposée à des objections plus ou moins amples (et fondées). Sans aller jusqu’à attribuer à des interpolations de Tribonien les réfé-rences à la lex (regia) dans les textes du Corpus Iuris (ce qui n’est plus guère soutenable après la redécouverte du manuscrit de Vérone des Institutiones de Gaius) 9 ou nier l’authenticité de l’inscription même, comme le fit par exem-ple, au milieu du XVII e siècle, Martin Schoock (auteur qui avait déjà démon-tré sa vocation iconoclaste dans une réfutation de la philosophie cartésienne, la tristement célèbre Admiranda Methodus Philosophiae Renati des Cartes de 1643) 10 , il reste en effet un problème de base, à savoir que les deux termes de cette confrontation sont entourés d’un halo d’indétermination. D’un côté, comme il a été dit, nous ne connaissons pas le contenu essentiel de la lex épi-graphique, c’est-à-dire que nous ne savons pas si elle conférait l’ imperium et la tribunicia potestas ou bien seulement des pouvoirs complémentaires du genre de ceux que contient la table qui a sur vécu. D un autre côté, la physionomie de la lex (regia) mentionnée par Gaius, Ulpien, Sévère Alexandre et Justinien est trouble elle aussi, puisque les opinions divergent quant à savoir si l’investi-ture des empereurs culminait en une seule lex publica (qui puisse être définie regia ) 11 . Par conséquent, la confrontation se fait entre deux termes – la lex de l’inscription et la lex regia des juristes – dont l’identité est dans les deux cas incertaine 12 .
8 Liv. 7 : Tabula aenea, quae adhuc in Lateranensi basilica pendet ( scil . : là où Cola di Rienzo l’avait exposée, avant ou pendant l’année 1347, et où elle serait restée jusqu’en 1576, date à laquelle, par la volonté de Grégoire XIII, elle fut murée dans la salle du Faune du Palais des Conservateurs de Rome, aujourd’hui Museo Capitolino, inv. n° 7180), singulis principibus ex arbitrio populi Romani legem regiam uar iari consueuisse arguit . Salamonio, en reconnaissant dans la lex épigraphique de Vespasien une version la lex regia mentionnée par le Cor pus iuris , réfute l’idée que la lex regia elle-même ait été adoptée une fois pour toutes sous Auguste : il s’agissait plutôt d’un modèle qui était voté et adapté pour chaque princeps . L’œuvre, composée entre 1511 et 1513, fut publiée après sa mort, en 1544, à Rome, chez Domenico Basa ; cf. M. D’Addio, L’idea del contratto sociale dai sofisti alla r iforma e il De principatu di Mario Salamonio , Milan, 1954, p. 1 sq., à qui l’on doit aussi une réédition de l’œuvre : M. Salamonii de Alberteschis, De principatu. Libri septem , Milan, 1954. 9 Néanmoins, les sources juridiques ont été encor e récemment définies « oltre che vaghe e approssimative nei loro contenuti… fortemente sospette quanto a veridicità » par F. Lucrezi, Leges super principem , cit. supra n. 4, p. 176 ; une opinion différente se trouve dans A. Pabst, Comitia imperii. Ideelle Grundlagen des römischen Kaisertums , Darmstadt, 1997, p. 188 sq., qui distingue de façon convaincante l’esprit des affirmations justiniennes (qui présentent la lex regia comme acte d’instauration une fois pour toutes du pr incipat) de celui des juristes des II e et III e siècles qui témoignent d’une pratique encore en cours de lois répétées lors de chaque investiture. 10 M. Schoockii, De Fragmento Legis Regiae Epistola , Groningue, 1661, p. 3 sq. (que j’ai consulté dans la transcription intégrale qu’en a donnée F. Lomonaco, Lex regia. Diritto, filologia e fides his-torica nella cultura politico-filosofica dell’Olanda di fine Seicento , Naples, 1990, p. 245 sq.). 11 Les raisons possibles de douter sont discutées par J.-L. Ferrary, « Pouvoirs d’Auguste », cit. supra n. 2, p. 152 sq., qui retient comme probable l’hypothèse d’une unique loi générale qui aurait comme objet pr incipal, mais non unique, la tribunicia potestas .Voir également en ce sens la note suivante. 12 Le problème fondamental, que nous ne pouvons qu’effleurer ici, est celui de l’ imperium . Alors qu’il est certain – sur la base des commentarii des arvales – que les principes recevaient la
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Sur ces problèmes techniques se greffe un problème historique, concernant de façon spécifique la figure de Vespasien en tant que membre d’une gens ob-scura ac sine ullis maiorum imaginibus , dont l’avènement marque une indiscuta-ble discontinuité par rapport à l’expérience des principes Julio-Claudiens, de trèsnobleorigine,divinisésetfilsdedieux,dontlannée.69Àacpr.J.-C.lan-née des quatre empereurs – s’éloigne irréversiblement 13 e propos, bien que la lex épigraphique – entendue comme loi d’attribution et de confirma-tion des pouvoirs du princeps – témoigne par elle-même du scr upule légaliste (et par conséquent traditionaliste) du premier des Flaviens, certains savants croient découvrir dans ce « Bestallungsgesetz » des éléments de nouveauté qui, à leur tour, peuvent être, et ont été, mis en relation avec la nouveauté socio-politique et institutionnelle du principatus de Vespasien 14 . En particulier, pour en venir au thème de mon exposé, l’alternance entre des clauses qui, dans l’attribution de pouvoirs, font mention d’attributions
tribunicia potestas des comitia , rien n’atteste qu’ils en recevaient aussi l’ imperium , à tel point que l’on a pensé que celui-ci dér ivait de l’acclamation comme imperator par les troupes et le Sénat (c’est la fameuse – et encore aujourd’hui séduisante – théorie de T. Mommsen, Römisches Staatsrecht , cit. supra n. 4, p. 841, qui soutient « dass die Comitien das Imperium nie weder über-tragen noch bestätigen »). S’il en était ainsi – mais c’est justement le nœud du problème – le terme imperium rapporté à la lex regia serait employé par Gaius (1, 5), Ulpien (D. 1, 4, 1 pr.) et Sévère Alexandre (C. 6, 23, 3) dans un sens général, pour indiquer le pouvoir suprême du prin-ceps (dont se rapproche imperatoria potestas dans la constitution Deo Auctore § 7), et non dans le sens technique de l’ imperium des magistrats républicains (en ce sens, T. Mommsen, Römisches Staatsrecht , cit. supra n. 4, p. 877, n. 1 ; récemment, F. Milazzo, Profili costituzionali del ruolo dei mili-tari nella scelta del Princeps. Dalla morte di Augusto all’avvento di Vespasiano , Naples, 1989, p. 53, et J.-L. Ferrary, « L’expression du pouvoir dans la Rome antique : réflexions sur l’ imperium », dans J.-P. Genet éd., Rome et l’État moderne européen : une comparaison typologique (École française de Rome, 31 janvier-2 février 2002) , sous presse, dans le cadre d’une analyse générale de l’ imperium ). Cela serait cohérent avec le fait que la lex « de imperio » Vespasiani ne contient pas de référence à l’ imperium au sens technique de ce mot dans la partie que nous connaissons (et l’on devrait en déduire qu’il n’y en avait pas non plus dans la portion perdue). De plus, cette interprétation serait en accord avec la formule ob imperium qui, dans certains procès-verbaux des fratres aruales (cf. les tables dans J. Scheid, « L’investiture impériale », cit. supra n. 6, p. 221 sq., avec des conclu-sions en partie différentes), indique le jour où le Sénat confère les différentes prérogatives impé-riales. L’expression employée par les arvales est particulièrement significative, parce que les commentaires eux-mêmes enregistrent séparément l’attribution de la tribunicia potestas par les comitia (ce qui implique que l assignation des pouvoirs de la part du Sénat était considérée comme décisive en ce qui concernait l’ imperium , sans attendre une confirmation de la part du peuple), et parce qu’il n’existe aucune référence à un vote populaire pour l’attribution de l’ im-perium au sens technique. La solution la plus économique, les sources étant ce qu’elles sont et tout en prenant toutes les précautions possibles, reste donc celle de Mommsen : la lex épigra-phique correspondrait à la loi passée dans les comitia ob tribuniciam potestatem et serait l’unique loi prévue pour l’investiture (appelée regia ou de imperio par référence, non pas à l’ imperium au sens strict, mais au contraire à la position monarchique du princeps , position qui lui était de toute façon déjà reconnue après l’acclamation comme imperator par les troupes et après le séna-tus-consulte qui, en confirmant l’acclamation, lui attribuait les pouvoirs). 13 Pour la personnalité, les œuvres accomplies et l’époque, voir B. Levick, Vespasian , Londres, 1999, p. 4 sq., part. p. 43 sq. 14 Je laisse de côté ici l’interprétation extrême – et, à mon avis, insoutenable – qui considère le fait que la lex épigraphique concerne Vespasien, non pas comme le résultat du hasard de la
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identiques à celles dont avaient bénéficié les principes précédents, et des clau-ses qui, au contraire, ne parlent pas de prédécesseurs, a été considérée comme un signe de discontinuité. Il n’est fait mention d’aucun précédent dans le caput III qui établit la validité des séances des sénateurs convoquées par le prin-ceps , dans le caput IV qui règle, en dérogation aux normes générales, l’éligibi-lité des candidats ayant reçu la commendatio ou suffragatio du princeps , et dans le caput VIII qui légalise les actes accomplis par Vespasien avant l’approbation de la loi même. L’absence de prédécesseurs, qui avait déjà attiré l’attention des commentateurs cultes 15 , est encore souvent lue comme un signe de la nou-veauté des pouvoirs conférés à Vespasien par les capita en question, justement sans précédents 16 . La formulation de la loi se transforme alors facilement en argument historique, c’est-à-dire que là où l’exemple de principes antérieurs
survie des inscriptions (qui a conservé fortuitement un ex emplaire se rapportant à cet empe-reur, en faisant disparaître ceux des autres, qui avaient pourtant eux aussi existé), mais bien comme une donnée historique précise ; c’est, pour la première fois, en 69 apr. J.-C. qu’une « carta costituzionale del pr incipato » aurait été sanctionnée, grâce à laquelle « la signoria dive-niva un regolare e ben definito istituto del diritto pubblico » : ainsi, e. g ., L. Pareti, Storia di Roma e del mondo romano , V, Turin, 1960, p. 63, qui attribue la lex à l’initiative unilatérale du Sénat (peut-être déjà survenue avec Othon et Vitellius) ; dans ce sens encore, F. Lucrezi, Leges super principem , cit. supra n. 4, p. 182 sq., retient la Lex de imperio Vespasiani comme « un caso unico ed eccezionale » ; contra , exactement, J.-L. Ferrary, « Pouvoirs d’Auguste », cit. supra n. 2, p. 151, n. 203 (avec bibliographie). Une lecture différente, qui valorise pourtant la portée constitution-nelle de la lex épigraphique, est maintenant proposée par M. Pani, « Costituzionalismo antico », cit. supra n. 1, p. 101 sq., qui ne reconnaît pas une telle valeur « constitutionnelle » dans le fait même de l’adoption de la loi (que l’auteur retient justement ne pas êtr e une nouveauté du principat de Vespasien ni de ses prédécesseurs immédiats), mais, au contraire, de façon plus spé-cifique, dans la clause VI dite « discrétionnaire » (qui aurait été une nouveauté sous Vespasien). La clause – dans l’interprétation de M. Pani – subordonne le pouvoir normatif du princeps au respect « dei più alti valori divini ed umani, pubblici e privati » et représente donc une étape du chemin séculaire vers la reconnaissance des libertés fondamentales devant le pouvoir établi. Le premier obstacle qui s’oppose à cette interprétation est la mention des principes précédents dotés du même pouvoir, mention qui dément qu’il s’agisse d’une innovation, sauf à la consi-dérer comme imprécise. D un autre côté, c’est le concept même de « constitution » et l’idéo-logie du constitutionnalisme qui, même s’ils sont employés avec les précautions les plus gran-des, risquent de projeter sur l’expérience romaine des caractères juridiques qui ne lui apparte-naient pas : avec quels remèdes juridictionnels une éventuelle violation des limites que l’on suppose imposées à Vespasien par la clause VI aurait-elle pu être sanctionnée ? 15 Cf. M. Schoockii, De Fragmento Legis Regiae Epistola , cit. supra n. 10, p. 277 sq., où l’ab-sence de précédents dans la clause III, relative à la commendatio et suffragatio , est présentée comme un indice de l’inauthenticité de l’inscr iption, puisqu’il ressort des sources historiques que Tibère déjà, et non Vespasien le premier, aurait donné aux patres (c’est-à-dire à lui-même) le contrôle des élections (la référence est au célèbr e passage de Tac., Ann . 1, 16). 16 Pour ce schéma d’inter prétation, voir, e. g ., P. Brunt, « Lex de Imperio Vespasiani », cit . supra n. 1, p. 103 sq., qui juge possible que quelques-uns des pouvoirs « sans précédents » aient déjà été possédés par des principes en charge entre Claude etVespasien, mais non cités parce que frap-pés, formellement ou non, de damnatio memoriae (sur ce sujet, voir infra n. 32). Dans la biblio-graphie plus récente, l’idée que le manque de précédents dénote la nouveauté de la clause est affirmée par F. Lucrezi, Leges super principem , cit. supra n. 4, p. 161 sq. (pour les clauses IV et VIII) ; F. Hurlet, La Lex de imperio Vespasiani , cit. supra n. 1, p. 278 sq. (pour la clause VIII) ; G. Purpura, « Sulla tavola perduta », cit. supra n. 2, p. 440 sq. (pour les clauses III, IV, VIII).
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manque, l’on peut voir la preuve de la nouveauté qui, sur le plan institution-nel ainsi que sur le plan socio-politique, aurait distingué le principat de 7 Vespasien 1 . Ce bref essai n’a pas l’intention de nier les points de rupture qu’apporta à la constitution augustéenne la succession de Néron, cruelle et tourmentée, qui laissa pendant longtemps l’ imperium incertum et quasi uagum et révéla enfin non seulement l’ arcanum , c’est-à-dire qu’un empereur pouvait être créé ailleurs qu’à Rome (posse principem alibi quam Romae fieri) , mais également qu’un plé-béien sans noblesse pouvait devenir prince. Le but de mon exposé est seule-ment de montrer que l’alternance, dans la Lex de imperio Vespasiani , de capita invoquant des précédents et de capita qui en sont dépourvus possède une explication jur idique. La différence de formulation rélève de la nature diffé-rente des deux types de normes et ne veut absolument pas dire que les clau-ses dépourvues de précédents aient été nouvelles : une pleine confirmation, en somme, de la déclaration de Tacite que Vespasien obtint du Sénat (et, peut-on ajouter, par la loi) cuncta principibus solita , tous les pouvoirs, les honneurs et les privilèges accordés d’habitude aux empereurs, sans innovations. Au niveau de la méthode, l’intention de mon essai est de souligner ainsi l’importance de l’interprétation juridique des documents législatifs anciens, condition néces-saire à une utilisation correcte de ces textes comme sources histor iques. Pour comprendre la raison de l’absence de précédents, il faut comparer les clauses de la Lex de imperio Vespasiani 18 et reconnaître leur typologie :
[---] foedusue cum quibus uolet facere liceat, ita uti licuit diuo A ug(usto), I Ti(berio) Iulio Caesari Aug(usto),Tiberioque Claudio Caesari Aug(usto) Germanico ; utique ei senatum habere, relationem facere remittere, senatus II consulta per relationem discessionemque facere liceat ita uti licuit diuo Aug(usto), Ti(berio) Iulio Caesari Aug(usto),Ti(berio) Claudio Caesari 5 Augusto Germanico ; (vacat) utique cum ex uoluntate auctoritateue iussu mandatuue eius III praesenteue eo senatus habebitur, omnium rerum ius perinde habeatur seruetur, ac si e lege senatus edictus esset habereturque ; utique quos magistratum potestatem imperium curationemue 10 IV
17 Est de cet avis, en particulier, F. Lucrezi, Leges super principem , cit. supra n. 4, p. 143 sq., pour qui Tacite commettrait une faute d’imprécision en déclarant que le Sénat conféra cuncta princi-pibus solita à Vespasien, puisque les pouvoirs dérivant de la Lex de imperio épigraphique étaient nouveaux dans la façon dont ils étaient attribués et pour leur formulation (la conclusion est d’ailleurs étendue également aux clauses ayant des précédents). G. Purpura, « Sulla tavola per-duta », cit. supra n. 2, p. 441, met salutairement en garde contre des déductions trop générales, même s’il accepte lui aussi l’inter prétation selon laquelle l’absence de précédents dénote la nouveauté des clauses : « Le tre innovazioni della parte finale della Tabula Vespasiani rappresen-tano tutto sommato troppo poco per giustificare una svolta in senso “costituzionale” del prin-cipato. » 18 La numérotation des clauses est, évidemment, moderne.
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cuius rei petentes senatui populoque Romano commendauerit quibusue suffragationem suam dederit promiserit, eorum comitis quibusque extra ordinem ratio habeatur ; (vacat) utique ei fines pomerii proferre promouere cum ex re publica censebit esse liceat, ita uti licuit Ti(berio) Claudio Caesari Aug(usto) Germanico ; (vacat) utique quaecunque ex usu rei publicae maiestate diuinarum huma<na>rum publicarum priuatarumque rerum esse {e} censebit ei agere facere ius potestasque sit, ita uti diuo Aug(usto), Tiberioque Iulio Caesari Aug(usto),Tiberioque Claudio Caesari Aug(usto) Germanico fuit ; (vacat) utique quibus legibus plebeiue scitis scriptum fuit, ne diuus Aug(ustus), Tiberiusue Iulius Caesar Aug(ustus),Tiberiusque Claudius Caesar Aug(ustus) Germanicus tenerentur, iis legibus plebisque scitis Imp(erator) Caesar Vespasianus solutus sit ; quaeque ex quaque lege rogatione diuum Aug(ustum), Tiberiumue Iulium Caesarem Aug(ustum),Tiberiumue Claudium Caesarem Aug(ustum) Germanicum facere oportuit, ea omnia Imp(eratori) Caesari Vespasiano Aug(usto) facere liceat ; utique quae ante hanc legem rogatam acta gesta decreta imperata ab Imperatore Caesare Vespasiano Aug(usto) iussu mandatuue eius a quoque sunt ea perinde iusta r ataq(ue) sint ac si populi plebisue iussu acta essent. (vacat) sanctio (vacat) si quis huiusce legis ergo aduersus leges rogationes plebisue scita senatusue consulta fecit fecer it, siue quod eum ex lege rogatione plebisue scito s(enatus) ue c(onsulto) facere oportebit non fecerit huius legis ergo, id ei ne fraudi esto, neue quit ob eam rem populo dare debeto neue cui de ea re actio neue iudicatio esto neue quis de ea re apud [s]e agi sinito . (vacat) Comme on peut le voir, quatre des huit clauses qui ont survécu 19 ont une structure du type ei (scil. : imperatori Caesari Vespasiano Augusto ) aliquid facere liceat + ita uti licuit diuo Aug(usto), Ti(berio) Iulio Caesari Aug(usto), Ti(berio) Claudio Caesari Augusto Germanico . Sont conçues de cette f açon : la clause I (sur le pouvoir de conclure des foedera et, vraisemblablement, de déclarer la guerre et la paix), II (sur le pouvoir de convoquer et présider le Sénat, de faire la relatio et de mettre les senatusconsulta aux votes),V (sur le pouvoir d’étendre le pomerium , exceptionnellement rapporté au seul Claude),VI (sur le droit et le pouvoir d’accomplir tout ce que le princeps croit utile à la res publica et en accord avec la maiestas des choses divines et humaines, publiques et pr ivées). La clause VII (qui est double) est d’un type à part, bien qu’elle se rapproche du type que je viens d’illustrer : elle établit queVespasien sera exempté des lois dont Auguste, Tibère et Claude avaient été explicitement exempts ; en parti-
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19 La sanctio , précisément parce que « clause de protection » de la loi distincte de la partie substantielle, n’entre pas dans l’analyse que nous conduisons.
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culier, elle dispose que Vespasien pourra faire tout ce qu’Auguste, Tibère et Claude devaient (ou pouvaient ?) faire sur la base d’une loi quelconque. Les trois clauses restantes se distinguent négativement par le fait qu’elles ne parlent pas d’empereurs précédents. Le caput III établit que les séances du Sénat tenues par la volonté et avec l’autorisation ou bien sur l’ordre et le man-dat du prince, ou de toute façon en sa présence, seront juridiquement consi-dérées, en tout et pour tout, comme si le Sénat avait été convoqué et tenu sur la base d’une loi. Le caput IV affirme que lors des comices le président doit tenir compte extra ordinem des candidats à une magistrature, autorité, imperium ou charge d’un domaine quelconque, que le princeps les ait recommandés au Sénat ou au peuple ou qu’il leur ait donné ou promis sa préfér ence. Enfin, le caput VIII sanctionne que les actes, les décrets et les ordres accomplis par l’  em-pereur avant l’approbation de la loi elle-même, ou par quelqu’un d’autre sur son ordre ou mandat, seront valides de la même façon que s’ils avaient été accomplis sur la base d’une loi ou d’ plébiscite. un Si l’on veut saisir la raison de la différence de construction des clauses, il convient avant tout de prendre au sérieux la caractéristique qui distingue avec le plus d’évidence les deux premiers types du troisième. Il faut, en somme, renoncer à l’escamotage trop fréquent consistant à attr ibuer aux textes anciens des faiblesses qui ne sont que celles de celui qui les inter prète, et donc accep-ter que la mention ou l’omission des précédents dans les différentes clauses ne soit ni fortuite ni occasionnelle, mais au contrair e soigneusement pesée. Nous en trouvons la preuve dans la clause V, sur le pouvoir de déplacer plus avant le pomerium , bande de terrain rituellement définie par les augures qui fai-sait tout le tour des murs de Rome et marquait la limite des auspicia urbana et qui ne pouvait être ni habitée ni cultivée . Le pouvoir de repousser le pomerium appartenait more maiorum à celui qui aurait ag randi l’ ager Romanus par l’an-nexion d’un terr itoire conquis sur l’ennemi 20 , alors que la clause V de la Lex de imperio Vespasiani le confère au prince. Que la loi, lorsqu’elle attribue la faculté d’agrandir le pomerium à Vespasien, ne se rapporte qu’à Claude (et non à Auguste et Tibère) est en soi très éloquent : la sélection est révélatrice du scrupule des rédacteurs de la loi, pour qui la mention des précédents n’était donc pas seulement le désir de nommer d’autres princes quels qu ils soient 21
20 Gell., 13, 14, 3 : Habebat autem ius proferendi pomerii, qui populum Romanum agro de hostibus capto auxerat ; cf. SHA, V. Aurelian . 21, 10 : Pomerio autem neminem pr incipum licet addere nisi eum, qui agri barbarici aliqua parte Romanam rem p. locupletauerit . 21 Bien vu par T. Mommsen, Römisches Staatsrecht , cit. supra n. 4, p. 878, n. 3 : « Die Berechtigungen werden dem Vespasianus im Ganzen nach dem Muster des Augustus, des Tiberius und des Claudius, die zur Erweiterung des Pomerium allein nach dem Muster des Claudius gegeben. Hienach war diese, wie übrigens auch anderweitig feststeht, in der Competenz des Augustus und des Tiberius nicht mit enthalten » ; P. Brunt, « Lex de Imperio Vespasiani », cit . supra n. 1, p. 104 et 114 : « It is apparent that they were scrupulous… not to ascribe to previous emperors specific prerogatives for which there was no precise warrant ». A. Giardina, L’Italia romana. Storie di un’identità incompiuta , Rome-Bari, 1997, p. 131, n. 10, attri-bue justement une « valeur décisive » au silence de la Lex de imperio Vespasiani et observe judi-
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ni – en un mot – pure propagande. La documentation externe elle aussi, bien que non univoque 22 , fournit une confirmation appréciable de la précision avec laquelle travaillait le législateur, puisqu’on a justement conservé le sou-venir d’un agrandissement du pomerium réalisé par Claude 23 . Il est donc pro-bable qu’en cette occasion le ius proferendi pomerii a été définitivement conféré au princeps (en vertu d’une loi, peut-on penser) et que, comme tel, il a été inclus dans les lois d’investiture successives, telle l’inscription qui nous est par-venue avec un rappel exact du précédent de Claude 24 . Si donc les rédacteurs, ainsi que nous en avons la confirmation, sélection-naient et incluaient les précédents en connaissance de cause, on pourrait pen-ser que le silence absolu quant à des précédents dans trois clauses signifie que ces dispositions étaient une nouveauté de la Lex de imperio Vespasiani . En réa-lité, cette explication est réfutée par les sources, d’où il ressort que les princi-pes antérieurs aussi bénéficiaient des prérogatives prises en considération par ces clauses « adespotes ». C’est le cas pour les capita III et IV. En ce qui concerne la clause III – sur la lég itimité des séances du Sénat convoquées par la volonté ou sur ordre du princeps –, c’est la loi elle-même qui nous confirme que, déjà sous Auguste, le prince avait reçu un ample pou-voir de convocation du Sénat et de présidence de ses travaux. L’attestation en vient, en effet, du caput II qui, en conférant à Vespasien la faculté de senatum habere (de convoquer et présider la séance), de relationem facere ou remittere (de soumettre ou remettre l’objet de la consultation au Sénat) 25 et enfin de senatus-
cieusement : « La mancanza del riferimento ad Augusto non può essere ritenuta casuale per-ché, altrove, nel medesimo documento, si ricordano con precisione le specifiche prerogative da lui esercitate […] e perché lo spirito stesso del provvedimento sollecitava la valorizzazione dei precedenti. » 22 Le fait qu’Auguste ait déplacé le pomerium est discuté mais improbable. Les Res Gestae n’en parlent pas, de même que Gell., 13, 14 ; surtout, Sen., Breu. uitae 13, 8, 1, atteste qu’avant Claude, Sylla avait été le dernier à le déplacer. Ces données, selon le jugement de T. Mommsen, Römisches Staatsrecht , cit. supra n. 4, p. 1072, n. 3, l’emportent sur celles, contraires, de Tac., Ann . 12, 23, 2, Cass. Dio, 55, 6 et SHA,V. Aurelian . 21, 10 (qui, en plus, ne mentionne pas Claude). Dans le même sens, avec un réexamen de la documentation, A. Giardina, L’Italia romana , cit. supra n. 21, p. 117 sq., pour qui l’attribution de l’extension du pomerium à Auguste est à mettre au nombre de celles « palesemente er rate » (p. 118 ; p. 131, n. 10, discussion des sources et bibliographie). Voir aussi, en général, A. Simonelli, « Considerazioni sull’origine, la natura e l’evoluzione del pomerium », Aevum , 75, 2001, p. 119-162. 23 Tac., Ann . 12, 23, 2 ; 12, 24, 2 ; Gell., 13, 14, 7. Les sources littéraires sont confirmées par les cippes CIL ,VI, 31537-31538 ; ILS , 213 ; NSA , 1909, p. 44 sq. ; 1913, p. 68 ; de façon moins certaine, NSA , 1912, p. 197. 24 Outre le problème de savoir si Auguste, ou seulement Claude, avait déplacé le pomerium (voir n. 22), l’attribution par une loi du ius proferendi pomerii s’explique dans le cas où celle-ci modifierait la discipline traditionnelle au ni veau des conditions requises (par exemple, quant à la qualité juridique du sol conquis) ou bien de la capacité à procéder au déplacement (qui, par le passé, était réservée au général victorieux). Le fait que Gell., 13, 14, 3 emploie le verbe à l’imparfait : Habebat autem ius proferendi pomer ii… (pour la suite du texte, voir n. 20) confirme peut-être l’hypothèse que la loi comportait des innovations. 25 Alors que relationem facere ne présente pas de difficulté, relationem remittere est un syntagme obscur, précisément à cause de la polysémie du verbe qui peut signifier aussi bien (r) en voyer » « que « révoquer, annuler ». L’étude la plus approfondie à ce sujet est celle de C. Nicolet, « La
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consulta per relationem discessionemque facere (de faire voter les senatusconsulta dans les deux modalités possibles, sans demander aux sénateurs leurs senten-tiae et en passant tout de suite au vote, ou bien en les interrogeant et les fai-
Tabula Siarensis , la Lex de imperio Vespasiani et le ius relationis de l’empereur au Sénat », MEFRA , 100, 1988, p. 842 sq. L’explication qu’il propose – que le verbe doit être relié à senatusconsulta et non à relationem , et qu’il signifie « renvoyer (par cassation) au Sénat les sénatus-consultes déjà votés – n’est cependant pas convaincante. En premier lieu pour des difficultés syntaxiques évi-» dentes, dont C. Nicolet lui-même avait conscience (p. 856) : son interprétation demande d’in-tervertir l’ordre habituel des mots, étant donné que senatusconsulta suit remittere et ne le précède pas, comme on pourrait s’y attendre ; de plus, elle demande de séparer per relationem de discessio-nemque et, enfin, elle supprime une locution technique telle que s.c. per discessionem facere . En deuxième lieu, même en admettant comme possible la locution remittere senatusconsulta (ad sena-tum) per relationem , puisque ce renvoi présumé au Sénat se ferait au moyen d’une relatio (une pure et simple consultation), il por terait à une discussion de la part du Sénat (une nouvelle « lecture », dirait-on en langage parlementaire contemporain, dont cette interprétation semble être tribu-taire) : les patres pourraient donc accepter mais aussi repousser les censures du princeps . Une pro-cédure similaire non seulement aurait mis le princeps dans une position délicate, mais quand bien même elle aurait été pratiquée, elle n’aurait pas eu besoin d’une assignation d’un pouv oir ad hoc par la loi. N’importe quel magistrat (ou princeps ) doté du ius referendi aurait pu proposer au Sénat de délibérer d’une façon différente de celle d’un sénatus-consulte précédent. En troisième lieu, l’interprétation critiquée ici déterminerait une incohérence dans l’ordre des pouvoirs mention-nés dans la clause II de la Lex de imperio Vespasiani (qui, sinon, se déroulent de façon linéaire de la convocation au vote), étant donné que le présumé pouvoir de cassation se situerait avant le pouvoir de faire voter un sénatus-consulte. Enfin, on remarquera que l’expression (ad senatum) relationem remittere est non seulement l’interprétation la plus simple de la Lex , mais qu’elle revient aussi chez Plin., Ep . 9, 13, 22, qui la confirme donc quelle qu’en soit la signification (voir p. 849 sq.). Inversement, les sources invoquées en faveur de l’hypothèse d’un pouvoir de remit-tere senatusconsulta (p. 851 sq.) n’emploient jamais ce verbe mais ont r ecours à d’autres (p. ex. abo-lere , rescindere ). Parmi les sources discutées par l’auteur, de plus, n’apparaît pas (probablement parce qu’à l’époque l’édition du texte était tout à fait récente) le document le plus important, c’est-à-dire Irn . cap. D, qui traite précisément de l’annulation d’un sénatus-consulte. La norme (qui date à peu près du même moment que la Lex de imperio Vespasiani ) atteste de la ter minolo-gie technique ( tollere , perducere , inritum facere ), qui ne comprend pas remittere ( de… decreto tollendo perducendo inritoue faciendo ne quis at decuriones conscriptosue referto… ). En définitive, il semble encore préférabl d’interpréter la clause de la Lex de imperio Vespasiani en faisant de relationem le e complément d’objet de remittere . Quant au sens, les hypothèses présentées jusqu’à présent sont recueillies (et en partie critiquées de façon convaincante) par C . Nicolet, ibid ., p. 848 sq. La seule fois où l’expression apparaît dans le texte déjà cité (Plin., Ep . 9, 13, 22 : relationem… de eo Caesar ad senatum non remisit ), si elle est technique – comme il semble –, elle signifierait que le Sénat, par un décret émanant de lui-même (voté per discessionem après que les sententiae de chacun des sénateurs avaient été entendues), avait demandé au princeps de décider s’il jugeait bon de lui sou-mettre une relatio spécifique sur Publicius Certus (donc de la lui « r emettre, reporter, restituer » en reconnaissant, pour ainsi dire, sa compétence ou en renonçant à la sienne) et que la décision de Nerva avait été négative. Dans ces conditions, tout d’abord, le silence de Pline sur le contenu d’un SC que les consuls avaient fait voter à la hâte s’expliquerait par le caractère non définitif du décret. Cela expliquerait aussi le commentaire de Pline, à qui il importait peu qu’un vérita-ble procès se déroule au Sénat et qui se déclare par conséquent satisfait, parce que le cas avait été au moins soulevé et qu’on pouvait même avoir le sentiment que Certus s’était sauvé seule-ment parce que l’empereur avait évité de remittere la relatio au Sénat. Inutile de dire – étant donné que le pouvoir de relationem remittere était un pouvoir attribué au princeps par la lex – que ce pou-voir ne dépendait pas d’une initiative impromptue des consuls et du décret du Sénat, mais qu’il s’inscrivait dans un iter préétabli.
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sant voter ensuite), affirme que ce pouvoir était déjà détenu par les empe-reurs précédents. La documentation historique confirme elle aussi cette information. En 23 av. J.-C., immédiatement après l’abdication du consulat (et presque en compensation), Auguste eut le pouvoir de « traiter avec le Sénat au sujet de n’importe quelle affaire, au moment où il le voulait, au cours de chaque séance 26 ». L’année suivante, il obtint le droit de « convoquer le Sénat chaque fois qu’il le voudrait 27 ». Donc, l’omission de précédents dans la clause III ne peut en aucune façon dépendre de la nouveauté des pouvoirs dont il y est question 28 . Ceci est valable aussi pour la clause IV qui concerne les candidats recom-mandés au Sénat ou au peuple par le princeps , ou bien auxquels le princeps déclarait donner son vote 29 . Dans ce cas aussi, l’usage de commendare et de suf-fragationem dare/promittere n’est assurément pas une nouveauté de l’époque des Flaviens. Cependant, puisque les opinions à ce sujet sont très variées, une pré-cision, bien que simple, s’impose. Il faut bien distinguer entre les actes et leurs effets. Pour ce qui est des actes, la commendatio et surtout la suffragatio remon-tent à l’époque républicaine : il s’agissait de pratiques permettant à des per-sonnages plus ou moins influents de f aire connaître leur appui aux candidats ’ils préféraient, autrement dit il s’agissait de coutumes profondément qu ancrées dans le système social romain par lesquelles se manifestaient les réseaux d’amitié et de clientèle 30 . Par conséquent, une loi permettant à Vespasien de se comporter en « supporter » électoral, ainsi qu’il avait toujours été permis à tout citoyen, n’aurait pas été nécessaire, et décider que cela était
26 Cass. Dio, 53, 32, 5, avec le commentaire de C. Nicolet, « La Tabula Siarensis », cit. supra n. 25, p. 840 sq. Le Sénat précise que ce pouvoir revenait de droit à Auguste, « même quand il n’était pas consul », et lui restituait donc, après l’abdication, cette préséance dans l’or dre des rela-tiones qui revenaient de droit aux consuls en tant que tels. 27 Cass. Dio, 54, 3, 3 ; cf. T. Mommsen, Römisches Staatsrecht , cit. supra n. 4, p. 896 sq. ; C. Nicolet, « La Tabula Siarensis », cit. supra n. 25, p. 841. Les deux attributions élargissaient la faculté d’ agere cum patribus que le princeps détenait déjà en vertu de la tribunicia potestas . 28 Est aussi du même avis F. Hurlet, La Lex de imperio Vespasiani , cit. supra n. 1, p. 270, n. 34 et p. 274. L’explication donnée par l’auteur, pour qui l’absence de précédents dans la clause III s’explique parce qu’il s’agit d’« une norme complétant les dispositions de la seconde », touche le point essentiel et nous tenterons de la préciser par la suite. 29 La teneur de la Lex implique une distinction entre commendatio et suffragatio non pas tant dans les effets, qui sont communs (voir infra , p. 38 sq.), que dans les modalités, même si l’on n’est pas encore parvenu à une distinction certaine. Pour une vue d’ensemble des hypothèses, voir F. Hurlet, La Lex de imperio Vespasiani , cit. supra n. 1, p. 274, n. 54. J’ai l’impression que par commendatio on entendait une présentation formelle des vertus d’un ou même de plusieurs can-didats adressée au Sénat et au peuple, alor s que la suffragatio était une expression plus per son-nelle de préférence et d’intention de v ote pour un candidat, sans qu’il faille toutefois souligner les différences de façon exagérée (pour les sources, voir B. M. Levick, « Imperial Control of the Elections under the Early Pr incipate : commendatio , suffragatio , and nominatio », Historia , 16, 1967, p. 207 sq., part. p. 209 sq., et R. Frei-Stolba, Untersuchungen zu den Wahlen in der römischen Kaiserzeit , Zürich, 1967, p. 29 sq. et 181 sq.). 30 Bien vu par M. A. Levi, « La legge dell’iscrizione C.I.L. VI, 930 », cit. supra n. 3, p. 91, bien que dans le cadre d’une interprétation opposée à celle qui est présentée ici. Sur les formes spé-cifiques – peut-être institutionnalisées de façon progressive – par lesquelles se manifeste le consentement du princeps pour ses propres candidats, voir infra n. 45.
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