Les contretemps de l aventure européenne - article ; n°1 ; vol.60, pg 82-101
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Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1998 - Volume 60 - Numéro 1 - Pages 82-101
The Downside of the European Adventure, Robert Frank.
In studying the various types of commitment to Europe from the 1920s today, Robert Frank retraces a complex history with its golden ages and its crises. Many personalities, circles and elites have partipated in this involvement, from Richard Coudenhove-Kalergi to Jean Monnet, from Aristide Briand to Jacques Delors, from Paul Valéry to Edgard Morin. But this history turns is back on that of the construction of Europe. The fact that the European Union is suffering from a lack of image today is probably the resuit of the gap between the two histories.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 65
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Robert Franck
Les contretemps de l'aventure européenne
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°60, octobre-décembre 1998. pp. 82-101.
Abstract
The Downside of the European Adventure, Robert Frank.
In studying the various types of commitment to Europe from the 1920s today, Robert Frank retraces a complex history with its
golden ages and its crises. Many personalities, circles and elites have partipated in this involvement, from Richard Coudenhove-
Kalergi to Jean Monnet, from Aristide Briand to Jacques Delors, from Paul Valéry to Edgard Morin. But this history turns is back
on that of the construction of Europe. The fact that the European Union is suffering from a lack of image today is probably the
resuit of the gap between the two histories.
Citer ce document / Cite this document :
Franck Robert. Les contretemps de l'aventure européenne. In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°60, octobre-décembre
1998. pp. 82-101.
doi : 10.3406/xxs.1998.2760
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1998_num_60_1_2760CONTRETEMPS DE L'AVENTURE LES
EUROPÉENNE
Robert Frank
Certes, l'idée d'Europe - le projet de L'Europe peut-elle susciter la passion
de l'engagement ? Oui, si l'on considère construire son unité - ne se porte pas si
le nombre de personnalités prises dans mal aujourd'hui. Mais inspire-t-elle autre
le combat, de Coudenhove-Kalergi à chose qu'un consensus majoritaire et mou ?
Jean Monnet, d'Aristide Briand à Jac Suscite-t-elle une flamme suffisamment
ques Delors, de Paul Valéry à Edgar Mo- mobilisatrice pour inciter au moins une
rin. Oui, encore, si l'on prend en compte passion, voire davantage : une action qui
le nombre et la diversité des milieux engage une vie ou un morceau de vie ?
impliqués. Mais cette histoire de l'eng Au-delà des textes froids des traités et des
agement tourne le dos à celle de la cons réglementations de Bruxelles, la récente
truction de l'Europe. Les âges d'or et guerre de Bosnie a-t-elle au moins pro
les crises de l'une et de l'autre sont décal voqué une émotion en faveur d'une union
és. Est-ce là l'origine du «déficit plus étroite entre Européens ?
d'image» dont souffre l'Union euro « Ce qui se passe en Serbie démontre la nécess
péenne d'aujourd'hui ? ité des États-Unis d'Europe. Qu'aux gouver
nements désunis succèdent les peuples unis.
Finissons-en avec les empires meurtriers. MuselL'« engagement européen» est- il seule
ons les fanatismes et les despotismes ... Plus ment possible ? Placés côte à côte,
de guerres, plus de massacres, plus de carnaces deux mots ne sonnent-ils pas ges ; libre pensée, libre-échange ; fraternité ...
curieusement ? Y a-t-il compatibilité entre Ce que les atrocités de Serbie mettent hors de
les deux termes, entre les deux cultures doute, c'est qu'il faut à l'Europe une nationalité
européenne, un gouvernement un, un immense auxquelles chacun se réfère ? Ceux qui se
arbitrage fraternel, la démocratie en paix avec disent «engagés» ne préfèrent- ils pas
elle-même ... En un mot, les États-Unis s'engager pour d'autres causes que d'Europe. C'est là le but, c'est là le port». l'Europe ? Et les hommes et les femmes
qui servent l'idée de l'unité de l'Europe Non, le style ne peut pas tromper. Ces
ont-ils une « culture de l'engagement » ? lignes n'ont pas pour auteur Bernard-Henri
S'engager n'est pas seulement agir ou opi Lévy en 1994, mais Victor Hugo en 1876 1,
ner avec force, c'est avant tout aventurer,
risquer quelque chose de soi. Pour cer
1. Victor Hugo, -Pour la Serbie- (1876), Œuvres complètes, tains, l'engagement est même une philo Paris, Hetzel et Cie et Quantin, tome 4, p. 6, cité par Denis
de Rougemont, Vingt-huit siècles d'Europe. La conscience eurosophie de vie, plus importante que l'object
péenne à travers les textes d'Hésiode à nos jours, Paris, Payot, if de l'action qui la remplit. Pour d'autres, 1961, rééd. Bartillat, 1990 et par Joseph Rovan, L'Europe, Paris,
c'est au moins la passion d'une idée. Le Seuil, 1966, (coll. -Peuple et culture»), p. 308.
82 ;
L'AVENTURE EUROPEENNE
année de la guerre sanglante entre Turcs O LE PREMIER ÂGE D'OR DE L'ENGAGEMENT
et Serbes. Les émois sont presque identi EUROPÉEN
ques, à l'importante réserve près qu'au
Au cœur de tout engagement, il y a temps de Hugo, les Serbes sont perçus
une idée. Or, contrairement au «bonheur» comme victimes et non comme bourreaux.
invoqué par Saint-Just, l'idée européenne Mais les mêmes émois ne produisent pas
n'est pas une «idée neuve en Europe». les mêmes effets politiques. La crise bos
Visant un idéal de paix dès ses origines, niaque déchaîne plutôt scepticisme et cr
elle suppose une «identité» européenne, itiques contre l'inefficacité européenne,
fondée sur un sentiment d'appartenance alors qu'il y a cent-vingt ans le sang des
à une culture ou une civilisation commune, Serbes appelait à un désir d'Europe.
placée au-dessus d'autres identités collecAujourd'hui, celle-ci ne paraît déchaîner
tives, les identités des peuples ou des de passions que chez ses adversaires, et
nations. C'est au nom de cette européanité, l'engagement anti-européen parle souvent
de cette famille culturelle large que l'unité plus fort que l'engagement européen,
est demandée pour la paix, pour éviter même s'il n'est pas nécessairement écouté
des conflits ainsi considérés comme fratrpar les opinions publiques.
icides. On trouve trace de cette idée dans Il n'en a pas toujours été ainsi, et l'exem
le «traité» rédigé en 1464 par Georple de Hugo montre l'existence dans le
ges Podiebrad, roi de Bohême. Elle trpassé d'un souffle en faveur de l'idée
averse l'esprit de Sully, d'Henri IV, de Jean- d'Europe. Il ne faut pas regarder le passé
Jacques Rousseau, de Kant et de bien avec les seules lunettes d'aujourd'hui ni
d'autres 2, avant de prendre corps chez les tirer de conclusions hâtives à la lecture
romantiques comme Mazzini ou Victor de deux ouvrages récents, par ailleurs
Hugo, dont on sait qu'ils sont aussi les excellents et d'une richesse exceptionnelle,
chantres du mouvement des nationalités : qui pourraient donner l'impression d'un
aucune contradiction à leurs yeux entre véritable désert français de l'idée euro
les deux idées, l'idée de nation et l'idée péenne chez nos intellectuels l. Si l'Europe
d'Europe, bien au contraire. Fait peu n'est pas à la mode intellectuellement
connu, Ernest Renan - nous sortons des aujourd'hui, si le déficit d'engagement
romantiques - clame aussi, douze ans avant européen est réel dans le second 20e siè
sa célèbre conférence Qu'est-ce qu'une cle, ce n'est pas une raison pour ne pas
nation ?, la complémentarité à établir dans voir qu'il a pu exister naguère. Oui, des
l'avenir entre deux légitimités, celle des intellectuels, mais aussi des hommes
nations et celle d'« États-Unis d'Europe liés d'affaires, des militaires ont pu à des épo
entre eux par un pacte fédéral» : ques différentes de notre siècle s'intéresser
à l'Europe et même s'engager en faveur « On verra la fin de la guerre quand, au principe
de son unité. des nationalités, on joindra le principe qui en
est le correctif, celui de la fédération européenne,
supérieur à toutes les nationalités» 3.
Pour tous ces hommes cependant, on
1. Jacques Julliard, Michel Winock (dir.), Dictionnaire des ne peut encore parler d'engagement. Pour intellectuels français, Paris, Le Seuil, 1996, 1258 p. Michel Wi
nock, Le siècle des intellectuels, Paris, Le Seuil, 1997, 704 p. De
2. Cf. les deux premiers chapitres de l'ouvrage d'Elisabeth fait, sur le thème -les intellectuels et l'Europe •, cf. les travaux
du Réau, L'idée d'Europe au 2Cf siècle. Des mythes aux réalités, du groupe animé par Andrée Bachoud, Manuel Espadas-Burgos,
Bruxelles, Complexe, 1996. Nicole Racine, Michel Trebitsch, colloque de Salamanque,
3. Ernest Renan, ■ La guerre entre la France et l'Allemagne -, novembre 1997 (actes à paraître). Cf. également Michel Trebitsch,
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