Les divergences énonciatives dans les récits de fiction - article ; n°1 ; vol.128, pg 30-51
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Langue française - Année 2000 - Volume 128 - Numéro 1 - Pages 30-51
Gilles Philippe : Enunciative inconsistencies in fictional narratives Because of the specificity of their functioning, fictional narratives often contain sentences with enunciative inconsistencies, that is with marks of, as it seems, more than one enunciative node. When considered in isolation, such sentences may often be regarded as barely acceptable; but in context, the reader will usually overlook the inconsistency. It doesn't mean that s/he makes do with marks of two enunciative nodes in one utterance: as a matter of fact, either the reader cancels the enunciative inconsistency by ignoring one of the marks, or the weakest enunciative mark is given a new non-enunciative status in the sentence. All this proves to be very important in the current debate on the enunciative functioning of fictional narratives.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Gilles Philippe
Les divergences énonciatives dans les récits de fiction
In: Langue française. N°128, 2000. pp. 30-51.
Abstract
Gilles Philippe : Enunciative inconsistencies in fictional narratives
Because of the specificity of their functioning, fictional narratives often contain sentences with enunciative inconsistencies, that is
with marks of, as it seems, more than one enunciative node. When considered in isolation, such sentences may often be
regarded as barely acceptable; but in context, the reader will usually overlook the inconsistency. It doesn't mean that s/he makes
do with marks of two enunciative nodes in one utterance: as a matter of fact, either the reader cancels the enunciative
inconsistency by ignoring one of the marks, or the weakest enunciative mark is given a new non-enunciative status in the
sentence. All this proves to be very important in the current debate on the enunciative functioning of fictional narratives.
Citer ce document / Cite this document :
Philippe Gilles. Les divergences énonciatives dans les récits de fiction. In: Langue française. N°128, 2000. pp. 30-51.
doi : 10.3406/lfr.2000.1007
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_2000_num_128_1_1007Gilles Philippe
Université de Picardie Jules Verne, Amiens
LES DIVERGENCES ENONCIATIVES
DANS LES RÉCITS DE FICTION
dans C'est les années sur la question quatre-vingts, de la cohérence le partage énonciative entre les diverses des énoncés façons que d'appréhens'est fait,
der la gestion énonciative des textes de fiction narrative. Remettant en cause la
théorie « polyphonique » en l'état de son développement, qui fondait ses des
criptions sur l'idée d'une répartition des marquages énonciatifs entre un ou
plusieurs valideurs x, les théories « non-communicationnelles » opposèrent qu'il
était impossible que les marquages énonciatifs d'un même énoncé relèvent de
centres énonciatifs différents (Banfield 1982). Les tenants de la première avan
çaient des énoncés typiques du roman du xixe siècle, qui présentent, par
exemple, les traces d'un double rapport à la chronologie comme en [1],
[1] Jeanne voyait maintenant ce que nul ne pourrait jamais voir.
Ceux des secondes considéraient qu'en [1], l'un des deux repères chronolo
giques était neutralisé, comme tendait à le prouver le fait que, dans des énon
cés comme [Y],
[Y] Cette femme voyait maintenant ce que nul ne pourrait jamais voir.
le repère chronologique adverbial ne peut plus être attribué au personnage
désigné par le syntagme sujet. Ce personnage ne pouvant s'autoreprésenter
comme « cette femme », il est exclu que le « maintenant » prenne appui sur sa
représentation du temps ; et l'on considère donc que c'est forcément un tiers
qui assume le repère temporel. L'hypothèse où une instance énonciative pourr
ait ne valider qu'une partie des repères énonciatifs d'un énoncé, sans être
appelée à en assumer l'ensemble, semble donc erronée. Les formalisations suc
cessives de la théorie non-communicationnelle du récit ont radicalise ces
constats en présentant la règle du valideur unique comme une contrainte de
formation des énoncés, au même titre que les contraintes de bonne formation
syntaxique (Banfield 1982) : dans une séquence présentée selon le point de vue
de Jeanne, un énoncé tel que [Y], où « cette femme » serait coréférent de Jeanne,
1. Dans le désordre terminologique ambiant, on appellera « valideur » l'instance énonciative qui assume
les marquages déictiques ou subjectifs d'un énoncé. Ce terme est proposé comme équivalent, entre
autres, de l'« énonciateur » ou du « sujet de conscience » des théoriciens continentaux, du « nœud énon-
ciatif » ou du « centre déictique » des théories anglo-saxonnes. Nous avons pu préférer, ailleurs, cette der
nière expression (Philippe 1998).
30 peut être considéré comme bien formé, sauf s'il est destiné à introduire une ne
rupture dans la cohérence énonciative du texte 2.
On voit que chacune des deux démarches peut légitimement reprocher à
l'autre d'être contre-intuitive. Il est difficilement discutable que, tout en étant
présenté comme perçu en contemporanéité, le procès de [1] relève du passé ; il
est pour autant impossible de construire des énoncés, même à la troisième per
sonne et au passé, contenant des marquages déictiques ou subjectifs qui relè
veraient de plusieurs valideurs, personnage ou figure narratoriale, et qui
resteraient acceptables. Du point de vue strictement méthodologique, les théo
ries polyphoniques se revendiquent d'exemples attestés et acceptables, mais
présentant un nombre limité de configurations offrant, en coprésence, des mar
quages imputables à plusieurs valideurs ; de l'autre, les théories non-commu-
nicationnelles s'appuient sur des exemples construits mais reflétant une gamme
large de configurations inacceptables dès lors que l'interprétation des mar
quages impliquerait plusieurs valideurs.
C'est la question des « divergences énonciatives » dans les textes de narra
tion fictionnelle qui sera l'objet principal de cette étude 3. Par « divergences
énonciatives », on entendra ici les faits de manquement, au moins apparent, à
la règle de cohérence énonciative dans la formation des énoncés : il y a diver
gence dès lors qu'un énoncé propose des marquages énonciatifs qui ne semb
lent pas pouvoir être assumés par un seul valideur, ou ne pas pouvoir être
validés sur le même plan énonciatif. On utilisera ici un corpus généralement
négligé : celui des énoncés attestés dans les textes romanesques, mais a priori
inacceptables. Tout en nous situant dans le cadre méthodologique des
approches non-communicationnelles, qui a l'immense mérite de partir des
seuls faits textuels, on ne cherchera pas d'abord à prendre parti dans un débat
scientifique toujours en suspens, mais à voir comment et pourquoi des énoncés
qui paraissent, isolément, « mal formés » trouvent très généralement une solu
tion interprétative en contexte, c'est-à-dire dans le cadre de la lecture cursive
normale d'un texte de narration fictionnelle. On s'intéressera, dans un premier
temps, à la spécificité des énoncés à marquages énonciatifs divergents, d'un
point de vue théorique et pratique (la notion d'acceptabilité a-t-elle un sens en
énonciation ? Comment classer les faits divergents ? Est-il pertinent de propos
er une approche générale de configurations aussi hétérogènes ?). Dans un
second temps, on s'arrêtera de façon plus détaillée sur deux configurations
d'énoncés posant un problème de cohérence énonciative : les énoncés au passé
simple contenant des embrayeurs ; les énoncés qui combinent passé simple et
passé composé sans changement de plan énonciatif. Dans tous les cas, outre la
question de la levée de la divergence conçue comme un préalable obligé à
l'interprétation, on s'interrogera sur le statut des « scories » : quel rendement
2. Nous renvoyons à l'introduction de ce numéro pour toute précision sur la base théorique de cette ana
lyse, ou à Philippe (2000).
3. Cette réflexion a été amorcée dans Philippe (1998, 63s).
31 interprétatif peut garder un marquage énonciatif non entériné, c'est-à-dire sem
blant relever d'une instance énonciative non retenue comme valideur de l'e
nsemble de l'énoncé ?
1 . La question de l'acceptabilité dans les analyses énonciatives
La notion d'acceptabilité est généralement utilisée dans un cadre strictement
syntaxique. Est acceptable, au sens large, une phrase « grammaticale », c'est-à-
dire qui ne viole aucune des règles exigées par la « bonne formation » des énonc
és. Selon une définition plus étroite de l'acceptabilité, est acceptable un énoncé
grammatical susceptible de recevoir une interprétation ; en ce sens, un
ambigu n'en demeure pas moins acceptable, dès lors qu'il respecte les règles de
formation syntaxique des éno

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