Les divisions religieuses dans les familles parisiennes avant la Saint-Barthélémy - article ; n°1 ; vol.7, pg 55-77

Barbara Diefendorf

Description

Histoire, économie et société - Année 1988 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 55-77
Abstract The author tries to show how religious divisions caused by the Reformation were lived through within the families. She chooses Paris as setting and tries to understand the composition of its heretical population through a limited but original corpus (the « Entry », prison calendar). Thanks to a few examples, she analyses the relationships between wives and husbands, children and parents, and within multi confessions families. Her study shows how reality is much more complicated than the too simplified usual schemes, she therefore revises.
Résumé L'auteur a cherché à voir comment les divisions religieuses entraînées par la Réforme ont été vécues à l'intérieur des familles. Elle a choisi comme cadre Paris où elle a tenté de saisir la composition de la population hérétique à travers un corpus limité mais inédit (les registres d'écrou de la police). A travers des exemples ponctuels elle a analysé les relations entre femmes et maris, parents et enfants, ainsi qu'à l'intérieur d'un réseau familial de confessions différentes. Son étude montre combien la réalité a été complexe et mérite l'attention par rapport aux schémas trop simples que l'on fait facilement. Elle remet ceux- ci en question.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1988
• Nombre de lectures: 14
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Barbara Diefendorf
Les divisions religieuses dans les familles parisiennes avant la
Saint-Barthélémy
In: Histoire, économie et société. 1988, 7e année, n°1. pp. 55-77.
Résumé L'auteur a cherché à voir comment les divisions religieuses entraînées par la Réforme ont été vécues à l'intérieur des
familles. Elle a choisi comme cadre Paris où elle a tenté de saisir la composition de la population hérétique à travers un corpus
limité mais inédit (les registres d'écrou de la police). A travers des exemples ponctuels elle a analysé les relations entre femmes
et maris, parents et enfants, ainsi qu'à l'intérieur d'un réseau familial de confessions différentes. Son étude montre combien la
réalité a été complexe et mérite l'attention par rapport aux schémas trop simples que l'on fait facilement. Elle remet ceux- ci en
question.
Abstract The author tries to show how religious divisions caused by the Reformation were lived through within the families. She
chooses Paris as setting and tries to understand the composition of its heretical population through a limited but original corpus
(the « Entry », prison calendar). Thanks to a few examples, she analyses the relationships between wives and husbands,
children and parents, and within multi confessions families. Her study shows how reality is much more complicated than the too
simplified usual schemes, she therefore revises.
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Diefendorf Barbara. Les divisions religieuses dans les familles parisiennes avant la Saint-Barthélémy. In: Histoire, économie et
société. 1988, 7e année, n°1. pp. 55-77.
doi : 10.3406/hes.1988.1502
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1988_num_7_1_1502LES DIVISIONS RELIGIEUSES
DANS LES FAMILLES PARISIENNES
AVANT LA SAINT-BARTHELEMY
par Barbara DIEFENDORF
Résumé Abstract
L'auteur a cherché à voir comment les divisions The author tries to show how religious divisions
religieuses entraînées par la Réforme ont été vécues à caused by the Reformation were lived through within
l'intérieur des familles. Elle a choisi comme cadre the families. She chooses Paris as setting and tries to
Paris où elle a tenté de saisir la composition de la po understand the composition of its heretical population
pulation hérétique à travers un corpus limité mais through a limited but original corpus (the « Entry »,
inédit (les registres d'écrou de la police). prison calendar).
A travers des exemples ponctuels elle a analysé Thanks to a few examples, she analyses the rela
les relations entre femmes et maris, parents et enfants, tionships between wives and husbands, children and
ainsi qu'à l'intérieur d'un réseau familial de confes parents, and within multi confessions families.
sions différentes. Her study shows how reality is much more
Son étude montre combien la réalité a été com complicated than the too simplified usual schemes, she
plexe et mérite l'attention par rapport aux schémas therefore revises.
trop simples que l'on fait facilement. Elle remet ceux-
ci en question.
« Lequel t'es plus proche, ton frère Catholique et Chrestien ou bien ton frère
charnel Huguenot ? », demanda Simon Vigor, curé de Saint-Paul dans les années 1560.
« La conjunction et affinité spirituelle n'est-elle pas plus grande que la charnelle ?»(1),
Jean Calvin insista sur la même opposition en écrivant à Mme de Rantigny, l'une des
prisonnières de l'affaire de la rue Saint-Jacques, que se reconcilier avec son mari catho
lique serait « faire divorce avec Dieu ». Ne serait-il point « meilleur de mourir cent
fois », demanda-t-il, que de « rompre le lien perpétuel et sacré par lequel nous sommes
conjoinctz au filz de Dieu » en faveur du mariage « terrien et caduque ? »(2). Catholi
ques et protestants, les prédicateurs exhorteront leurs auditeurs à faire attention aux
paroles de Jésus : « l'homme aura pour ennemis ceux de sa propre maison. Celui qui
aime son père ou sa mère plus que moi, n'est pas digne de moi ; et celui qui aime son
fils ou sa fille plus que moi, n'est pas digne de moi» (Matthieu 10 : 36-37). Protestants
et catholiques enseignèrent qu'il fallait estimer la parenté spirituelle plus que la parenté
charnelle, et, en principe du moins, les membres des deux groupes placèrent leur foi re- HISTOIRE ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ 56
ligieuse et leurs obligations spirituelles au-dessus des loyautés personnelles et familiales.
Mais qu'en fut-il dans la pratique ? Qu'arriva-t-il quand les solidarités de la foi et celles
de la famille se trouvèrent en opposition ? Ces questions sont à la base de cette étude.
La plupart des historiens qui ont écrit sur l'histoire de la famille dans les temps
modernes ont insisté sur la domination du mari sur la femme, l'autorité du père sur les
enfants, et la solidarité du réseau de parenté. J'ai l'intention d'examiner ici les effets
du schisme religieux sur ces thèmes d'autorité et de solidarité. L'analyse qui suit se di
vise en quatre parties. Dans la première, j'essaierai d'établir le cadre de la problémati
que qui sera analysée par la suite en signalant quelques aspects particuliers des conflits
religieux dans la capitale. Dans les parties suivantes, j'envisagerai successivement les ef
fets des désaccords religieux entre mari et femme, entre père et fils, et dans le contexte
plus large du réseau familial. J'ai, certes, quelques statistiques à offrir, mais la meilleure
façon d'examiner les tensions qui provenaient des différences religieuses et les moyens
par lesquels les familles ont tait face à des situations déchirantes est de donner nombre
d'exemples concrets. J'aurai donc recours aux techniques descriptives plus qu'aux tech
niques quantitatives.
LE CADRE PARISIEN
La ville de Paris nous offre un bon cadre pour une étude des effets du schisme re
ligieux puisqu'elle se trouvait au centre des tumultes politiques et religieux qui ont ré
duit la France à l'anarchie dans la deuxième moitié du seizième siècle. Les malaises so
ciaux dans la capitale avaient une résonance disproportionnée sur la politique royale, ce
qui nous explique pourquoi grand nombre des événements les plus dramatiques des
guerres de religion se sont déroulés sur le terrain parisien. La plus grande ville de toute
l'Europe septentrionale, Pans, regorgeait de ce genre d'individus qui se montraient
ailleurs en France parmi les convertis les plus enthousiastes de la nouvelle religion :
citadins instruits avec quelques connaissances de culture humaniste ; marchands moyens,
artisans spécialisés tels les orfèvres et les imprimeurs (3).
Il n'existe aucune liste des membres de l'église réformée parisienne. Il est par con
séquent impossible de reconstituer avec précision la composition sociale de l'église dans
la ville. Les listes de gens écroués à la Conciergerie pour cause d'hérésie nous suggèrent,
néanmoins, que la foi calviniste a attiré à Paris les mêmes genres d'individus qu'elle a
attiré ailleurs en France. Les figures 1 à 5 résument sommairement les résultats prélimi
naires de mon évaluation des écroués à la Conciergerie pour la période comprise entre
le début du premier registre en 1564 et la Saint-Barthélémy (4). Evidemment, on peut
critiquer ce postulat d'une identité entre les écroués pour cause d'hérésie et les protes
tants parisiens. Il y avait certainement de fausses accusations et des erreurs ; de plus, il
faut reconnaître que la population protestante n'était pas stable mais changeait selon
la gravité des persécutions. On ne saura jamais l'identité des réformés qui quittèrent la
ville au début des troubles ni de ceux qui sont restés cachés dans leurs maisons. Ceci
admis cependant, les registres des écroués restent une source précieuse qui mérite une
étude plus approfondie.
Résumons brièvement les graphiques : La figure 1 révèle la distribution par grou
pe social au professionnel des 528 suspects religieux pour qui le statut personnel a pu
être identifié (pour les 56 femmes écrouées, j'ai utilisé le métier du mari). 9 %
des suspects était des nobles répondant au moins au titre ď « écuyers » ou de LES DIVISIONS RELIGIEUSES DANS LES FAMILLES PARISIENNES AVANT LA SAINT-BART