Les Figures de la Bible. Le destin oublié d'un genre littéraire en image (XVIe-XVIIe s.) - article ; n°2 ; vol.106, pg 549-591

Engammare Max

Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1994 - Volume 106 - Numéro 2 - Pages 549-591
Max Engammare, Les Figures de la Bible. Le destin oublié d'un genre littéraire en image (XVIe-XVIP siècles), p. 549-591. Les Figures de la Bible sont des recueils de gravures sur bois ou sur cuivre, représentant l'Écriture à travers des cycles couvrant toute la Bible, un seul Testament, voire un seul livre biblique, recueils répandus en Europe occidentale du XVIe au XVIIIe siècle. Raphaël, Hans Holbein, Rembrandt, Nicolas Poussin comptent au rang des maîtres qui ont inspiré ces œuvres gravées ensuite par des Bernard Salomon, Philippe Galle ou Théodore de Bry. Divers textes accompagnent la gravure, faisant des Figures de la Bible un genre littéraire en image. Épigrammes et commentaires sont signés par Gilles Corrozet, Benito Arias Montano, Le Maistre de Sacy et bien d'autres. Il s'agit de présenter ces recueils, d'expliquer leur apparition et leur développement jusqu'au XVIIe siècle inclus, d'interroger les rapports (v. au verso) complexes qu'ils entretiennent avec leur source biblique et la sélection qu'ils y opèrent, ainsi la place privilégiée concédée aux épisodes scabreux et indécents. On s'aperçoit alors que les Figures de la Bible participent à une connaissance historique et à un plaisir esthétique, parfois à un enseignement moral, rarement à un abord dévot ou dogmatique de l'Écriture.
43 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: MELANGES_DE_L-ECOLE_FRANCAISE_DE_ROME
• Publié le: 01 janvier 1994
• Nombre de lectures: 65
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

Max Engammare
Les Figures de la Bible. Le destin oublié d'un genre littéraire en
image (XVIe-XVIIe s.)
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 106, N°2. 1994. pp. 549-591.
Résumé
Max Engammare, Les Figures de la Bible. Le destin oublié d'un genre littéraire en image (XVIe-XVIIe siècles), p. 549-591.
Les Figures de la Bible sont des recueils de gravures sur bois ou sur cuivre, représentant l'Écriture à travers des cycles couvrant
toute la Bible, un seul Testament, voire un seul livre biblique, recueils répandus en Europe occidentale du XVIe au XVIIIe siècle.
Raphaël, Hans Holbein, Rembrandt, Nicolas Poussin comptent au rang des maîtres qui ont inspiré ces œuvres gravées ensuite
par des Bernard Salomon, Philippe Galle ou Théodore de Bry. Divers textes accompagnent la gravure, faisant des Figures de la
Bible un genre littéraire en image. Épigrammes et commentaires sont signés par Gilles Corrozet, Benito Arias Montano, Le
Maistre de Sacy et bien d'autres. Il s'agit de présenter ces recueils, d'expliquer leur apparition et leur développement jusqu'au
XVIIe siècle inclus, d'interroger les rapports
(v. au verso) complexes qu'ils entretiennent avec leur source biblique et la sélection qu'ils y opèrent, ainsi la place privilégiée
concédée aux épisodes scabreux et indécents. On s'aperçoit alors que les Figures de la Bible participent à une connaissance
historique et à un plaisir esthétique, parfois à un enseignement moral, rarement à un abord dévot ou dogmatique de l'Écriture.
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Engammare Max. Les Figures de la Bible. Le destin oublié d'un genre littéraire en image (XVIe-XVIIe s.). In: Mélanges de
l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 106, N°2. 1994. pp. 549-591.
doi : 10.3406/mefr.1994.4339
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1994_num_106_2_4339MAX ENGAMMARE
LES FIGURES DE LA BIBLE
LE DESTIN OUBLIÉ D'UN GENRE LITTÉRAIRE EN IMAGE
(XVIe-XVIIe s.)1
Qualifier le XVIe siècle de siècle de l'image ne relève d'aucune exagéra
tion partisane : les iconoclasmes protestants, la production de la Contre-
Réforme, les réflexions sur le rôle des peintres, les innombrables éditions
agrémentées d'images, sans parler des artistes exceptionnels qui ont
contribué à l'éclat du siècle et à l'avènement de la modernité européenne,
autant d'éléments qui justifient ce propos. Parmi la production pléthorique
des livres illustrés de ce siècle, un genre de recueil mérite d'échapper à la
méconnaissance dans laquelle il est maintenu. Distribuant images et textes
bibliques, ce genre est si peu étudié qu'un mot même manque à s'imposer
1 Cette étude fut rendue possible grâce à l'obtention de deux bourses à l'École
française de Rome en octobre et décembre 1992, puis en février 1994. Mes remercie
ments vont tout naturellement à Ph. Boutry, l'accueillant directeur d'études
modernes, et à C. Nicolet, le directeur de l'École. Ma recherche dans les biblio
thèques romaines fut en outre facilitée par la compétence et la gentillesse des
thécaires, en particulier celles de la Casanatense et de l'Angelica. Cette étude est par
ticulièrement dédiée au personnel de la Biblioteca Angelica, en reconnaissance de sa
disponibilité et surtout, chose rare et pourtant si prisée, de son accueil amène et sour
iant.
Les sigles utilisés pour les bibliothèques romaines sont les suivants : BA :
Biblioteca Angelica; BC : Biblioteca Casanatense; BCo : Biblioteca Corsiniana; BV : Vallicelliana; GNDS : Gabinetto nazionale delle stampe; BAV : Biblioteca
Apostolica Vaticana. Pour les éditions absentes des bibliothèques romaines, j'ai pri
vilégié les localisations hors Paris, puisque le catalogue des anonymes de la BNF
(sigle : P-BNF) sera bientôt disponible et qu'il a associé les autres bibliothèques pari
siennes à son entreprise. On rencontrera ainsi les sigles BM : bibliothèque municip
ale; BPU : Bibliothèque Publique et Universitaire; F-BNC : Florence, Biblioteca
Nazionale Centrale; L-BL : Londres, British Library; O-BL : Oxford, Bodleian
Library; UB : Universitätsbibliothek; V-BNM : Venise, Biblioteca Nazionale Mar-
ciana.
MEFRIM - 106 - 1994 - 2, p. 549-591. MAX ENGAMMARE 550
en français pour le désigner succinctement et avec précision2. Avant de le
caractériser, le nommer : les Figures de la Bible.
Les Figures de la Bible sont des recueils de gravures sur bois, plus tard
sur cuivre, qui représentent ou signifient l'Écriture à travers des cycles d'e
stampes couvrant toute la Bible, un seul Testament, voire un seul livre
biblique - la Genèse et l'Apocalypse ayant alors la faveur des auteurs -, ou
l'histoire d'un homme — David ou Joseph s'imposant en héros. Du texte fait
corps avec l'image, puisque d'un point de vue graphique des énoncés divers
accompagnent, enveloppent, sinon protègent la gravure; ils lui procure
raient même une âme, selon les catégories anthropologiques développées
en préface par maints auteurs, nous y reviendrons (Fig. 1). Au-dessus de la
gravure, la page porte une inscriptio ou motto, à savoir un titre, un thème,
le texte biblique concerné ou sa référence, parfois encore un sommaire ou
ces différents éléments réunis. À la figura s'articule une paraphrase, une
sentence morale, un distique historique, un huitain descriptif ou une autre
pièce didactique, voire méditative : l'épigramme ou la subscriptio placée
sous l'image. Une explication plus développée peut également commenter
la gravure ou l'ensemble de la composition : il s'agit d'une annotatio qui
tend à s'allonger, déjà au cours du XVIe siècle.
2 On trouve quelques définitions de ce que les Allemands appellent Bilderbibel
chez R. W. Gassen, Die Leien Bibel des Straßburger Druckers Wendelin Rihel. Kunst,
Religion, Pädagogik und Buchdruck in der Reformation, dans Memminger Ges
chichtsblätter, 1983-1984, p. 31; P. Tanner, Neue Künstliche Figuren Biblischer Histo
rien zu Gotförchtiger ergetzung andächtiger hertzen, dans Tobias Stimmer 1539-1584,
Bale, 1984, p. 185; etc. Je ne peux accepter la dénomination proposée par Mino
Gabriele, dans sa contribution Questioni di iconologia biblica, dans La Bibbia a
stampa da Gutenberg a Bodoni, éd. par Ida Zatelli et Mino Gabriele, Florence, 1991,
p. 67. Avant de répertorier différentes figures de la Bible (Holbein, Maraffi [avec les
bois de Bernard Salomon], Merian, Küsel, etc.), Gabriele écrit : «Anche le Bibbie,
illustrate con questi intenti, assumono connotazioni iconologiche di 'bibbie gerogli-
fiche'», citant simplement une étude de W.A. Clouston de 1894. Or figures de la Bible
et bibles hiéroglyphiques - qui ne se développeront qu'au XVIIIe siècle - relèvent de
conceptions, de réalisations et de pratiques différentes. R. Bottigheimer, pour sa
part, dans son article Religion for the Young in Bible Story Collections (Kinderbibeln),
dans Fabula 32, 1991, p. 19-32, ici p. 19-21, confond Bilderbibeln et Kinderbibeln; un
petit format ainsi qu'une collection réduite de textes et d'images ne créent pas une
identité et ne se réduisent pas au public enfantin. Les études dévolues aux Figures de
la Bible sont rarissimes. Les plus récentes sont celles de P. van der Coelen, Thesauri
en Trezoren. Boeken en bundels met oudtestamentische prenten, dans Het Oude Testa
ment in de Schilderkunst van de Gouden Eeuw, sous la direction de Ch. Tümpel,
Zwolle et Amsterdam, 1991, p. 168-193, et de R. Bottigheimer, Bible reading Bibles
and the Bible for Children in Early Modem Germany, dans Past & Present, 139, 1993,
p. 66-89. LES FIGURES DE LA BIBLE 551
Cette composition, triple ou quadruple, apparente les Figures de la
Bible à d'autres genres littéraires en images3, en vogue aux mêmes
époques : les livres d'emblèmes et de devises. Comme eux, les Figures de la
Bible associent étroitement texte et image - selon des articulations que
nous définirons - ce qu'énonce le mot figures de leur titre, inscrivant leur
double appartenance aux arts visuels et à la rhétorique4.
L'association conceptuelle entre Figures de la Bible et livres d'em
blèmes est d'autant plus étroite que les mêmes hommes composent,
gravent, commentent les uns et les autres. Lucas Cranach, Raphaël, Hans