Les grandes entreprises européennes de travaux publics face au marché international (1880-1914) - article ; n°2 ; vol.14, pg 361-383

Dominique Barjot

Description

Histoire, économie et société - Année 1995 - Volume 14 - Numéro 2 - Pages 361-383
Abstract From the 1880s, conditions on the international market for civil engineering and public works saw a change, as a result, concurrently, of a shift in demand (with completion of a major infrastructures Western and Central Europe and the redeployment towards the colonies, and later still into Russia, Latin the British Dominions and China), and of a technological transformation (the steel revolution, rei- concrete). While the British civil engineering industry retained its position as world leader, it came under threat from completion, not only from French, German and Belgian firms, but even from Swiss, Scandinavians and Italians. Germany and Belgium, no less than France or the United Kingdom, the emergence of powerful firms, as instanced by Philipp Holzmann (Germany) and Ackermans & Haaren (Belgium).
Résumé À partir des années 1880, les données du marché international des travaux publics se modifièrent sensiblement en raison à la fois d'un déplacement de la demande (achèvement de la mise en place des grandes infrastructures de base en Europe occidentale et centrale, réorientation au profit des colonies, puis de la Russie, de l'Amérique latine, des Dominions et de la Chine) et d'une mutation technologique (révolution de l'acier, béton armé). Si l'industrie britannique des travaux publics demeurait la première du monde, elle fut de plus en plus concurrencée non seulement par les firmes françaises, mais encore par les entreprises allemandes et belges, voire suisses, Scandinaves et italiennes. En Allemagne et en Belgique autant qu'en Grande-Bretagne et en France naquirent de puissantes entreprises dont Philipp Holzmann (Allemagne) et Ackermans & Van Haaren (Belgique) offrent de bons exemples.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1995
• Nombre de lectures: 45
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Dominique Barjot
Les grandes entreprises européennes de travaux publics face
au marché international (1880-1914)
In: Histoire, économie et société. 1995, 14e année, n°2. pp. 361-383.
Résumé À partir des années 1880, les données du marché international des travaux publics se modifièrent sensiblement en
raison à la fois d'un déplacement de la demande (achèvement de la mise en place des grandes infrastructures de base en
Europe occidentale et centrale, réorientation au profit des colonies, puis de la Russie, de l'Amérique latine, des Dominions et de
la Chine) et d'une mutation technologique (révolution de l'acier, béton armé). Si l'industrie britannique des travaux publics
demeurait la première du monde, elle fut de plus en plus concurrencée non seulement par les firmes françaises, mais encore par
les entreprises allemandes et belges, voire suisses, Scandinaves et italiennes. En Allemagne et en Belgique autant qu'en
Grande-Bretagne et en France naquirent de puissantes entreprises dont Philipp Holzmann (Allemagne) et Ackermans & Van
Haaren (Belgique) offrent de bons exemples.
Abstract From the 1880s, conditions on the international market for civil engineering and public works saw a change, as a result,
concurrently, of a shift in demand (with completion of a major infrastructures Western and Central Europe and the redeployment
towards the colonies, and later still into Russia, Latin the British Dominions and China), and of a technological transformation (the
steel revolution, rei- concrete). While the British civil engineering industry retained its position as world leader, it came under
threat from completion, not only from French, German and Belgian firms, but even from Swiss, Scandinavians and Italians.
Germany and Belgium, no less than France or the United Kingdom, the emergence of powerful firms, as instanced by Philipp
Holzmann (Germany) and Ackermans & Haaren (Belgium).
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Barjot Dominique. Les grandes entreprises européennes de travaux publics face au marché international (1880-1914). In:
Histoire, économie et société. 1995, 14e année, n°2. pp. 361-383.
doi : 10.3406/hes.1995.1779
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1995_num_14_2_1779LES GRANDES ENTREPRISES EUROPEENNES DE TRAVAUX
PUBLICS FACE AU MARCHE INTERNATIONAL
(1880-1914)
par Dominique BAR JOT
Résumé
A partir des années 1880, les données du marché international des travaux publics se modifièrent sens
iblement en raison à la fois d'un déplacement de la demande (achèvement de la mise en place des grandes
infrastructures de base en Europe occidentale et centrale, réorientation au profit des colonies, puis de la
Russie, de l'Amérique latine, des Dominions et de la Chine) et d'une mutation technologique (révolution
de l'acier, béton armé). Si l'industrie britannique des travaux publics demeurait la première du monde, elle
fut de plus en plus concurrencée non seulement par les firmes françaises, mais encore par les entreprises
allemandes et belges, voire suisses, Scandinaves et italiennes. En Allemagne et en Belgique autant qu'en
Grande-Bretagne et en France naquirent de puissantes entreprises dont Philipp Holzmann (Allemagne) et
Ackermans & Van Haaren (Belgique) offrent de bons exemples.
Abstract
From the 1880s, conditions on the international market for civil engineering and public works saw a
marked change, as a result, concurrently, of a shift in demand (with completion of a major infrastructures
in Western and Central Europe and the redeployment towards the colonies, and later still into Russia, Latin
America, the British Dominions and China), and of a technological transformation (the steel revolution, rei-
forced concrete). While the British civil engineering industry retained its position as world leader, it increa
singly came under threat from completion, not only from French, German and Belgian firms, but even from
the Swiss, Scandinavians and Italians. Germany and Belgium, no less than France or the United Kingdom,
saw the emergence of powerful firms, as instanced by Philipp Holzmann (Germany) and Ackermans &
Van Haaren (Belgium).
Les années 1880-1914 virent se mettre en place l'industrie moderne de la construct
ion, la concurrence sur le marché mondial cessant dès lors de se limiter à une confront
ation franco-britannique l. Cette mutation ressortait de l'équipement de certains besoins
et de l'émergence d'autres : fin de l'équipement ferroviaire de l'Europe occidentale ;
montée de l'électricité comme mode d'éclairage urbain et en tant que force motrice
(industrie, tramways et chemins de fer) ; nécessité d'économiser le métal dans les pays
manquant de charbon à coke - la France - ou ayant à faire face à des besoins rapidement
croissants - l'Allemagne -. Ces années apparaissent généralement comme l'âge d'or de
l'impérialisme. La réalité en est peu contestable : les empires coloniaux se mettaient en
place tandis que, hors d'Europe occidentale, s'affrontaient les grandes puissances, mais
1. Sur l'ensemble de la question, voir D. Barjot, La grande entreprise française de travaux publics (1883-1974) :
contraintes et stratégies, thèse de doctorat d'Etat, Université de Paris IV-Sorbonne, 1989, 7 vol. ; D. Barjot, Travaux
publics de France. Un siècle d'entrepreneurs et d'entreprises, Paris, Presses de l'Ecole des Ponts et Chaussées, 1993 ;
D. Barjot, « La grande entreprise française de travaux publics (1883-1974) : contraintes et stratégies », XXe siècle, n° 1,
janvier-mars 1991, p. 47-55 ; D. Barjot, « Imprenditori e autorita imprenditoriale : il caso dei lavori pubblici in Francia
(1883-1974) », Annali di Storia dell'impresa, 9, 1993, p. 261-286. 362 Histoire Économie et Société
aussi les grands groupes bancaires et industriels. Elle est cependant imparfaite, puisque,
dans un vif climat de concurrence, se mettait en place une Europe des affaires
n'excluant pas des rapprochements et des alliances inattendus 2. En effet, les données
du marché international étaient en train de se modifier en profondeur : si les entreprises
britanniques conservaient leur leadership, la demande s'était réorienté vers de nouveaux
types d'ouvrages, tandis que les techniques se renouvelaient en profondeur sous l'effet
de l'irruption de nouveaux matériaux, matériels et procédés de construction (1). La
concurrence se faisait de plus en plus âpre, en raison non seulement d'une plus grande
agressivité des firmes françaises, mais aussi de l'affirmation des entreprises allemandes
et belges ainsi que de l'apparition d'outsiders : suisses, italiens et Scandinaves (2). Les
grandes sociétés anglaises et françaises devaient désormais affronter des firmes de
dimension équivalentes, nées notamment en Allemagne et en Belgique, dont Philipp
Holzmann et Ackermans & Van Haaren fournissent de bons exemples (3).
LES DONNEES DU MARCHE INTERNATIONAL
A la veille de la première guerre mondiale, les entreprises britanniques de travaux
publics exerçaient une sorte de « leadership » sur le marché mondial 3. Néanmoins,
leurs positions devenaient plus fragiles, car les années 1880 à 1914 se caractérisèrent
par d'importantes mutations.
Un leadership britannique
Une industrie puissante
Bien qu'elle ait, à partir du milieu du XIXe siècle, fort à faire avec une redoutable
concurrence française, l'industrie britannique des travaux publics demeura, jusqu'en
1914, la première du monde. En Grande-Bretagne en effet, le bâtiment et les travaux
publics constituèrent tout au long du siècle un important secteur économique - 10,1 %
de la production industrielle en 1907 -. Faiblement concentré, du fait de la prépondé
rance écrasante des petites entreprises, ce secteur comptait néanmoins en son sein un
fort peloton de grosses maisons de travaux publics - contractors -, recourant de manièr
e générale à des sous-traitants (sub-contractors), beaucoup plus modestes. Employant
de véritables armées de travailleurs, ces contractors devaient pour une large part leur
succès aux « navvies », ouvriers d'élite se déplaçant de chantiers en chantiers au gré
des contrats enlevés par leurs patrons.
Ils contribuèrent entre autres à l'ascension de la firme créée en 1868 par Robert Mac
Alpine (1847-1934) 4. Se cantonnant d'abord à l'Ecosse, il y posa un important kilomé
trage de voies et y réalisa de nombreux ponts et tunnels. Ayant peu à peu étendu son
champ d'activité à toute la Grande-Bretagne, il se tourna, à la v