Les idées de Descartes sur le prolongement de la vie et le mécanisme du vieillissement - article ; n°4 ; vol.21, pg 285-302
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Description

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1968 - Volume 21 - Numéro 4 - Pages 285-302
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 0
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M Mirko Drazen Grmek
Les idées de Descartes sur le prolongement de la vie et le
mécanisme du vieillissement
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1968, Tome 21 n°4. pp. 285-302.
Citer ce document / Cite this document :
Drazen Grmek Mirko. Les idées de Descartes sur le prolongement de la vie et le mécanisme du vieillissement. In: Revue
d'histoire des sciences et de leurs applications. 1968, Tome 21 n°4. pp. 285-302.
doi : 10.3406/rhs.1968.2566
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1968_num_21_4_2566Les idées de Descartes
sur le prolongement de la vie
et le mécanisme du vieillissement
Le 2 février 1650, Descartes succomba à une pneumonie,
après seulement neuf jours de maladie. Cette mort surprit fort ses
contemporains et elle fut considérée comme prématurée (1).
René Descartes n'avait-il pas laissé entendre qu'il possédait le
secret de la prolongation de la vie humaine ! Quelques semaines
après l'événement tragique,- La Gazette d'Anvers y fit une allusion
sarcastique : « II est mort en Suède un fol qui disait qu'il pourrait
vivre aussi longtemps qu'il voudrait » (2). Un des amis de Descartes,
l'abbé Picot, paraît avoir été si persuadé des connaissances géron-
tologiques du philosophe « qu'il auroit juré qu'il luy auroit été
impossible de mourir comme il fit à cinquante-quatre ans ; et
que sans une cause étrangère et violente (comme celle qui dérégla
sa machine en Suède), il auroit vécu cinq cens ans, après avoir
trouvé l'art de vivre plusieurs siècles » (3).
Bien entendu, on ne peut croire à de pareilles exagérations.
Néanmoins, il ne faut pas méconnaître que celles-ci traduisent,
en l'amplifiant seulement, une certaine vérité historique. Les entre
tiens de la reine Christine avec le philosophe français concernaient
entre autres sujets celui de la prolongation de la vie, et on
comprend que la souveraine suédoise put ainsi s'exprimer à propos
(1) Pour la mort de Descartes, voir Adrien Baillet, La vie de Monsieur Des-Carles,
Paris, 1691, vol. II, et Charles Adam, Vie et œuvres de Descartes, Paris, 1910, p. 549-552.
Tous les témoignages importants sont rassemblés dans les Œuvres de René Descartes,
publiées par Charles Adam et Paul Tannery (= A.T.), vol. V, p. 470-500.
(2) Charles Adam, Quelques questions à propos de Descartes, Revue des cours et
des conférences, t. 38, 1937, p. 585.
(3) Baillet, op. cit., II, p. 452; A.T., vol. XI, p. 671.
T. XXI. — 1968 20 revue d'histoire des sciences 286
de la fin de Descartes : « Ses oracles l'ont bien trompé » (1), ou
encore, dans une pensée d'ordre plus général : « ... les philosophes
étaient de mauvais garants de leurs magnifiques promesses » (2).
Ce à quoi on n'a pas manqué de rétorquer que Descartes a « déréglé
sa machine » précisément parce qu'il dut enfreindre ses propres
règles de vie et, en se pliant aux désirs de la reine de Suède, s'exposer,
lui si frileux et si peu matinal, aux rigueurs des petites heures
dans Stockholm enneigé.
On a prétendu que Descartes aurait mis fin à ses jours en
voulant se traiter lui-même selon les principes de son système
médical, notamment en refusant la saignée (3). Qui ne connaît le
« Épargnez le sang français » qu'il lança au médecin Wullen. On
s'est moqué du remède utilisé par Descartes : infusion de tabac
dans une boisson chaude et eau-de-vie. A notre avis, étant donné
qu'il s'agissait d'une maladie infectieuse aiguë (probablement
pneumonie à pneumocoques ou à virus), son procédé n'était ni
meilleur ni pire que ceux des médecins de la Cour.
Sans nul doute, Descartes s'est plu à méditer sur les possi
bilités de prolongation de la vie humaine et, pendant un certain
temps au moins, il se vantait d'avoir mis au point un régime
macrobiotique efficace. Son intérêt pour ce sujet remonte proba
blement à l'année 1630. Dans une lettre à Marin Mersenne, rédigée
à Amsterdam en janvier de cette année, Descartes déclare :
« Je suis marri de votre érésipèle... je vous prie de vous conserver au
moins jusqu'à ce que je sache s'il y a moyen de trouver une médecine
qui soit fondée en démonstrations infaillibles, qui est ce que je cherche
maintenant. »
Et, dans une lettre du 25 novembre 1630, il annonce :
« ... après la Dioptrique achevée, je suis en resolution d'étudier pour
moy et pour mes amis à bon escient, c'est-à-dire de chercher quelque
chose d'utile en médecine, sans perdre le temps à écrire pour les
autres... » (4).
Agé alors de 34 ans, il voulait mettre à exécution le mot de
Tibère, qu'il cita à deux reprises et que la reine Christine répéta
(1) D'après un témoignage de Philibert de La Mare, la reine écrivait cela, en pla
isantant (jocose !), dans une lettre à Saumaise ; A. T., vol. V, p. 461.
(2) Christine de Suède, Pensées, Stockholm, 1906.
(3) Des Maizeaux, La vie de Monsieur de Saint-Êvremond, Amsterdam, 1726, t. I ;
A.T., vol. XI, p. 671-672.
(4) A.T., vol. I, p. 105-106 et 180. D. GRMEK. — DESCARTES ET LE VIEILLISSEMENT 287 M.
dans ses Pensées, à savoir que « tout homme, qui a passé trente
années de sa vie, doit être son propre médecin » (1). Remettant
en cause toute la philosophie et toutes les règles de la conduite
morale, Descartes se voyait obligé de reconsidérer également le côté
physique de son comportement et d'établir, par un raisonnement
irréfutable, un régime parfaitement rationnel. Mais il fallait
constituer, au préalable, une théorie physiologique cohérente et
claire, car les opinions des médecins de son temps ne satisfaisaient
nullement aux exigences de la méthode cartésienne. Vers 1632 fut
donc rédigé le Traité de l'Homme (conçu comme une partie du
Monde, révisé en 1648 et publié après la mort de l'auteur) où
Descartes nous fait imaginer une machine semblable à l'homme
au-dedans comme au-dehors, étudie alors — plus par un effort
d'imagination que par des expériences — le fonctionnement des
divers ressorts et rouages, et affirme, enfin, que dans l'organisme
réel tout se passe exactement comme dans la machine imaginaire (2).
Apparemment, il n'arriva pas encore à des conclusions impor
tantes d'ordre pratique, à des prolongements diététiques ou théra
peutiques de sa doctrine anatomo-physiologique. Il fut détourné
de son dessein primitif. Toutefois, un grand optimisme l'anima.
Nous en trouvons la preuve dans le célèbre éloge de la médecine du
Discours de la méthode (1637) :
«... même l'esprit dépend si fort du tempérament et de la disposition
des organes du corps, que, s'il est possible de trouver quelque moyen
qui rend communément les hommes plus sages et habiles qu'ils ont
été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecine qu'on doit le chercher...
On se pourrait exempter d'une infinité de maladies tant du corps que de
l'esprit, et même aussi peut-être de l'affaiblissement de la vieillesse,
si on avait assez de connaissance de leurs causes et de tous les remèdes
dont la nature nous a pourvus. Or, ayant dessein d'employer toute ma
vie à la recherche d'une science si nécessaire, et ayant rencontré un
(1) Christine de Suède, op. cit. Descartes emploie ce mot dans la lettre au marquis
de Newcastle et dans son entretien avec Burman. Il remonte à Suetonius, Vitae Caes.,
LXIX. Voir à ce propos P.-M. Sghuhl, Un souvenir cartésien dans les Pensées de la
reine Christine, Rev. philos., t. 123, 1937, p. 368-369.
(2) Cf. A. Georges-Berthier, Le mécanisme cartésien et la physiologie au
xvne siècle, Isis, t. 2, n° 5, 1914, p. 37-89 et t. 3, n° 7, 1920, p. 21-58 ; J. Dankmeijer,
Les travaux biologiques de René Descartes, Arch. Intern. Hist. Sci., t. 4, 1951, p. 675-
680 ; K. E. Rothschuh, René Descartes und die Théorie der Lebenserscheinungen,
Sudhoffs Arch. Gesch. Med., t. 50, 1966, p. 25-42 ; M. D. Grmek, Réflexions sur des inter
prétations mécanistes de la vie dans la physiologie du xvne siècle, Episleme, t. I, 1967,
p. 17-30. Pour une critique de la cartésienne, cf. L. Chauvois, Descartes,
sa méthode

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