Les jeux de l ironie dans la critique d art de J. Huysmans - article ; n°1 ; vol.38, pg 77-87
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Les jeux de l'ironie dans la critique d'art de J. Huysmans - article ; n°1 ; vol.38, pg 77-87

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Description

Cahiers de l'AIEF - Année 1986 - Volume 38 - Numéro 1 - Pages 77-87
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 78
Langue Français

Extrait

Jean Foyard
Les jeux de l'ironie dans la critique d'art de J. Huysmans
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1986, N°38. pp. 77-87.
Citer ce document / Cite this document :
Foyard Jean. Les jeux de l'ironie dans la critique d'art de J. Huysmans. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1986, N°38. pp. 77-87.
doi : 10.3406/caief.1986.1967
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1986_num_38_1_1967JEUX DE L'IRONIE DANS LA CRITIQUE LES
D'ART DE J. K. HUYSMANS
Communication de M. Jean FOYARD
(Dijon)
au XXXVIIe Congrès de l'Association, le 23 juillet 1985
« Contrairement à l'opinion reçue,
j'estime que toute vérité est bonne
à dire ».
J. K. Huysmans
A s'en tenir à la définition traditionnelle de l'ironie comme
mode de discours consistant à dire le contraire de ce que l'on
veut faire entendre, on en aurait sans doute peu d'exemples
indiscutables dans toute la littérature, à moins que l'on n'ait
une prédilection particulière pour certains écrivains dont
l'esprit fonctionnerait « au rebours » de la logique ordinaire.
Parmi ceux-ci, Huysmans occupe une bonne place — encore
qu'on ait peut-être exagéré son goût pour ce genre de contor
sion intellectuelle. Il était néanmoins tentant de voir quelles
pouvaient être les manifestations de l'ironie littéraire dans
son œuvre, tout spécialement dans une partie de celle-ci,
encore trop méconnue, qui est sa critique d'art. On prendra
pour fil directeur de cet exposé une question simple, qui est
de savoir comment les conditions du genre littéraire et stylis
tique de la critique d'art et la manière particulière dont
Huysmans les applique dans l'Art Moderne, et à un moindre
degré dans Certains, peuvent constituer pour l'expression de
l'ironie littéraire un cadre favorable, question que peu de
critiques semblent s'être posée jusqu'ici, aussi surprenant
que cela puisse paraître. 78 JEAN FUYARD
Venant à parler en fin de journée, on se gardera bien de
poser dès l'abord une définition de l'ironie, vu que l'on ne
pourrait mieux faire, que de reprendre celles qui ont été déjà
données ici-même ; c'est par 1'anaJyse de quelques passages où
l'ironie semble indiscutable que l'on pourra arriver à une
meilleure connaissance de ce qu'elle est et de ce qu'elle repré
sente pour J.K. Huysmans. La démarche adoptée sera celle
qui nous paraît la seule valable en stylistique littéraire et qui
consiste à partir de la description d'un mode de discours pour
parvenir à une appréciation plus exacte des intentions de
l'auteur. En procédant ainsi, on aura plus de chances d'éviter
le double écueil qui guette la plupart des théoriciens de
l'ironie : ou bien ne voir en celle-ci qu'une attitude d'esprit
sans en apprécier les modes d'expression, ce qui a pour
conséquence de rejeter les analyses de l'ironie hors de la
littérature dans la psychologie, ou bien ne considérer dans
l'ironie qu'un mode de discours dont on se borne à démonter
les mécanismes, avec toutes les conséquences funestes pour
les études littéraires que comporte toute procédure exclus
ivement formelle et structuraliste (1).
On nous permettra de citer un premier texte que l'on peut
tenir pour représentatif de la critique d'art telle que l'a pra
tiquée Huysmans : il en présente, comme en raccourci, les
principaux caractères stylistiques :
Faisons halte devant le Souvenir de fête de M. Cazin.
Tâchons de comprendre si faire se peut cette bizarre énigme...
[Ici une première description « naïve » du tableau et
de ce qu'il représente]
Comprenez-vous? Non.
[Intervient alors une analyse plus détaillée de quelques
aspects du tableau.]
Comprenez-vous mieux ? Non, n'est-ce pas ! Eh bien, moi
non plus ! — Voyons, c'est le Travail qui remet un rameau à
la Vertu sous le regard bienveillant de la Science et le
tout s'appelle la Concorde (...). C'est (...), c'est... la person-
(1) Si les risques de la première attitude sont dénoncés, dès l'article limi
naire de B. Alleman, dans le n° 36 (1978) de la revue Poétique, consacré
entièrement à l'ironie, ceux qui sont inhérents à la seconde ne sont pas
toujours évités. l'ironie chez huysmans critique d'art 79
nification du siècle qui est, dit-on, un siècle de Science... C'est...
ou bien c'est quoi, alors ?... De quelque côté que je retourne
ce sujet, il me semble saugrenu et vague (2).
L'appartenance du texte au genre de la critique d'art sous
la forme particulière de chroniques dans la presse périodique
ou quotidienne implique un dialogue, évident ou occulté
entre le chroniqueur et son lecteur, amorce naturelle de la
communication ironique qui suppose un locuteur qui tient un
discours à l'intention du récepteur pour se moquer d'un tiers,
la cible. Laissant provisoirement de côté un certain nombre de
problèmes que pose ce texte, on s'attachera à souligner le
rôle de la fiction déambulatoire dans la montée de l'ironie.
Largement pratiquée dans les premières chroniques, impli
cite mais présente dans les suivantes, elle instaure entre
l'auteur et le lecteur une situation tout à fait particulière (3) :
l'auteur, confondu avec le critique, prend son lecteur, visiteur
éventuel de l'exposition, en quelque sorte par la main pour
le guider à travers les salles successives, lui marquer les arrêts
à observer, lui fournir les explications de celui qui sait les
choses, situation propice pour une ironie dont la cible pourra
être ce naïf de lecteur tout autant que le peintre dont on
parle. Directement lié à la fiction déambulatoire est l'emploi
des pronoms personnels qui cache et révèle tout à la fois un
véritable jeu du locuteur, qui tantôt fait cause commune avec
le lecteur, tantôt prend avec celui-ci ses distances, soit dans
le dialogue fictif, soit dans le recours à la forme de la non-
personne : « On pourait peut-être coucher des toiles le long
des plafonds pendant qu'on y est » (4), suggère le chroniqueur,
(2) J.K. Huysmans, L'Art Moderne, Salon de 1881, Ed. UGE, p. 181.
(3) Le mécanisme de la fiction déambulatoire et son rôle dans la descrip
tion d'art chez J.K. Huysmans ont fait l'objet de notre communication Le
système de la description dans la critique d'art de J.K. Huysmans (Actes
du Colloque International, Mulhouse, Colmar-Bâle (novembre 1984), à
paraître).
(4) Art Moderne, Salon de 1879, p. 74. Ce n'est pas une formulation rare
de l'ironie dans ce salon ; cf. p. 83 : « Est-ce qu'on ne pourrait pas, dans
un intérêt de bon goût public, serrer dans une armoire perdue, dans un
placard oublié ces horribles choses ? » On est en présence de cette forme
d'expression de l'ironie où « l'ironiste adopte le ton, l'accent ou le style
d'une personne susceptible d'endosser avec enthousiasme ou crédulité le sens
littéral du texte ». 80 JEAN FOYARD
qui s'indigne de ce qu'au Salon de 1879 une toile de Renoir
est « si étrangement placée au ciel d'un des dépotoirs du
Salon qu'il est impossible de se rendre compte de l'effet que
le peintre a voulu donner ». Le on introduit ici une personne
supplémentaire dans le jeu ironique — celle, collective, des
organisateurs du Salon qui, à leur tour, jouent le rôle de
cible, tandis que le lecteur rétrograde jusqu'à n'être qu'un
personnage muet, implicitement présent cependant et pris à
témoin par l'auteur. Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, du statut
respectif des différents personnages impliqués, on aura
remarqué que ce sont les segments personnels — tout part
iculièrement le nous avec ses différentes possibilités d'exploi
tation — qui sont non seulement les marqueurs de l'ironie,
mais les véritables « déclencheurs » de celle-ci. Le dialogue,
introduit tout naturellement par le jeu de la fiction déambul
atoire, favorise la montée de l'ironie grâce aux rôles qu'il
attribue aux personnes, le critique-auteur qui a déjà vu les
toiles exposées et s'est fait à leur propos une opinion person<

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