Les patrimoines des sénateurs hispaniques sous le Haut-Empire : l’apport de l’épigraphie des amphores - article ; n°1 ; vol.16, pg 165-211
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Les patrimoines des sénateurs hispaniques sous le Haut-Empire : l’apport de l’épigraphie des amphores - article ; n°1 ; vol.16, pg 165-211

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Cahiers du Centre Gustave Glotz - Année 2005 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 165-211
Dans la présente étude, nous dressons le bilan de notre connaissance des patrimoines des sénateurs d’origine hispanique de l’époque augustéenne jusqu’au milieu du IIIe siècle apr. J.-C.. Outre l’analyse de la localisation de leurs biens-fonds, l’accent est mis particulièrement sur l’apport de l’épigraphie des amphores Dressel 20, mais aussi des amphores pour les salaisons de poisson, à notre appréhension de l’implication des familles sénatoriales dans les secteurs dynamiques de l’économie régionale, l’oléiculture et les activités de transformation du poisson. L’enquête fait ressortir qu’un certain nombre de familles de la Bétique avaient investi dans l’oléiculture, mais parfois aussi des familles originaires du sud de la Lusitanie. D’autres se sont enrichies grâce à la production des amphores ou à la commercialisation des produits dérivés du poisson. Elle met à jour aussi à partir du deuxième tiers du IIe siècle un phénomène de concentration verticale des activités liées à l’olive dans les mains de très puissantes familles.
The purpose of this study is to assess our knowledge regarding the wealth belonging to the senators of Hispanic roots from the Augustan Age to the middle of the 3rd century AD. Besides the analysis of the location of their real-estate, we have more specifically emphasized our study on the role of the epigraphy of the Dressel 20 amphorae as well as the one of the amphorae used for the curing of fish regarding the involvement of the senatorial families in the particularly dynamic sectors of the regional economy such as the olive growing and the fish processing industry. Our study highlights the fact that many families of the Betic zone as well as a few ones originating from Lusitania had chosen to invest in the olive growing industry. Others have grown rich through the production of amphorae and the marketing of fish products. Our research also reveals that as from the second third of the 2nd century AD a phenomenon of vertical integration of businesses appears as being managed by very powerful families.
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Publié le 01 janvier 2005
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Langue Français

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FRANÇOISE DESBOSCS
LES PATRIMOINES DES SÉNATEURS HISPANIQUES SOUS LE HAUT-EMPIRE : L’APPORT DE L’ÉPIGRAPHIE DES AMPHORES
Dans le cadre d’une étude portant sur les fondements de la puissance des élites hispano-romaines jusqu’à la fin du règne d’Hadrien1, nous avions déjà été conduite à dresser un premier inventaire des patrimoines des sénateurs originaires des provinces ibériques pour cette période, puisque la richesse constituait avec les alliances et les relations de patronage, le support indispen-sable pour qui voulait « monter à Rome », selon l’expression de M. Cébeillac à propos des notables du Latium2. Un peu plus tard, avons repris la ques- nous tion en approfondissant plus par ticulièrement l’apport de l’épigraphie des amphores à notre connaissance des bases de la fortune des aristocraties éques-tres et sénatoriales pour la même période3 vou-et dans cette perspective, nous drions ici tenter de présenter un état des lieux de notr e connaissance des patrimoines des sénateur s hispaniques pour l’ensemble du Haut-Empire, jusqu’à la fin de l’époque des Sévères.
1F. des Boscs-Plateaux,Un parti hispanique à Rome ? Ascension des élites hispaniques et pouvoir politique d’Auguste à Hadrien (27 av. J.-C.-138 apr. J.-C.), Madrid, 2005 (BCV, 32). 2M. Cébeillac, « Problématique de la promotion politique des notables des cités du Latium à la fin de la République »,Ktèma, 3, 1978, p. 227-242. Sur ce thème voir également S. Demougin, « Notables municipaux et ordre équestre à l’époque des dernières guerres civi-les », dansLes bourgeoisies municipales italiennes auIIe-Iers. av. J.-C. (Napoli, 1981), Paris-Naples, 1983, p. 279-298. Sur les stratégies familiales des élites hispaniques, équestres et sénatoriales, voir F. des Boscs, « Les stratégies familiales des chevaliers et sénateurs hispano-romains (Iersiècle-pre-mière moitié duIIèmesiècle apr. J.-C.) »,MCV, 31, 1995, 1, pp. 113-171 etParti hispanique, cit. supran. 1, p. 145-169. Par ailleurs, la mise en valeur de la montée des Hispaniques sur la scène politique a déjà été mise en valeur, sur le plan quantitatif, par R. Étienne,Le culte impérial dans la péninsule Ibérique d’Auguste à Dioc létien, Paris, 1958, p. 461-472 ; Id., « Les sénateurs espagnols sous Trajan et Hadrien », dansLes Empereurs romains d’Espagne (Madr id, 1964), Paris, 1965, p. 55-85 ; C. Castillo García, « Senadores béticos. Relaciones familiares y sociales », dansEpigrafia e ordine senatorio, Actes du colloque inter national AIEGL (Rome, 1981), II, Rome, 1982, p. 465-479, et pour une analyse de leur rôle a s, « Les sénateurs ues et le pouvoir dAuguste à Trajan»,ud asnesi n Édliet els Éhitsapt,anviqoiure savaN orr.M,qinapsih llreaCabS D. otegoiBncseedm ous.F éd., Bordeaux, 2001, p. 203-216, etParti hispanique, cit.supran. 1, p. 200-312. 3F. des Boscs, « La richesse des aristocraties de Bétique et de Tarraconaise (50 av. J-C.-fin du IIèmesiècle apr. J.-C.) : essai de bilan »,Gerión, 22, 2004, 1, p. 305-353 (attention, cet article a été porté à tort sous le prénom de mon mar i, Frédéric !).
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Dans un contexte économique dynamique4 s’oriente plus particulière-, qui ment en Bétique et à partir duIIesiècle vers une relative spécialisation autour du secteur oléicole, non sans subir dans la seconde moitié duIIesiècle la concurrence croissante de l’huile africaine sur le marché romain, on peut se demander sur quelles bases patrimoniales, qui recouvrent quelles activités éco-nomiques, les familles sénatoriales hispaniques ont bâti puis consolidé leur puissance. Pour ce faire, nous disposons d’une documentation fragmentaire5et dont l’interprétation reste parfois incertaine. Malgré tout, l’utilisation conjointe des sources littéraires et épigraphiques peut nous aider à toucher du doigt les sources de l’enrichissement des familles hispaniques en même temps qu’à dresser un tableau des différents éléments connus de leur patrimoine. De ce point de vue, il faut noter l’apport particulièrement intéressant, à côté de l’épigraphie funéraire6et de celle des lingots métalliques (dans une bien moindre mesure), de l’épigraphie des amphores Dressel 207et de celle des
4L’analyse du contexte économique, le rapport chronologique que l’on peut établir entre le « take off » de la Bétique et de la Tarraconaise et l’émergence de familles sénatoriales ont été analysés de façon détaillée dans F. des Boscs, « La richesse des aristocraties », cit.supran. 3, p. 306-315. 5En effet, comme l’a fait remarquer R. P. Duncan Jones,The Economy of the Roman Empire. Quantitatives StudiesPline le Jeune est le seul sénateur du principat, Cambridge, 1974, p. 17, dont on connaisse, de façon un tant soit peu complète, les éléments de la fortune. Pour ce qui concerne l’Espagne, l’exercice a été tenté, d’après l’épigraphie et de façon succincte, pour les élites municipales, par E. Melchor Gil, « Las élites municipales de Hispania en el Alto Imperio : un intento de aproximación de sus fuentes de riqueza »,Florentia Illiberritana, 4-5, 1993-1994, p. 335-349, qui relève, comme sources de richesses en dehors de l’agriculture, la participation à d’autres activités « como la explotación de minas, la fabricación de salazones y la comerciali-zación de los principales productos hispanos » (p. 344). 6 de tout lieu public, voire au sein d’un panthéon fami- tPar leur emplacement situé à l’écar lial, les inscriptions funéraires indiquent souvent l’existence d’une villa. L’endroit où elles ont été trouvées revêt dans ce cas une certaine importance, car il peut aider à se faire une idée des possibilités du terroir environnant. 7À propos de l’interprétation des marques des amphores Dressel 20, nous renvoyons à la mise au point effectuée par B. Liou et A. Tchernia, « L’interprétation des inscriptions sur les amphores Dressel 20 », dans de laEpigrafia della produzione e della distribuzione. ActesVIIèmerencon-tre franco-italienne sur l’épigraphie du monde romain (Rome, 1992), Rome, 1994 (CEFR, 193), p. 133-153. Leurs conclusions font apparaître que les estampilles imprimées lors de la fabrication avant cuisson, le plus souvent sur l’anse, qui prennent souvent la forme d’abréviation detria nominarenvoient aux propriétaires des ateliers de fabrication d’amphores, lesfiglinae, plus rare-ment également à ces der nières. D’autre part, les quatre types d’inscriptions peintes,tituli picti, a,b,g,dsituées respectivement sur le col, en haut et au centre de la panse, et de façon oblique,, le long d l’anse, en écriture cursive, indiquent, la première, le poids en livres de l’amphore vide, e la seconde, le nom du commerçant exportateur d’huile, la tr oisième, le poids de l’huile contenu dans l’amphore et la quatrième, le produit contenu dans les amphores, c’est à dire l’huile,oleum, désignée par un adjectif neutre dérivé du nom du domaine producteur suivi par le nom au génitif du propriétaire (ou intendant, ou tenanciers divers) producteur de l’huile. Ces cher-cheurs concluent également que, bien que des points de contacts apparaissent entre la produc-tion (et la propriété de la terre), la fabrication des amphores et la commercialisation, le plus généralement il y a distinction entr e les trois domaines. Par ailleurs, le nombre important de
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amphores àgarumet autres sauces de poisson8 que celle des timbres de, tandis briques apporte des précisions sur les investissements de certains dans la pro-duction de matériaux de construction aux alentours de Rome9. De l’ensemble de ces données, consignées dans un tableau de synthèse (voir infra ressort d’abord la concentration des témoignages autour de l’époque), il antonine et ensuite la prédominance de l’assise foncièr e parmi les éléments des patrimoines connus. Cette constatation n’a sans doute rien de très surprenant10. En revanche, la localisation des biens recensés peut l’apparaître davantage. En effet, l’enquête montre d’abord l’importance du nombre de terres que les sénateurs hispaniques possèdent hors de la Péninsule et en particulier dans les environs de Rome. Ainsi, 43 inscriptions renvoient à des propriétés italiennes, 30 à des terres situées en Espagne et 3 à des biens localisés dans d’autres pro-vinces. Les témoignages concernant les possessions italiennes se concentrent essentiellement auIIeet peuvent s’expliquer en partie par les obligationssiècle statutaires des sénateurs11. Cependant, quelques exemples permettent d’avancer que les bases foncières étaient situées en Espagne et que ce patrimoine d’ori-gine, pourrait-on dire, continua de jouer un rôle important, à la fois sans doute d’ordre matériel et affectif, du moins pour certaines d’entre elles. C’est le cas pour la famille des Annaei. Dans leDe uita beata, Sénèque12fait explicitement référence à des propriétés situées outre-mer, c’est-à-dire en
domaines, d’estampilles et d’atelier s comme de commerçants semble aller contre l’idée, du moins pour le Haut-Empire, d’une concentration verticale au sein de l’économie oléicole de la Bétique. Ces conclusions sont reprises, pour la plupart, notamment en ce qui concerne la production des amphores, par R. Étienne et F. Mayet dans leur ouvrage récentTrois clés de l’éco-nomie de l’Hispanie romaine, III.L’huile hispanique, 2 vol., Paris, 2004, 1, p. 99-109, qui insistent sur la caractère indépendant du monde des producteurs d’amphores au moins jusqu’aux alen-tours de 150 apr. J.-C. 8le bilan dressé par R. Étienne, F. Mayet,De ce point de vue, voir Trois clés de l’économie de l’Hispanie romaine, II.Salaisons et sauces de poisson hispaniques, Paris, 2002. 9La mention de noms sur les timbres de briques des environs de Rome, dont l’épigraphie a fait l’objet de nombreuses études de la part des chercheurs de l’École finlandaise de Rome, est aussi un témoignage fiable de la possession de domaines et d’intérêts dans l’activité de pro-duction des briques qui trouvait dans le marché romain des débouchés assurés. Citons en par-ticulier les travaux de M. Steinby,La cronologia delle figlinae doliar i urbane dalla fine dell’età repub-blicana fino all’inizio del III sec., Rome, 1974 (BCAR, 84) ;T. Helen,Organization of Roman Brick Production in the Roman Brick Stamps in the First and Second Centuries A.D. An Interpretation of Roman Brick Stamps, Helsinki, 1975 ; P. Setälä, Stamps of thePrivate Domini in Roman Br ick Empire. An Historical and Prosopographical Study of Landowners in the District of Rome, Helsinki, 1977 ; M. Steinby, « I senatori e l’industria laterizia », dansEpigrafia e ordine senatorio, Actes du colloque international AIEGL (Rome, 1981), Rome, 1982, I, p. 227-237. 10La primauté de l’assise foncière dans la composition des fortunes et comme source essen-tielle de la richesse a déjà été soulignée maintes fois, notamment par I. Shatzman,Senatorial Wealth and Roman Politics,Bruxelles, 1975, p. 48-55, et par R. P. Duncan Jones,Economy, cit. supran. 5, p. 18-20 et 33-44 ; R. Mac Mullen,Roman Social Relations, 50 B.C. to A.D. 284, Yale, 1974 (trad. fr., Paris, 1986), p. 48-50 ; G. Alföldy,Roman Sozialgeschichte3,Wiesbaden, 1983 (trad. fr., Paris, 1991), p. 107. 11Cf.infran. 17. 12De uita beata, 17, 4. Pour chaque personnage mentionné, nous donnons des références pro-sopographiques succinctes dans le tableau de synthèse.
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Espagne, où elles étaient gérées pendant ses absences par sa mère Helvia. D’ailleurs, on peut se demander si le souhait formulé par Sénèque père de voir son cadet, Mela, rester « au port13» ne témoigne pas du souci de perpétuer une gestion directe du patrimoine familial, les deux autres frères étant plus souvent à Rome que sur place. Pour ce qui concerne Sénèque lui-même, on sait ’il qu possédait par ailleurs deux propriétés italiennes, l’une àNomentum, réputée pour le rapport de ses vignes, et l’autre en Campanie. De plus, il dut à la faveur de Néron d’enrichir s et villas à Rome ou dans les environs.Il avait aussi doens  dpoatmriaimnoeisn sea ndse  djoarudtie ntsrès importants en Égypte et en Galatie14 la famille des Accennae, pour retrouvons une dou- nous même,. De ble localisation des biens. M. Accenna Saturninus possédait une propriété à Tiburun monument funéraire en son honneur, mais son, où sa femme éleva fils adoptif, M. Accenna Helvius Agrippa, a été honoré, lui, dans l’un de ses domaines andalous situé sur le territoire de l’actuelle Alcalá de Guadaira, non loin de Séville. Le cas des Messii Rustici est également intér essant. M. [Messius Rusticus] Aemilius Papus,homo nouuset ami d’Hadrien, possédait lui aussi une maison de campagne àTibur il honora la mémoire d’un de ses fils, où15dis-paru prématurément. Cependant, son autre fils et l’un de ses petits-fils16sont honorés, eux, à proximité deSiarum, où la famille devait avoir des biens. Par ailleurs, on sait que la famille des Minicii Natales deBarcinoétait propriétaire de terres sur le territoire de la cité, puisque le père fit construire sur l’un de ses terrains un aqueduc et des bains pour les citoyens de la colonie. Il avait égale-ment acquis une propriété en Afrique où l’on connaît un de sesactores son, et fils, L. Minicius Natalis Quadronius Verus, avait un domaine àTibur. Ces quelques exemples témoignent de deux choses. La première est que, dout l’assise foncièr e qui permit l’ascension des familles se situait sans aucun e, dans leur province d’origine ; la seconde est que, même si ces familles inves-tirent par nécessité autant que par intérêt17dès la première génération de
13Sénèque,Controuersiaepartie réalisé, du moins au début,, II, pr. 3. Ce vœu semble s’être en tant que ses parents furent encore vivants, puisqu’on trouve Mela auprès d’Helvia quand Sénèque est en exil (ad Heluiam, 18, 2). 14Sur ses domaines égyptiens qui devinrent ensuite propriété impériale, voirP. Oxy, 2873, 10-11 et G. M. Parassoglou,Imperial Estates in Roman Egypt et 24-, Amsterdam, 1978, p. 9-13 25 ; sur ses domaines en Galatie, voir W. M. Ramsay, « Studies in the Roman Province Galatia, X. The Romans in Galatia »,JRS, 16, 1926, p. 201-215, part. p. 205. 15Messius Rusticus Aemilius Afer Cutius Romulus Priscianus Arrius Proculus (A.M. Caballos Rufino,Los senadores hispanoromanos,I-IIIs., y la romanización del imperio romano, Ecija, 1990, n° 122 ; F. des Boscs,Parti hispanique, cit.supran. 1, n° 121). 16M. Messius Rusticus Aemilius Papus Arrius Proculus Iulius Celsus (le fils) (PIR2, C 1342 et M 526, A. Caballos Rufino,Senadores, cit.supran. 15, n° 125 ; F. des Boscs,Parti hispanique, cit.supran. 1, n° 122) ; M. Messius Rusticianus Aemilius Lepidus Iulius Celsus Balbinus Arrius Proculus (le petit-fils) (PIR2, M 520 b ; A. Caballos Rufino,Senadores, cit.supran. 15, n° 120 ; F. des Boscs,Parti hispanique, cit.supran. 1, n° 129). 17Voir A. Chastagnol, « Le problème du domicile légal des sénateurs romains à l’époque impériale », dansMélanges offerts à Léopold Sédar Senghor. Langues, Littérature, Histoire ancienne, Dakar, 1977, pp. 43-54 (=Le Sénat romain à l’époque impériale, Paris, 1992, p. 164-168). L’auteur a montré qu’un certain nombre, surtout parmi les sénateurs orientaux, pour satisfaire à l’obli-
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sénateurs, dans des terres italiennes, elles gardèrent des liens avec leur terre natale, puisque plusieurs des descendants y sont honorés. Les interprétations données sont cependant différentes. P. Le Roux18considère les évergésies des Minicii Natales envers leur patrie comme le signe d’un déracinement, d’un détachement des sénateurs de leur milieu local qui se serait manifesté par ces actes destinés à perpétuer la mémoire de la famille àBarcino dans.Au contraire, une communication présentée à la Casa de Velázquez en mars 1995, C. Castillo19des Messii Rustici insiste sur le fait qu’en dépit des, à propos investissements fonciers réalisés en Italie, la famille n’a cessé d’entretenir des liens étroits avec ses domaines espagnols. Cette observation semble d’ailleurs corroborée d’une certaine façon par les conclusions auxquelles nous sommes parvenue en étudiant les relations familiales de ces sénateurs. Même s’il s’est inévitablement produit un certain déracinement20induit par l’obligation de résidence, l’absence de liberté de circulation entre Rome21et les provinces hispaniques, et renforcé sans doute par la mesure de Trajan, les sénateurs, peut-être davantage en Bétique qu’en Tarraconaise, ont également conservé des
gation de résidence lors de l’exercice d’une charge, se contentaient de louer un pied-à-terre à Rome le temps d’exercer quelques magistratures, ou d’acheter unedomus, tandis que ceux qui avaient davantage d’ambition investissaient également dans des propriétés foncières en Italie. Et c’est, selon Pline (Ep., 6, 19, 4-6), pour éviter que cela ne les conduise à considérer « la ville et l’Italie, non comme une patrie, mais comme la maison d’un hôte ou une auberge, à la manière des voyageurs » que Trajan obligea ensuite les sénateurs à placer le tiers de leur fortune héré-ditaire en biens immobiliers italiens. 18P. Le Roux, « Les sénateurs originaires de la province d’Hispania Citerior au Haut-Empire romain », dansEpigrafia e ordine senatorio, Actes du colloque international AIEGL (Rome, 1981), Rome, 1982, II, p. 446-448. 19familias senatoriales en la Bética : una aproxima-C. Castillo García, « Epigrafía anforaria y ción », communication non publiée, présentée à la Casa de Velázquez en mars 1995 ; W. Eck, « I senatori e la loro provincia di origine. L’esempio della Baetica », dans Id.,Tra epigrafia, pro-sopografia e archeologia. Scritti scelti, rielaborati ed aggiornati, Rome, 1996 (Vetera, 10), p. 213-226. Déjà auparavant, H. Halfmann, « Die Senatoren aus den Kleinasiatischen Provinzen des Römischen Reiches vom 1 bis 3 Jahrhundert (Asia, Pontus-Bithynia, Lycia-Pamphylia, Galatia, Cappadadocia, Cilicia) », dans io,Epigrafia e ordine senator Actes du colloque international AIEGL (Rome, 1981), Rome, 1982, II, p. 620-623, avait observé que, malgré des investissements fon-ciers en Italie, les sénateurs d’Asie Mineure gardaient des liens étroits avec leur patrie, comme en témoigne le nombre demuneradont ils se chargeaient dans leur cité. 20Déjà observé pour d’autres sénateurs provinciaux, pour d’autres provinces : à titre d’exem-ple, H. Halfmann, TeilDie Senatoren aus dem Östlichen des Imperium Romanum, Göttingen, 1979, p. 28-51 et 97 ; Y. Burnand, « Les alliances matrimoniales des sénateurs et chevaliers gallo-romains », dans . Actes de la table ronde (Paris,Parentés et stratégies familiales dans l’Antiquité romaine 1986)Paris, 1990 (CEFR, 129), p. 295-309., 21Il était nécessaire à tout sénateur d’or igine provinciale de demander l’autorisation au Sénat, puis, à partir de 49, directement à l’empereur pour se rendre en visite privée dans ses domaines provinciaux, excepté pour les domaines situés en Italie et en Sicile. À partir de Claude, en 49, la libre circulation fut étendue à la Narbonnaise, mais elle ne concerna jamais les provinces ibériques. Si la chose se conçoit aisément pour la Tarraconaise et la Lusitanie, pro-vinces impériales, elle apparaît curieuse pour la Bétique, province pacifiée depuis longtemps mais peut-être jugée trop éloignée de l’Italie (cf. A. Chastagnol, « Domicile légal », cit.supra n. 17, p. 45-47).
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attaches terriennes dans leur province d’origine. Ces liens sont également per-ceptibles chez quelques familles de Lusitanie. Ainsi, la famille de Q. Iulius Maximus, clarissime du début duIIIesiècle, devait-elle posséder une propriété aux environs d’Evora, autour du lieu-dit Nossa Senhora da Tourega où a été retrouvée une table de marbre placée là par Calpurnia Sabina22, sur la sépul-ture de son mari et de ses deux fils. Cette famille avait peut-être aussi une autre propriété sur le territoire deCollipooù a été mise au jour une inscrip-tion émanant du père, Q. Iulius Maximus, et honorant la mémoire du plus jeune de ses fils. De même, la famille de L.Tutilius Lupercus Pontianus devait avoir des intérêts àEmeritaoù ce personnage est honoré avec son petit-fils par un de leurs esclaves, Corocuta. Cependant, leur exemple montre que ces atta-ches avec leur berceau d’origine n’empêchaient pas les investissements hors de la province, surtout quand ils pouvaient s’avérer particulièrement fruc-tueux. Ainsi, une amphore du Testaccio révèle que ce personnage, consul en 135, était propriétaire d’un domaine producteur d’huile proche du Guadalquivir. Ce témoignage, joint à un autre plus hypothétique développé un peu plus loin23 en tout cas de proposer que pour certaines famil-, permet les entreprenantes du Sud de la Lusitanie, la riche et proche Bétique a pu représenter une destination préférentielle des investissements fonciers. C’est en Bétique, en effet, que nous recensons le plus grand nombr e de pro-priétés provinciales. Lorsqu on connaît leur emplacement exact, grâce à celui des inscriptions, on peut dire qu’elles sont situées dans l’axe le plus dynami-que de la province, c’est-à-dire la vallée du Guadalquivir et ses abords. Quand on peut préciser, on se rend compte qu’elles disposaient souvent de terroirs particulièrement fertiles ou complémentaires24 terres de la famille. Ainsi, les gaditaine des Cornelii Pusiones étaient situées sur la terr e ferme, au lieu-dit Portal de Guadalete, au cœur d’une des zones agricoles les plus productives de la Bétique, associant à la fois la culture de l’olivier, de la vigne et du blé. De même, si l’on accepte les différentes propositions émises à leur sujet, les domaines hispaniques des Messii Rustici auraient été sis en au moins tr ois
22CIL, II, 112 (=AE, 1967, 130) = J. D’Encarnação,Inscriçoês Romanas do Conventus Pacensis, Coïmbra, 1984, p. 456-458, n° 382. 23Il s’agit de la famille des Cornelii d’Emerita, dont le cas est étudiéinfra. 24D’ailleurs d’une manière générale pour la Bétique, M. Ponsich,L’implantation rurale anti-que sur le bas Guadalquivir, I. del Río, Lora del Río, CarmonaSéville, Alcala, Madrid-Paris, 1974, a montré que lesuillaenombreuses dans les zones aux possibilités parti-étaient particulièrement culièrement riches ou dans celles qui offraient, du fait de la proximité de terroirs aux potentia-lités différentes, la possibilité d’une polyculture variée. Le premier cas est illustré par le secteur de Séville et d’Italicaqui connaît une très forte densité de(Fig. 4, p. 22) uillae, spécialisées dans les cultures spéculatives et en particulier l’olivier, auquel se prêtent les sols bien drainés du sec-teur. Le second se rencontre par exemple autour de Carmona (Fig. 88, p. 224). Cette zone asso-cie un plateau favorable aux cultures, un escarpement constitué de sols rouges peu profonds et plus propices à l’élevage, au sud-est duquel s’étend une grande plaine (la Vega) aux sols lourds mais susceptible de devenir un grenier à blé en étant bien drainée. On remarque que dans ce secteur lesuillaesont également nombreuses, mais très concentrées sur l’escarpement, parce qu’elles étaient au centre de domaines dont l’économie r eposait autant sur le blé de la Vega que sur l’olivier du plateau.
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contrées réputées pour leurs aptitudes : au moins un se situerait dans la zone très fertile, à proximité de l’embouchure du Guadalquivir, appeléeLacus Lagustinus, où ont été retrouvées trois inscriptions concernant un des mem-bres de cette éminente f amille duIIesiècle25 deuxième se trouverait dans, un leconuentusd’Hispalisautour des lieux-dits de Mecina et de Mejina26 un, et troisième sur le territoire de la commune actuelle de Lora del Rió, au cœur d’une région productrice d’huile d’olive27 Jacques, pour sa part,. François conclut de son étude sur les timbres amphoriques des F (), datés pour la plu-part de la fin duIIeet du premier tiers duIIIesiècle, que « si on extrapole à partir de la localisation desfiglinae, l’essentiel des domaines oléicoles des F () se situerait dans un triangle d’une vingtaine de kilomètr es de côté, dont les limites passeraient au nord du Guadalquivir, à l’ouest du Genil et, à l’est, sui-vraient une ligne allant en gros d’Astigià Posadas28 sans doute». Confirmant cette recherche d’une certaine complémentarité des domaines, Columelle, bien que seulement chevalier, nous révèle que son oncle possédait plusieurs propriétés aux atouts différents29 unes étaient situées en terrain maréca-. Les geux, non loin probablement de l’embouchure du Bétis, les autres davantage à l’intérieur des terres, sur des coteaux. Les propriétés italiennes, quant à elles, sont essentiellement situées à proxi-mité de Rome ou en Italie centrale. Une douzaine se situe dans le distr ict même de Rome, ce qui répondait sans doute à l’obligation de résidence , tan-dis qu’un noyau relativement important se rencontre àTibur, ce qu’avait déjà relevé R. Syme30 Certaines, à proximité de. Les autres sont plus disper sées. Rome, se situent non loin des voies qui conduisent facilement à la capitale, telle lauillade Sénèque àNomentumou celle de Funisulanus sur Vettonianus lauia Latina en Ombr. D’autres sont un peu plus éloignées, ie(Fulginia), en Apulie(Aecae), en Étrurie(Lorium), quelques-unes plus excentrées, ainsi la propriété de P. Acilius Attianus sur l’île d’Elbe, celle de Mummius Niger
25CIL, II, 1282 = J. González, « Epigrafía del yacimiento de la Cañada », dansEstudios sobre la Tabula Siarensis, Madrid, 1988 (Anejos deAEA92, n° 2, Cortijo de Zarracatín ;, IX), p. CIL, II, 1283 = J. González, art. cité, p. 107, n° 26, Utrera ;CIL González, art. cité, J., II, 1371 = p. 109, n° 28, El Coronil. Ces inscriptions qui relèvent du territoire du municipe deSiarum concernent M. Messius Rusticus Aemilius Papus Arrius Proculus Iulius Celsus, consul suffect en 135 ou 136, qui représente la deuxième génération de cette famille sénator iale. 26a été formulée par M. Ponsich,Cette hypothèse Implantation rurale, cit.supran. 24, p. 40, n° 57 et F. Didierjean, « Le paysage rural antique au Nord-Ouest de Séville »,MCV, 14, 1978, p. 5-33, part. p. 22. 27Untitulus pictusde l’époque antonine portant la marque de contrôle d’Astigimentionne unfundus Messianumet pourrait se rapporter à cette famille (cf.infra). M. Ponsich,Implantation ruralen° 42, en situe l’emplacement au lieu-dit actuel de « Los Gallos », sur le, cit. n. 24, p. 34, territoire de Lora del Río. 28F. Jacques, « Un exemple de concentration foncière en Bétique, d’après le témoignage des timbres amphoriques d’une famille clarissime »,MEFRA1990, p. 865-899, part. p. 890-, 102, 891. 29De re rustica, 12, 21, 4-5. 30R. Syme, « Spaniards at Tivoli »,AncSoc,13-14, 1982-83, p. 241-263 (=Roman Papers,IV, Oxford, 1988, p. 94-114).
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Valerius Vegetus à proximité de Viterbe ou celle de Sénèque en Campanie. investi dans d a rovinces. QM.uelAqpuoens iussé nSaatteuurrns inauvsa iepnots séédgaailte mluein t aussi des domaineust reesn  pÉgypte31 , P. Coelius Balbinus Vibullius Pius disposait d’une propriété à Salone, en Dalmatie, et L. Minicius Natalis d’un bien-fonds en Afrique proconsulaire. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que ce domaine, situé près de Théveste, se trouvait dans une de ces nouvelles régions oléicoles qui se sont dévelop-pées à partir des Flaviens en suivant la progression du contrôle romain, et pré-cisément à proximité du territoire des Musulames où ce sénateur était inter-venu à plusieurs reprises en tant que proconsul d’Afrique, pour le règlement de questions de bornage de terres32 peut sans doute imaginer que. On L. Minicius Natalis avait ainsi judicieusement tiré parti de son expérience afri-caine pour investir dans une zone en pleine expansion. Sur la vocation de ces propriétés, nous possédons quelques témoignages lit-téraires. Nous savons par Pline33que le domaine acheté par Sénèque à Nomentumétait réputé pour l’excellent rapport de ses vignes34et que P. Manilius Vopiscus possédait dans sa propriété deTiburde magnifiques ver-gers, qui entouraient une somptueuse villa35 Columelle son côté,. De nous informe qu’il tirait parti de ses terres en fonction de leur s possibilités. Son domaine, probablement andalou, deCaere (Ceret)était consacré essentiellement aux pâturages, et donc à l’élevage, et aux forêts qui répondaient « au mieux aux intérêts de leur propriétaire avec un revenu de cent sesterces par jugère ». S’y adjoignait toutefois un peu d’une vigne qui produisait « cent amphores par jugères », c’est-à-dire d’un rendement médiocre36 domaines. Au ses contraire,
31Plusieurs papyrus datés de 29 à 34 apr. J.-C. (P. Osl, 33 ;P. Ryl, 131 ; P.Ryl, 135 ; P.Mich, 312) font en effet connaître un propriétaire de domaines égyptiens nommé M. Aponius Saturninus que G. M. Parassoglou,Estates in Roman Egypt, cit.supran. 14, p. 65, identifie, à la suite de M. Rostovtzeff, of the Roman Empire ySocial and Economic Histor2, Oxford, 1957 (trad. fr., Paris, 1988), p. 214, n. 45, avec un des deux membres de cette famille. G. M. Parassoglou, ibid., p. 65-67, a d’ailleurs relevé l’existence d’une vingtaine de propriétaires indépendants qui ne paraissent aucunement liés aux domaines impériaux. Ces propriétaires faisaient souvent, comme c’est la cas pour M. Aponius Saturninus (P. Mich, 312, 6-8, 50-51) gérer leurs domai-nes par un administrateur chargé d’établir les par celles, de les louer et de collecter les revenus. 32CIL,VIII, 10962, Négrine. Sur ses activités de délimitation de territoires, voirY. Le Bohec, LaTroisième légion Auguste, Paris, 1989, p. 371. 33Pline,N.H., 14, 51. Ce domaine, dont la superficie a été évaluée à 43 ha, avait été racheté à Remmius Palémon qui l’avait lui-même acheté pour un prix dér isoire dix ans auparavant. Il était en mauvais état, mais Remmius Palémon, grâce à son industrie, en fit l’un des plus admi-rés pour le rendement de son vignoble, qu’il replanta entièrement. De ce fait, Sénèque acheta le domaine quatre fois plus cher qu’il n’avait coûté à son ancien pr opriétaire. 34D’ailleurs la vigne était considérée par les Anciens comme la culture la plus rentable, pourvu que le vin soit de bonne qualité (cf. Caton, I, 7). 35Stace,Siluae, 1, 3. 36De re rusticarevient à un rendement de 5, 3, 3, 3. Cent amphores par jugère culleià l’ar-pent. Un bon rendement se situait autour de 8culleil’arpent, et au-dessous de 3, Columelle estime qu’il vaut mieux arracher la vigne (3, 3, 10).
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italiens d’Ardée, deCarseoli presque exclusi- eux, spécialiséset d’Albe étaient, vement dans des vignes d’un bon r endement37 nous renseigne aussi. Columelle sur la manière dont son oncle gérait ses domaines38, et Pline39nous apprend qu’à Sagonte,Voconius Romanus s’inquiétait de sa vendange. Ces témoignages montrent, en premier lieu, des hommes qui cherchent à tirer profit des potentialités différentes de leurs possessions dispersées et sont soucieux des revenus qu’ils pourront obtenir de la commercialisation de leurs produits. Ainsi, l’oncle de Columelle produit deux vins de qualité différente selon les lieux et il achète des béliers au pelage magnifique qu’il envoie dans ses terres de l’intérieur pour faire couvrir ses brebis et en obtenir de la meil-leure laine40 Romanus se préoccupe du résultat de ses vendan-. Et si Voconius ges, dont il redoute la maigreur, c’est qu’il en tirait des revenus notables. En second lieu, il semble que dès que les conditions pédologiques et climatiques se montraient favorables, on s’orientait vers une relative spécialisation desuil-lae ce qui n’excluait pas ait l’objet des préférences,. La vigne paraît avoir f cependant d’autres types de plantations, comme les vergers, auxquels la proxi-mité du marché romain devait offrir un débouché assuré. Autrement, pour essayer de préciser les vocations des autres propriétés41et bien que par ailleurs les travaux de M. Ponsich puissent aider à s’en faire une idée générale, il n’existe que la piste, bien difficile à sui vre, de l’épigraphie des amphores. Nous avons déjà relevé que letitulusd, peint obliquement à proxi-mité de l’anse des amphores Dressel 20, indiquait le nom de la propriété(fun-dus) suivi du nom au génitif du propr iétaire ou parfoisd’où provenait l’huile, de l’un de ses préposés. On peut donc tenter de confronter les données épi-graphiques issues des amphores à l’onomastique sénatoriale, ce qui permet-trait, le cas échéant, de se f aire une idée plus précise sur la participation des élites au dynamisme économique de leur s provinces, et ici de la Bétique. Parmi tous les noms de domaines recensés apparaissent les suivants : Attianum un, surtitulus pictusdaté de 14942, suivi du nom au génitif de Pontiani associé même nom se retrouve, au. Lefundus Veturianus un, surtitulus
37De re rustica, 3, 9, 2. 38Columelle,De re rustica, 12, 21, 4-5. Son oncle avait des vignobles en terrain marécageux et d’autres à l’intérieur des ter res où il faisait des « vins de coteaux ». Columelle décrit com-ment, en fonction de la nature du terrain, il usait de deux procédés différents pour apprêter le moût du vin. 39Pline,Ep., 9, 28. Répondant à une lettre de Voconius, Pline lui dit :Indicas etiam modicas te uindemias collegisse. Communis haec mihi tecum, quamquam in diuersissima par te terrarum, querella est (« Vous m’apprenez aussi que votre récolte de vendange est maigre.Voilà un sujet de plainte qui nous est commun à vous et à moi, bien que nous habitions des régions tout opposées »). 40De re rustica, 7, 2, 7. 41nous indiquent le plus souvent que l’emplacement de l’une d’elles.Les inscriptions ne Cependant, l’exemple de l’oncle de Columelle, comme celui, connu uniquement par l’épigra-phie des amphores, de L. Tutilius Pontianus, consul en 135, montrent que, le plus souvent, ces hommes devaient posséder plusieurs domaines dispersés à l’intérieur d’une même région. 42CIL, XV, 4174 ; G. Chic García,Epigrafía anforica de la Bética, II.Los rotulos pintados sobre anforas olearias. Consideraciones sobre la Annona, Séville, 1988, p. 80.
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de Fos-sur-Mer43, et celui deTutili Pontiani ausur un autre, associéfundus Portensis44 autre. Unfundus Attianusapparaît seul sur une amphore du Testaccio45. 6 — Unfundus Cornelianusse rencontre sur deuxtituli pictidatés de 1494, le mercator que Fadius Anicetusdistribution de l’huile étant un Sex.chargé de la l’on retrouve sur un autretitulusde la même année portant le contrôle de Corduba.Le même nom se retrouve sur deuxtituli pictidu Testaccio portant l’un le contrôle d’Hispalis la date de 149, l’autre47. Aelianum une amphore datée de 154, sur48, portant le contrôle d’Astigi et la marquebSNRégalement dans l’atelier de fabrication d’ampho- , trouvée res « La Catr ia » de Lora del Río, ce qui invite à situer ce domaine dans le voisinage de cette cité. Un autretitulus pictus, daté de 14949et portant la men-tion[---]elianum, renvoie peut-être au même domaine. Antistia[num]apparaît sur untitulus pictusdaté de 15450, où sont men-tionnés deux commerçants, les Antonii Melissus et Peregrinus. Annian[um]est la lecture proposée par B. Liou51pour untitulusdaté du milieu duIIesiècle et trouvé dans l’épave Saint-Gervais III de Fos-sur-Mer. — Un autretitulusdaté du milieu duIIesiècle52donne unMarcia[num]suivi de la mentionCaesar(is) n(ostri) qui indique qu’il était propriété impériale., ce — Enfin, deux domaines portant le nom deMessianus diffé-, probablement rents, ont été recensés, l’un daté de 179 et por tant le contrôle d’Hispalis, l’au-tre portant le contrôle d’Astigi53. Les noms de tous ces domaines ont des consonances similaires à ceux de certaines familles sénatoriales bie ’ l’absence, le plus souvent, de nom au n qu en génitif suivant celui, neutre, du domaine, toute tentative d’assimilation s’avère fort aléatoire. Cependant, cer tains d’entre eux, du fait de leur situation géo-graphique ou d’autres indications méritent d’être examinés plus en détail. Le fundus Aelianus dans le voisinage de Lora del Río situé, par exemple,(Axati), suggérerait une propriété appartenant à des Aelii. Comme le gentilice est assez fréquent dans la Péninsule, il est difficile à pr emière vue d’aller plus loin dans les conclusions. Néanmoins, sa situation géographique assez proche d’Italica, sur la rive droite du Guadalquivir et au bord du fleuve, et surtout le fait que
43 « L’épave Saint-Gervais 3 à Fos-sur-Mer »,B. Liou,Archaeonautica, 10, 1990, p. 158-259, part. p. 185-195. 44CIL, XV, 3826. 45: nuevos testimonios epigráficos », dansE. Rodríguez Almeida, « Monte Testaccio hoy Producción y comercio del aceite en la Antigüedad, I.Madrid, 1980, Madrid, 1981, p. 57-102, n° 22. 46CIL, XV, 3856 et 3857 ; G. Chic García,Epigrafía anforica, cit.supran. 42, p. 81. 47Id.,ibid., n° 27 et n° 28. 48CIL, XV, 4294 ; G. Chic García,Epigrafía anforica, cit.supran. 42, p. 79. 49CIL, XV, 4243 ; G. Chic García,Epigrafía anforica, cit.supran. 42, p. 87. 50CIL, XV, 4078 ; G. Chic García,Epigrafía anforica, cit.supran. 42, p. 79. Ces deuxmercato-resse retrouvent également sur l’amphoreCIL, XV, 4078, marquée du contrôle d’Astigi. 51B. Liou, « Inscriptions peintes sur amphores »,Archaeonautica, 7, 1987, p. 55-139, voir p. 89. 52CIL, XV, 4280 ; G. Chic García,Epigrafía anforica, cit.supran. 42, p. 82. 53CIL, XV 4373 et 4432 ; G. Chic García,Epigrafía anforica, cit.supran. 42, p. 83.
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l’on ait retrouvé dans le même secteur, à proximité d’Ilipa(actuelle Alcalá del Río), des marques d’amphores qui, selon G. Chic García, peuvent être mises directement en relation avec Hadrien54 de suggérer,, permettent titre d’hy- à pothèse, un rapprochement. Un autrefundusdont le nom est suggestif est celui deMarcia[nus].En effet, il est propriété impériale au milieu duIIesiècle, ce qui est prouvé par la men-tionCaesar(is) n(ostris). Or, on Ulpia Traja sait que la sœur de pelait ’ n s ap Marciana, soncognomen Le faitétant dérivé probablement du nom de sa mère. qu une propriété du domaine impérial porte ce même nom pourrait signifier que cette dernière, en partie oléicole, provenait de l’héritage de Trajan. Le cas le plus parlant est celui dufundus Attianus à la mention ulté-, grâce rieure du nom au génitif dePontiani. Grâce également à l’existence d’autres tituli pictiportant ce même nom, dont une fois dans sa dimension complète deTutilii Pontiani peut cette fois éta- on à d’autres noms de domaines,, associé blir clairement le lien entre cette famille sénator iale et la production d’huile55. De cette famille, nous connaissons deux représentants. L’un, L. Tutilius Lupercus, consul en 135, doit être le personnage concerné par letitulusde Fos-sur-Mer56 Ilet celui daté de 149. possédait donc plusieur s propriétés oléi-coles dont la localisation est cependant difficile à préciser en l’absence de mar-ques de contrôle, mais l’une d’elles devait êtr e proche de Séville57 . Pour le reste, nous sommes réduits à des conjectures plus ou moins fondées. Si l’un des deux domaines dénommé Messianus peut sans doute renvoyer à la famille des Messii Rustici étant donné sa localisation et la r elative rareté du gentilice en Bétique, il est difficile d’établir le moindre lien entre lesfundi Annianus, Antistianus, Cornelianus et les sénateurs Q. Cornelius Senecio Annianus, L. Antistius Rusticus et L. Cornelius Pusio, dont on sait par ailleur s qu’il possédait des ter res à Portal de Guadalete. Une autre piste, que l’on peut espérer plus prometteuse, est celle des noms au génitif qui suivent normalement ceux du domaine, mais que le hasard de l’histoire a parfois conservés seuls. Ces noms sont ceux des propriétaires de l’huile (et donc de la terre dont elle provient). Parmi eux, les suivants méri-tent d’être relevés : Iuli sur un, relevétitulus pictus des années 50-70de Vienne, daté58.
54G. Chic García,Epigrafía anforica de la Bética, I.Las  asmarcas impresas en el barro sobre anfor olearias (Dressel 19, 20 y 23), Séville, 1985, p. 102.Voir égalementinfra. 55Voir B. Liou, « L’épave Saint-Gervais 3 à Fos-sur-Mer »,Archaeonautica, 10, 1990, p. 158-259, part. p. 190-196. 56Le naufrage du navire a été daté de 148-150. 57Une autre amphore (CIL, XV, 4318, datée de 154 ; G. Chic García,Epigrafía anforica, cit. supran. 42, p. 85) qui fait connaître un autrefundus, présenté sous la formeScapitanum Pon…, porte le contrôle d’Hispalis. Le nom au génitif qui suit pourrait être éventuellement développé enPon (tiani), mais ce n’est qu’une hypothèse. 58B. Helly, A. Le Bot-Helly, B. Liou, « Un dépôt d’amphores Dressel 20 à inscriptions pein-tes découvert à Sainte-Colombe (Rhône) »,Archaeonautica, 6, 1986, p. 138, n° 9.
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