Les semblants du papier : l investissement des objets comme travail de la mémoire sémiotique - article ; n°1 ; vol.153, pg 79-94
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Les semblants du papier : l'investissement des objets comme travail de la mémoire sémiotique - article ; n°1 ; vol.153, pg 79-94

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Description

Communication et langages - Année 2007 - Volume 153 - Numéro 1 - Pages 79-94
Cet article prolonge les analyses menées au fil de ce dossier en montrant comment, dans différents usages de la langue et des objets, le potentiel évocateur du papier peut faire sens. Les analyses proposées, empruntées aux usages courants de la langue comme au travail des professionnels de la création technique et publicitaire, montrent que c'est bien parce qu'il est impossible de dissocier les différentes dimensions du papier (matériau, support, vecteur, média) qu'on peut faire tourner, en quelque sorte, autour de cet objet-signe, des univers entiers de pratique et de culture. C'est l'occasion d'une réflexion sur les processus sémiotiques et la façon dont ils sollicitent une mémoire sociale des formes et des gestes.
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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2007
Nombre de lectures 129
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Yves Jeanneret
Les semblants du papier : l'investissement des objets comme
travail de la mémoire sémiotique
In: Communication et langages. N°153, 2007. pp. 79-94.
Résumé
Cet article prolonge les analyses menées au fil de ce dossier en montrant comment, dans différents usages de la langue et des
objets, le potentiel évocateur du papier peut faire sens. Les analyses proposées, empruntées aux usages courants de la langue
comme au travail des professionnels de la création technique et publicitaire, montrent que c'est bien parce qu'il est impossible de
dissocier les différentes dimensions du papier (matériau, support, vecteur, média) qu'on peut faire tourner, en quelque sorte,
autour de cet objet-signe, des univers entiers de pratique et de culture. C'est l'occasion d'une réflexion sur les processus
sémiotiques et la façon dont ils sollicitent une mémoire sociale des formes et des gestes.
Citer ce document / Cite this document :
Jeanneret Yves. Les semblants du papier : l'investissement des objets comme travail de la mémoire sémiotique. In:
Communication et langages. N°153, 2007. pp. 79-94.
doi : 10.3406/colan.2007.4676
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_2007_num_153_1_467679
Les semblants du papier :
l'investissement
des objets comme travail
de la mémoire sémiotique
YVESJEANNERET
Cet article prolonge les analyses
II le faire s'agira signe ici du d'un papier. espace Il métonymique, est vrai que certaines oblique, communicatet mobile,
menées au fil de ce dossier en
ions utilisent le papier, et d'autres non. Mais réduire la montrant comment, dans différents
force du papier à son rôle d'instrument est simpliste. En usages de la langue et des objets, le
effet, la teneur matérielle et symbolique de ce matériau potentiel évocateur du papier peut
complexe est telle que, même lorsqu'il n'est qu'évoqué - que faire sens. Les analyses proposées,
le papier soit entièrement absent ou qu'un papier en repré
empruntées aux usages courants de sente un autre - il peut animer des univers entiers de
la langue comme au travail des pratique. C'est à de telles situations, où le papier est suggéré,
professionnels de la création techreprésenté, mimé, que nous nous intéresserons.
nique et publicitaire, montrent que La façon complexe et troublante qu'a le papier de faire
c'est bien parce qu'il est impossible signe, nous l'avons rencontrée en permanence dans les
de dissocier les différentes dimenmarges de notre enquête. Dans les marges, mais non à la
sions du papier (matériau, support, marge. Notre langue enregistre en l'univers
d'objets, de pratiques et de gestes qui s'est construit autour vecteur, média) qu'on peut faire
du papier. C'est ce qu'on appelle la catachrèse1 : la descente tourner, en quelque sorte, autour de
dans l'usage trivial de tout un imaginaire concret de la cet objet-signe, des univers entiers
culture. La « feuille » de papier, elle-même assimilée à celle de pratique et de culture. C'est
de l'arbre, n'est-elle pas l'exemple classique de la catachrèse ? l'occasion d'une réflexion sur les
Omniprésence de la représentation visuelle des objets processus sémiotiques et la façon
écrits, commentaires furtifs sur la valeur évocatrice du papier, dont ils sollicitent une mémoire
assimilation de sa forme à un geste, naturalisation de son
sociale des formes et des gestes. rôle dans la relation : notre recherche n'a cessé de rencont
rer l'aptitude du papier à évoquer les dimensions les plus
diverses du processus de communication. Elle a vérifié la
capacité reflexive des objets faits de papier à incarner, non
seulement tel acte de communication, mais l'acte de
communiquer. Si l'on reprend les catégories par lesquelles
Jacques Fontanille définit des niveaux d'organisation de
1. La catachrèse (usage dégradé) est une figure qui s'est tellement banalisée
qu'elle n'est plus perçue.
communication & langages - n° 153 - Septembre 2007 LES F 0 U V G ! ? S DE C U C C E S T i 0 r. DL1 r A F ! E R 80
l'expression2 - signe, texte, objet, situation, forme de vie - on ne sait où classer le
papier, qui est partout à la fois. Tout se passe comme si son apparition contamin
ait nécessairement tout le processus de communication.
Bref, les semblants du papier interviennent dans la communication, pour
rappeler que son importance ne se limite jamais à l'usage instrumental direct
d'un outil. Cet article veut prolonger ce constat, en cherchant à comprendre
pourquoi et comment le papier fait signe. Et, pour cela, le plus révélateur est sans
doute d'envisager les cas où le papier est indirectement évoqué, où sa matérialité,
son épaisseur sociale, sa complexité, sont en quelque sorte reconstruites de
manière poétique au sein des discours et des textes.
Matières travaillées
Pour initier cette enquête, je m'appuierai sur une réflexion plus ancienne sur la
matérialité, qu'avait inspirée il y a plus de dix ans la promotion du « mult
imédia» au rang de révolution communicationnelle. Cette nouvelle forme de
communication était alors très souvent définie comme immatérielle3. La reprise
incessante de cette antienne, y compris dans la recherche, a eu un bénéfice para
doxal : elle a obligé ceux qui voulaient faire une analyse concrète des processus de à expliciter ce qu'ils entendaient par matérialité. Pour
« retrouver ses marques », l'analyse des dispositifs médiatiques a dû, avec les
écrits d'écran, prendre en considération plusieurs modes d'existence de la matér
ialité au sein de l'univers des signes.
Il fallait avant tout rappeler qu'il n'y a pas de signe écrit sans substrat matériel,
et inventorier les multiples objets qu'a créés l'informatique (l'imprimante, le
disque dur, etc.)4 : si les médias informatisés apportaient quelque nouveauté aux
processus de communication, ce ne pouvait être que par le biais de nouveaux
modes d'inscription et de saisie des formes.
Pourtant il est d'emblée apparu que cette prise en compte primordiale du
matériel exigeait, pour se déployer, un espace de matérialité seconde. Par un effet
permanent de trompe-l'œil, un nombre considérable d'objets étrangers à l'info
rmatique, provenant de constructions physiques et culturelles hétérogènes, étaient
à la fois simulés et concentrés en un espace visuel intégré, appelant toute une
mémoire des gestes culturels : salles d'exposition, classeurs de bureau, pages de
livre, etc5.
Enfin, il ne fallait pas oublier, au troisième degré, que le travail graphique sur
l'écran pouvait produire des effets de transparence, qui étaient autant d'illusions
2. Jacques Fontanille, « Textes, objets, situations et formes de vie : les niveaux de pertinence d'une
sémiotique des cultures », Revue E/C, association italienne de sémiotique. www.associazionesemio-
tica.it. Sur la difficulté de situer le papier dans cette typologie, cf. ci-dessus l'article de Olivier Aim.
3. Pour une critique en règle de cette idéologie, cf. Philippe Quinton, « Le Corps du design : mutat
ions de la médiation du corps dans la production de l'image », dans B. Dufrene et J. Caune, dir.,
Médiations du corps, Grenoble, Actes du colloque tenu à l'Université Grenoble 3, 2000.
4. Emmanuel Souchier, « L'écrit d'écran : pratiques d'écriture et informatique », Communication &
langages, n° 107, 1996, p. 105-119.
5. Yves Jeanneret, « Matérialités de l'immatériel : vers une sémiotique du multimédia », dans Martin
Heusser, David Scott et al, Text and Visuality, Amsterdam et Atlanta : Rodopi, 1999, p. 249-257.
communication & langages - n° 153 - Septembre 2007 semblants du papier 81 Les
efficaces susceptibles de suggérer une magie de la transfiguration : « Double — écrit
d'écran et écrit d'imprimante - à travers sa matérialité et ses supports, l'informa
tique a élaboré une harmonie duale entre le spectacle et le secret, la lumière et
l'ombre, le noble et le trivial, la matière et une semblance d'esprit... »6. Une
magie qu'il fallait inscrire dans la série des objets métonymiques de la pensée,
parmi lesquels la salle de lecture des grandes bibliothèques tient une place de
ch

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