Les stratégies pragmatiques - article ; n°1 ; vol.32, pg 250-273
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Description

Communications - Année 1980 - Volume 32 - Numéro 1 - Pages 250-273
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Herman Parret
Les stratégies pragmatiques
In: Communications, 32, 1980. pp. 250-273.
Citer ce document / Cite this document :
Parret Herman. Les stratégies pragmatiques. In: Communications, 32, 1980. pp. 250-273.
doi : 10.3406/comm.1980.1488
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1980_num_32_1_1488Herman Parret
Les stratégies pragmatiques
On est accoutumé, depuis Wittgenstein, à voir le langage comme un
réseau de régularités, et l'activité discursive comme essentiellement gou
vernée par des règles x. La plupart des philosophies du langage présuppo
sent l'une ou l'autre variante de la théorie que la signification du langage-
en-contexte est une question de règles, comme
(1) Le fait qu'une expression linguistique a une certaine signification
est le fait que son usage est gouverné par des règles.
(1') Le concept de signification est (devrait jêtre) le concept
d'être gouverné par certaines règles.
Celui qui connaît une langue naturelle est dit connaître tacitement
un système de règles. Cependant, la confusion terminologique dans ce
domaine est totale, et les termes suivants, parfois identifiés et parfois
opposés à la notion de règle, sont en cours : habitude, aptitude, convent
ion, stratégie, loi, généralisation, contrainte, principe, fonction, condi
tion, etc. La clarification épistémologique s'impose d'urgence. Ce travail
épistémologique, reconstructif (reconstruction de l'objet scientifique,
c'est-à-dire le langage-en-contexte) et critique (évaluation des instru
ments de description et d'explication proposés par les théories) à la fois,
est d'une complexité redoutable, et les quelques résultats que je résume
dans la présente étude ne sont que l'esquisse d'un large projet élaboré
ailleurs 2.
Je voudrais présenter, dans une première partie, la conception du
langage-en-contexte comme un réseau de régularités gouverné par des
stratégies de quatre types différents (des contraintes, des fonctions, des
conditions et des principes). La mise au point de cet appareil conceptuel
et terminologique me permettra, dans la seconde partie, de construire
la typologie des sous-systèmes en relation avec des composantes spécifi
ques de la signification pragmatique, et de définir les critères pragmati
ques de bonne formation d'une expression linguistique. J'évoquerai,
en guise de conclusion, des aspects du « problème épistémologique » cen
tral de cette reconstruction, qualifié comme étant à deux faces (externe
et interne).
1. Voir W.P. Alston, o Semantic Rules », in M.K. Munitz et P. Ungeu (éds.), Semant
ics and Philosophy, New York, 1974, p. 17-48.
2. Voir mon étude « Connaissance et contextualité. Essai d'épistémologie de la prag
matique », dans H. Parret (éd.), Le Langage en contexte. Études philosophiques et lin
guistiques de pragmatique, Amsterdam, 1980, et On Pragmatic Representation, à paraître.
250 Les stratégies pragmatiques
1. LE SYSTÈME DES STRATÉGIES PRAGMATIQUES.
1.1. La notion de stratégie pragmatique.
L'analytique du langage-en-contexte est « transcendantale » en tant
que découverte des conditions de possibilité de l'activité discursive. L'en
semble de ces conditions de possibilité forme un à priori. Il est extrême
ment important de se rendre compte de prime abord de la nature de cet
x nous a familiarisé avec la doctrine selon laquelle à priori. Chomsky
l'a priori rendant possible toute activité discursive est substantiel ou onto
logique : l'esprit créateur est une entité psycho-biologique, et c'est ainsi
que le système grammatical des règles est identifié en fin de compte à
la structure psycho-biologique de l'homme. Ce réductionnisme psycho-biol
ogiste de la théorie chomskyienne du langage compromet dangereusement
la notion de règle et repose sur un malentendu fondamental concernant
le statut épistémologique de l'a priori formel gouvernant la production
du discours. Il est absoluments uperflu d'« incarner » cet à priori dans une
réalité quelconque, qu'elle soit ontologique, psychologique ou même
sociologique. Le réductionnisme de la théorie chomskyenne du langage
va de pair avec une autre tendance dans la définition de la notion de
règle : son idéalisation et son abstraction du comportement linguistique.
La distance énorme entre les règles grammaticales de Chomsky et l'acti
vité discursive effective est telle que ces règles sont dites maintenant être
« inconscientes », ce qui est une métaphore d'une naïveté et d'une impru
dence remarquables 2. La conception de l'a priori formel gouvernant la
production du discours que je me propose de défendre ici est radical
ement opposée à cette double tendance d'ontologisation et d'idéalisation.
L'analytique du discours nous fait découvrir des régularités que le gram
mairien reconstruit sous forme de stratégies, et la forme spécifique de ces
stratégies résulte du travail du linguiste ; il est superflu ainsi de se fixer
sur des positions philosophiques comme l'innéisme ou le mentalisme
puisque ce travail de reconstruction est le prix de toute méthodologie
scientifique, quelle que soit sa superstructure philosophique, voire idéo
logique.
Pour éviter toute confusion avec un projet réducteur et idéalisant
(comme celui de la grammaire chomskyenne) où la notion de « règle »
est centrale, on dira que l'a priori formel gouvernant les régularités du
discours est un réseau de stratégies (et non pas un « système de règles »).
La pragmatique, étant l'analytique du langage-en-contexte (ou discours),
reconstruit ce réseau de stratégies. On fera donc abstraction dans la suite
de la notion de «règle» en exploitant à fond celle de « stratégie ». J'oppose
stratégie à loi, à règle (au sens réducteur et idéalisant évoqué plus
1. Voir, entre autres, une étude récente de N. Chomsky, « Language and Unconscious
Knowledge », in Essays in Honor of E. Lennenberg, à paraître.
2. Voir aussi J. Searle, « The Rules of the Language Game », New York Review
of Books, septembre 1976,
251 Herman Parrel
haut) et à généralisation. Une stratégie, notion centrale en pragmati
que, a les caractéristiques suivantes : elle est compétentielle, translinguis
tique et normative. Je définis informellement une stratégie comme suit :
(2) stratégie def. j = une régularité intériorisée et valorisée générant
le fragment discursif à partir du contexte d ' énonciation.
Reprenons plus en détail les termes de cette première définition.
(a) Une stratégie est compétentielle et s'oppose ainsi à une généralisa
tion empirique : une stratégie est Y intériorisation d'une régularité analy-
tico-transcendantale du discours. Le premier critère pour la typologie
des stratégies sera, par conséquent, celui de I'acceptabilité compétent
ielle spécifique des expressions discursives générées par ces stratégies.
La production de la signification pragmatique des énoncés n'est pas,
comme le dit Chomsky de manière explicite, un phénomène de perfo
rmance mais bien un phénomène de compétence (compétence « pragmati
que » ou « communicative »). Ce qui distingue précisément la compétence
de la performance est ce qui distingue une stratégie compétentielle d'une
généralisation empirique. Puisque la stratégie est l'intériorisation
régularité analytico-transcendantale du discours, elle est en même temps
dans le phénomène et dans la connaissance du phénomène : la compétence
est, en fait, connaissance et cet isomorphisme du connu et du connais
sant est à la base même de la distinction compétence-performance.
Tout un débat s'est développé autour de la question de savoir si le
discours en activité est un phénomène de compétence ou de performance.
Je voudrais que ma position dans ce débat soit claire. La pragmatique,
étant la science du réseau de stratégies gouvernant le discours, est l'ana
lytique de la compétence discursive des sujets parlants : puisque intériori
sées, les strat

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