Les substituts de la Pythie dans le roman grec - article ; n°1 ; vol.29, pg 111-122
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Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen ancien. Série littéraire et philosophique - Année 2001 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 111-122
The relation between the Greeks and their gods is marked by the necessity of consultation with the Pythian oracle at Delphi. She provides the main thread for Heliodorus' novel the Aethiopica, and the abundance of oracles and dreams – a creative mine for the writer's talent – is the generator of the plot, Midway between the human and the divine, the gymnosophist rejects the practice of magic acceptable to the vulgar, exercises his wisdom in politics as well as in religious matters, and guides the protagonists, however the narrator's fancy takes him. With the Greek novel, another god is born: the novelist himself.
La relation du peuple grec à ses dieux passe par ce lieu obligé : la consultation de l'oracle de la Pythie à Delphes ; c'est elle qui est le fil directeur du roman d'Héliodore, les Éthiopiques, et le foisonnement des oracles et des songes – mine créatrice pour le talent de l'écrivain – est le grand moteur de l'intrigue romanesque. À mi-chemin entre l'humain et le divin, le gymnosophiste, réprouvant la magie – bonne pour le vulgaire – exerce sa sagesse tant sur le plan politique que religieux et guide les héros, au gré de l'inspiration débridée du narrateur. Avec le roman grec, en effet, un autre dieu est né : le romancier.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 54
Langue Français

Extrait

Marie-Françoise Marein
Christine Hunzinger
Dimitri Kasprzyk
Les substituts de la Pythie dans le roman grec
In: Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2001. pp. 1-2. (Collection de la Maison de l'Orient
méditerranéen ancien. Série littéraire et philosophique)
Abstract
The relation between the Greeks and their gods is marked by the necessity of consultation with the Pythian oracle at Delphi. She
provides the main thread for Heliodorus' novel the Aethiopica, and the abundance of oracles and dreams – a creative mine for
the writer's talent – is the generator of the plot, Midway between the human and the divine, the gymnosophist rejects the practice
of magic acceptable to the vulgar, exercises his wisdom in politics as well as in religious matters, and guides the protagonists,
however the narrator's fancy takes him. With the Greek novel, another god is born: the novelist himself.
Résumé
La relation du peuple grec à ses dieux passe par ce lieu obligé : la consultation de l'oracle de la Pythie à Delphes ; c'est elle qui
est le fil directeur du roman d'Héliodore, les Éthiopiques, et le foisonnement des oracles et des songes – mine créatrice pour le
talent de l'écrivain – est le grand moteur de l'intrigue romanesque. À mi-chemin entre l'humain et le divin, le gymnosophiste,
réprouvant la magie – bonne pour le vulgaire – exerce sa sagesse tant sur le plan politique que religieux et guide les héros, au
gré de l'inspiration débridée du narrateur. Avec le roman grec, en effet, un autre dieu est né : le romancier.
Citer ce document / Cite this document :
Marein Marie-Françoise, Hunzinger Christine, Kasprzyk Dimitri. Les substituts de la Pythie dans le roman grec. In: Lyon :
Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2001. pp. 1-2. (Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen
ancien. Série littéraire et philosophique)
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mom_0151-7015_2001_act_29_1_1386LES SUBSTITUTS DE LA PYTHIE DANS LE ROMAN GREC
Marie-Françoise MAREIN
« Muette est devenue la confiance dans les lois éternelles des dieux. Les
statues sont maintenant des cadavres dont l'âme animatrice s'est enfuie, les hymnes
sont des mots que la foi a quittés », ainsi s'exprime Hegel traduit par Hyppolite Κ
L'âme religieuse du peuple grec se serait-elle enfuie dans ce passage, à l'époque
hellénistique, d'une vie du δήμος politique à un cosmopolitisme dilué, atomisé ?
Cette transformation inaugurée par Alexandre ne conduit-elle pas à un bouleverse
ment des valeurs religieuses dont le roman grec pourrait être un témoin privilégié ?
À l'époque du panthéon des dieux universels et des divinités poliades succède
une époque où la distance entre la divinité et l'homme semble encore plus ténue : le
dieu préside à la vie de chaque jour en peuplant le sommeil de chacun de rêves et de
songes, en lui assurant une présence indéfectible grâce à ses médiateurs qui ont la
clef des songes : prêtres, devins, magiciens, sages, Gymnosophistes, prophètes...
La liste est longue.
Les grands lieux de culte sont-ils pour autant désertés ? Point du tout.
Plutarque témoigne même du renouveau du sanctuaire de Delphes : dans sa
jeunesse, des chèvres broutaient l'enclos sacré, et la Pythie ne consultait plus qu'une
fois par mois ; et maintenant, il est le Grand Prêtre d'un temple florissant 2. Sous
l'impulsion de Néron, puis d'Hadrien qui favorisent Delphes, se produit un regain
du sentiment religieux et du culte, et Delphes redevient le passage obligé.
G.W.F. Hegel, La Phénoménologie de l'Esprit II, Paris, 1939, p. 261 (trad, française
de J. Hyppolite) ; écho lointain du De defectu oraculorum dans lequel Plutarque
évoque à travers le récit d'Émilien le rhéteur (419 b) la mort du Dieu Pan.
Plutarque, De defectu oraculorum, très riche d'informations : cf. le portrait des
Gymnosophistes (421 a-422) -en particulier celui du discours de Cléombrote et le
barbare inspiré -, les magiciennes thessaliennes (416 f), la dereliction de l'oracle
(414 b) où Plutarque se demande pourquoi on vient moins consulter, pourquoi
d'autres oracles sont tombés en désuétude. Il y analyse la mutation des esprits, mais
constate la renaissance de Delphes. 1 1 2 M.-F. MAREIN
Et pourtant il n'est pas nécessaire d'être à Delphes pour entendre la parole
divine : la divinité se manifeste en tous lieux et à tous moments, il suffit au
Romancier de les choisir. Tout le roman d'Héliodore baigne dans une atmosphère de
piété païenne engendrant chez l'individu un comportement non pas du tout de
révolte et d'émancipation, mais de prières et de soumission. Les signes les plus
tangibles de la présence divine sont les oracles et les songes qui peuvent prendre les
formes les plus surprenantes et engendrer peur et angoisse ou confiance et audace.
Les médiateurs des dieux sont auprès de l'homme : eux savent lire et interpré
ter les messages des dieux, mais la sagesse des « sages à la mode orientale » est
bien éloignée du « besoin » des oracles de la piété populaire. Ces charlatans, ces
chresmologues qu'on voit déjà chez Aristophane et Thucydide profiter de ce besoin
de contact avec le divin, pullulent : mages, sorciers souvent auto-proclamés font
écran entre l'homme et le divin. Y a-t-il une place pour les profonds penseurs, les
maîtres de sagesse ? Plotin dont nous savons la vocation cherchait lui aussi, dans
son Egypte natale, la voie de la sagesse. Les physiciens du Musée sont, eux,
submergés par les astrologues et la pseudo-science écrase la véritable science. Il reste
encore, toutefois, des témoins privilégiés de la haute valeur spirituelle, et le romanc
ier les utilisera à bon escient.
Non, la Pythie n'est pas morte ; la foule, en procession dense et compacte, en
témoigne : la relation de tout un peuple à ses dieux passe par ce lieu obligé : la
consultation de l'oracle de Delphes ; Héliodore donne une place de choix à cet
événement en le situant dès le livre B, ce qui peut s'expliquer ainsi : le roman,
œuvre de fiction par excellence, profite à la fois de cette ambiance surnaturelle
procurée par le contact avec le divin et de cet ancrage historique et géographique,
créant, à six siècles de distance, un lien évident avec la Grèce classique qui, dans
cette κοινή, prenait une dimension de point de référence. La rencontre de Théagène
et de Chariclée s'effectue dans ce haut lieu symbolique, plaçant d'emblée le roman
sous le regard d'Apollon.
Delphes joue ainsi paradoxalement le rôle de la ville cosmopolite par
excellence, celui que jouera plus tard Alexandrie. Nous la découvrons à travers un
regard étranger, celui de Calasiris, prêtre égyptien. Pour lui, l'Orient et l'Occident
respirent, d'un même souffle, une même aspiration à la transcendance (B, XXVI, 1).
Nous savons, par Pausanias qui énumère les très nombreux temples du pér
imètre sacré à son époque, que dans ce centre religieux cosmopolite un temple était
dédié au culte d'Isis, « à quarante stades du temple d'Asclépios, qui était le plus
vénéré de tous ceux que les Grecs avaient consacrés à la déesse égyptienne 3 ». Donc
3. Pausanias, X, 32, 13 : Héliodore peut ainsi jouer sur les époques. LES SUBSTITUTS DE LA PYTHIE DANS LE ROMAN GREC 1 1 3
le fait que Calasiris se retire à Delphes permet au romancier d'animer son récit en
donnant une dimension grandiose à sa mise en scène par le rôle de la multitude.
L'on pourrait presque affirmer qu'à Delphes c'est la foule qui crée l'événement.
L'oracle ne serait rien sans sa présence. Elle joue le rôle du Chœur (de la tragédie ou
de l'épopée), elle monte les degrés avec le consultant, elle assiste muette à l'entrée
de la prophétesse dont elle sait les jours et heures de transes (B, XXVI, 4), elle
attend anxieuse le résultat du λόγος divin 4 .
Selon le degré d'intelligibilité de celui-ci -ce qui laisse toute latitude à l'écr
ivain - la foule aura deux réactions : soit compréhension et enthousiasme, soit
incompréhension et désintérêt. La réaction collective à la suite de l'oracle en faveur
de Calasiris est immédiate : des acclamations envers le dieu, des bénédictions

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