Les valeurs métaphoriques de la peau dans le Roman de Renart. Sens et fonctions - article ; n°22 ; vol.11, pg 129-148
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Les valeurs métaphoriques de la peau dans le Roman de Renart. Sens et fonctions - article ; n°22 ; vol.11, pg 129-148

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Description

Médiévales - Année 1992 - Volume 11 - Numéro 22 - Pages 129-148
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Pierre Bureau
Les valeurs métaphoriques de la peau dans le Roman de
Renart. Sens et fonctions
In: Médiévales, N°22-23, 1992. pp. 129-148.
Citer ce document / Cite this document :
Bureau Pierre. Les valeurs métaphoriques de la peau dans le Roman de Renart. Sens et fonctions. In: Médiévales, N°22-23,
1992. pp. 129-148.
doi : 10.3406/medi.1992.1244
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1992_num_11_22_1244Médiévales 22-23, printemps 1992, pp. 129-148
Pierre BUREAU
LES VALEURS MÉTAPHORIQUES DE LA PEAU
DANS LE ROMAN DE RENART.
SENS ET FONCTIONS*
Incarné en la personne du goupil, l'acteur principal du Roman
de Renart parvient systématiquement à se dérober et à sauver sa peau
en échappant aux mains de ses agresseurs. Il apparaît au travers des
principales branches du Roman, composées entre la seconde moitié
du xiie et le milieu du xme siècle, que les métaphores vestimentaires
appliquées à la peau d'un animal envahissent le champ lexical des dif
férents récits. Derrière l'inflation de vocables désignant la peau suc
cessivement comme escorce, cote, gonele, pelice, peliçon, cape, se prof
ile une volonté de structurer la narration en faisant de ces emplois
métaphoriques — a priori insignifiants — un processus de composit
ion à part entière, nécessaire à l'économie générale du Roman.
En tant que fil conducteur du récit, la fourrure de l'animal s'ins
crit dans une logique narrative dont les principales manifestations peu
vent se combiner entre elles selon différentes variantes. Le premier
cas de figure, le plus fréquent, est celui où la peau est perçue comme
objet de convoitise. La prise en chasse de la bête donne alors lieu
à une cascade de métaphores qui s'achève, soit par une capture et
un dépouillement de l'animal, soit par une ultime dérobade. Ainsi la
nature insaisissable du goupil contribue-t-elle à faire de sa fourrure
l'élément d'un enchaînement de séquences dont l'axe majeur répond
à l'alternative : perdre ou sauver sa peau. A partir de ces deux cas
de figure, les métaphores seront étudiées distinctement autour de deux
champs sémantiques principaux : d'une part celui de la fuite, d'autre
part celui de la capture s'accompagnant de l'écorchement de l'animal.
* Cet article s'inscrit dans une réflexion plus large sur le symbolisme vestiment
aire à travers l'image et l'imaginaire du Moyen Age central (xii'-xni< siècles) en vue
d'une thèse préparée à l'E.H.E.S.S. sous la direction de Jean-Claude Schmitt. 130
Au-delà de la fonction syntaxique des métaphores vestimentaires,
demeure un rapport primordial, celui du corps et de la parole, celui
de la peau et du texte, véritable métaphore spéculaire du Roman. Sau
ver sa dans le Roman de Renart, n'est-ce pas souvent la sauver
par la parole en sachant user de l'efficacité symbolique du langage ?
La pesa, objet de convoitise
La problématique élaborée autour de la peau animale et de la
fourrure dans la société médiévale a jusqu'alors été exposée à travers
des travaux concernant l'histoire matérielle des pratiques de
consommation1, à travers des phénomènes de transgression impliqués
par le déguisement2, ou enfin pour des aspects purement
pathologiques3. Sans minimiser nécessairement les problèmes attachés
à la vie matérielle, il convient de reconnaître la place importante que
tient la fourrure dans Le Roman de Renart. Ainsi, la récupération
des peaux du goupil apparaît comme une réalité familière de la vie
quotidienne en milieu rural. Dans la branche XIII, intitulée Les peaux
de Goupil : Renart teint en noir4 celui-ci, pour échapper à ses pour
suivants, se réfugie dans un château et se dissimule parmi d'autres
goupils déjà écorchés, dont les peaux sont fraîchement suspendues
1. Marie-Christine Pouchelle, « Des peaux de bêtes et des fourrures. Histoire
médiévale d'une fascination », Le Temps de la Réflexion, n° 2, Paris, Gallimard, 1981 ;
et Robert Delort, Le commerce des fourrures en Occident à la fin du Moyen Age,
École Française de Rome, 1978.
2. Sur le déguisement dans la littérature : cf. l'excellent recueil Masques et dégui
sements dans la littérature médiévale, études recueillies et publiées par Marie-Louise
Ollier, Vrin-Les Presses de l'Université de Montréal, 1988.
Sur le déguisement dans Le Roman de Renart : Jean Larmat, « Le déguisement
dans quelques œuvres françaises des xii«-xm« siècles », Razo, n° 6, Nice, 1986, pp. 7-8.
Pour un relevé systématique des scènes de déguisement dans Le Roman, cf. l'Index
des thèmes et des personnages du Roman de Renart, M. de Combarieu du Grès et
Jean Subrenat, Senefiance, n° 22, Aix-en-Provence, le Cuerma, 1987 ; Elizabeth
Charbonnier, « Animalité et anthropomorphisme dans Le Pèlerinage de Renart. Du
déguisement à la métamorphose », dans Métamorphose et bestiaire fantastique, éd. par
Laurence Harf-Lancner, Paris, 1985, pp. 164-184 ; Jean Bat an y, Scène et coulisses
du Roman de Renart, Paris, Sedes, 1989. Sur le déguisement et la satire des milieux
monastiques, pp. 121-123, sur la problématique du masque, pp. 186-195, et sur les rap
ports déguisement/écriture, pp. 223-249 ; Claude Reichler, La Diabolie, la séduction,
la renardie et l'écriture, Paris, éd. de Minuit, 1979, chapitre 10, « raconter et se racont
er », axé autour de la fonction du discours comme déguisement, pp. 141-144.
3. Sophie Castera, « La peau et sa pathologie : langage du corps et reflet de
la pensée médiévale », Médiévales, n° 3, 1983. A propos du Roman de Renart : « la
peau se trouve soumise à des agressions multiples tenant aux conditions de vie et aux
modes de travail essentiellement manuel. Premier organe exposé, elle est la proie d'une
pathologie traumatique, accidentelle ou volontairement infligée », p. 11.
4. L'édition du Roman de Renart utilisée au cours de cette étude sera celle d'Ernest
Martin, 3 vol., Paris-Strasbourg, 1882-1887. Les traductions seront extraites de l'édi
tion réalisée par Jean Dufournet et Andrée Méline, Paris, Garnier Flammarion,
2 vol., 1985. 131
(w. 826-845). Il semble que l'avidité qui anime les adversaires de
Renart pour le déposséder de sa peau n'ait d'égal que les ravages et
les nombreuses pertes qu'il a auparavant fait subir à ses victimes.
L'attrait pour la fourrure de Renart se rencontre dans le récit des deux
marchands de poissons de la branche III qui, prenant pour mort l'an
imal étendu en travers de la route, évaluent la peau de son dos et
celle de sa gorge :
« De toutes par l'ont renversé,
N'ont ore garde qu'il les morge.
Prisent le dos et puis la gorge. » (w. 64-66)
De la même façon, le paysan de la branche V songe à s'emparer
du goupil pour orner de sa gorge son manteau :
« Rien ne vous vaut,
Ta gorge iert mise en mon mantel. » (w. 104-105)
C'est aussi le cas du Roi Noble souhaitant prendre sa fourrure
comme gage, dans la branche VI :
« Nus lairois vos, ce quit, bon gage,
Au moins celé rose pelice. » (w. 78-79)
Par ailleurs, l'idée de s'emparer de la peau animale pour la trans
former en un vêtement, ou en l'un de ses composants, s'accompagne
fréquemment de la mention de la bonne ou de la mauvaise saison
pour l'en dépouiller. Ainsi Liétard, le paysan de la branche IX, sou
haitant se débarrasser de Renart, suit-il les conseils de sa femme qui
lui suggère de lancer ses chiens à sa poursuite :
« Ils li dépèceront la pel
Et li ferunt roge capel
Molt vos vaudra, si con je cuit,
Bien sa gorge set sols ou huit,
A ce que ele est de seison. » (w. 1169-1173)
La référence explicite à la bonne saison, comme période favora
ble pour dépouiller l'animal de sa fourrure, se double d'une notation
ayant trait à la valeur marchande de la peau5. Lorsqu'un chevalier,
5. Cf. Roger Bellon dans « Renart li Rous : Remarques sur un point de l'ono
mastique renardienne », Les couleurs au Moyen Age, Senefiance, n° 24, Aix, 1988,
pp. 17-28. Roger Bellon souligne les mentions faites à la valeur marchande de la peau
du goupil dans Le Roman : « la p

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