Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale
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LIVRE BLANC SUR LA DÉFENSE ET LA SÉCURITÉ NATIONALE








DÉBAT EN SÉANCE PUBLIQUE





Intervention de M. Josselin de ROHAN,

Président de la commission des Affaires étrangères,
de la défense et des forces armées






Jeudi 26 juin 2008

Monsieur le Président, e Premier Ministre,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

La discussion de ce soir revêt, aux yeux de la commission des Affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, une importance toute particulière.
Non seulement parce que pour la première fois, depuis qu’il y a des Livres
blancs, le Sénat est invité à débattre du document fixant la stratégie de défense
de notre pays.
Mais aussi parce que ce Livre blanc était nécessaire et attendu.
Un peu plus de dix ans après la réforme qui a réorienté notre défense vers
les missions de projection et opéré le tournant fondamental de la
professionnalisation, le temps était venu de réévaluer les objectifs et les moyens
de notre politique à la lumière des évolutions rapides d’un environnement de
sécurité qui n’est malheureusement pas devenu plus sûr.
La nécessité d’actualiser plus régulièrement notre stratégie de défense et
de sécurité est au demeurant soulignée par le Livre blanc. C’est pourquoi il en
propose la révision avant chaque loi de programmation militaire.
Je crois qu’il faut également saluer la méthode suivie, depuis le mois de
septembre dernier, pour l’élaboration de ce document.
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Langue Français

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LIVRE BLANC SUR LA DÉFENSE ET LA SÉCURITÉ NATIONALE
DÉBAT EN SÉANCE PUBLIQUE
Intervention de M. Josselin de ROHAN,
Président de la commission des Affaires étrangères,
de la défense et des forces armées
Jeudi 26 juin 2008
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
La discussion de ce soir revêt, aux yeux de la commission des Affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, une importance toute particulière.
Non seulement parce que pour la première fois, depuis qu’il y a des Livres
blancs, le Sénat est invité à débattre du document fixant la stratégie de défense
de notre pays.
Mais aussi parce que ce Livre blanc était nécessaire et attendu.
Un peu plus de dix ans après la réforme qui a réorienté notre défense vers
les missions de projection et opéré le tournant fondamental de la
professionnalisation, le temps était venu de réévaluer les objectifs et les moyens
de notre politique à la lumière des évolutions rapides d’un environnement de
sécurité qui n’est malheureusement pas devenu plus sûr.
La nécessité d’actualiser plus régulièrement notre stratégie de défense et
de sécurité est au demeurant soulignée par le Livre blanc. C’est pourquoi il en
propose la révision avant chaque loi de programmation militaire.
Je crois qu’il faut également saluer la méthode suivie, depuis le mois de
septembre dernier, pour l’élaboration de ce document.
Quoi qu’en disent ceux pour qui les concertations ne sont jamais
suffisamment larges et sincères, mais dont on ne se souvient guère qu’ils les
mettaient particulièrement à l’honneur lorsqu’ils étaient aux affaires, la
préparation du Livre blanc a témoigné d’une ouverture inégalée, qu’il s’agisse
de la composition même de la commission, des consultations qu’elle a menées et
des échanges réguliers auxquels elle a procédé avec le Parlement, au travers des
commissions de défense.
Saluons également l’approche novatrice de la démarche, élargie à la
sécurité nationale dans son ensemble. Je n’y vois pour ma part aucun signe d’un
quelconque tropisme « sécuritaire », comme on a pu le lire ici ou là. Il s’agit
simplement de constater que face à des risques multiformes, les réponses ne
peuvent se limiter au seul domaine militaire. Le Livre blanc en tire les
conséquences pour renforcer l’efficacité de nos politiques.
Au terme d’une analyse pertinente de notre environnement international,
plus complexe, moins prévisible que par le passé, il fixe des orientations
stratégiques sur lesquelles je me limiterai à quelques observations.
1
L’importance du renseignement tout d’abord, qui ne constitue pas une
novation, puisque le précédent Livre blanc en avait déjà souligné le caractère
essentiel. Cette priorité est très clairement confirmée au travers d’une
accentuation des capacités humaines et techniques, notamment spatiales, mais
également d’une organisation remaniée, plus à même de donner l’impulsion
politique nécessaire et de veiller à une bonne répartition des moyens.
Le rôle fondamental de la dissuasion est maintenu. Un large consensus
s’est exprimé à ce sujet au sein de la Commission du Livre blanc. Cela n’exclut
pas un ajustement du format de nos forces et notre souhait d’oeuvrer au
désarmement nucléaire, à condition, bien entendu, que soit consolidé dans le
même temps le régime international de non-prolifération.
A juste titre, la protection du territoire et des populations est prise en
compte de manière beaucoup plus complète, dans toutes ses dimensions, y
compris les moins évidentes. Je pense aux attaques informatiques, sur lesquelles
notre commission va rendre un rapport d’ici quelques jours.
La détermination des moyens affectés à la fonction d’intervention
comptait en revanche, me semble-t-il, parmi les questions les plus difficiles
posées aux rédacteurs du Livre blanc.
Elle touche directement au niveau d’ambition politique et opérationnelle
que nous entendons nous fixer. Elle implique de définir ce que nous voulons
pouvoir accomplir seuls et ce que nous réservons à des opérations
multinationales. Elle doit trouver le juste équilibre entre les capacités requises
pour le combat de haute intensité, sur lesquelles il serait dangereux de faire
l’impasse, et celles plus couramment utilisées dans les missions de stabilisation
qui, au demeurant, deviennent de plus en plus exigeantes et exposées.
Enfin, et il ne pouvait guère en être autrement, ces choix devaient être
effectués à la lumière d’hypothèses de ressources financières réalistes.
La redéfinition des contrats opérationnels, le resserrement de notre
dispositif en Afrique, l’énoncé de critères qui pourraient nous rendre plus
sélectifs, si tant est que cela soit possible, dans le choix de nos interventions
extérieures, témoignent des contraintes fortes que la commission du Livre blanc
a voulu concilier en la matière.
Ce Livre blanc tient compte de la situation générale de nos finances
publiques et de la nécessité impérative de les redresser. Je ne l’en blâmerai pas,
car une stratégie découplée de perspectives de financement crédibles serait des
plus fragiles. Par ailleurs, la capacité d’un pays à peser sur le cours des
évènements et à rester maître de son destin dépend aussi, on l’oublie trop
souvent, de la santé de ses finances.
Ceci étant, le Livre blanc reconnaît très clairement le besoin de renforcer
notre effort de défense au-delà d’un simple ajustement sur l’inflation, alors
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même qu’il se place dans la perspective d’une diminution notable des effectifs et
d’une réduction du volume d’équipement. Ce besoin financier avéré n’est pas
étranger aux retards pris après le brutal décrochage de la législature 1997-2002,
retards que la remontée très significative opérée à partir de 2003 ne pouvait en
aucun cas rattraper. Il est aussi lié à la nécessité de renouveler, sur une même
période, la quasi-totalité de nos matériels majeurs, renouvellement dont nous
mesurons mieux aujourd’hui le coût élevé.
L’arbitrage retenu repousse à 2012 la reprise d’une progression en
volume, chiffrée à 1 % par an jusqu’en 2020.
Ma première remarque porte sur les conséquences de cette stabilisation
programmée pour les trois prochaines années, alors que les économies de
structure ne seront pas immédiates et que les dépenses inéluctables en matière
d’équipement vont fortement progresser. Le Livre blanc évoque la possibilité de
mobiliser des « financements exceptionnels ». Pouvez-vous nous donner des
précisions à ce sujet ?
Ma seconde remarque vise à souligner l’ampleur du défi que représentera
la mise en oeuvre de cette nouvelle politique. Sa cohérence d’ensemble repose en
effet sur une accentuation notable de l’effort d’équipement, qui serait en
moyenne supérieur de 2 milliards et demi d’euros par an à son niveau actuel, et
sur une amélioration non moins notable de la performance de notre organisation,
qui devra dégager les économies de nature à financer ce surplus, tout en limitant
autant que faire se peut l’impact sur nos capacités opérationnelles.
Tous ces éléments sont indissociables. Seule une progression du budget
d’équipement permettra de financer les renouvellements les plus urgents,
notamment nos avions de transport, nos hélicoptères, nos blindés légers.
S’agissant de l’organisation du ministère et des armées, il faut reconnaître que
les restructurations de grande ampleur n’ont pas manqué au cours des dix
dernières années, notamment à la suite de la professionnalisation. Cependant,
des marges de progrès subsistent, au travers d’implantations moins dispersées et
des structures de soutien moins cloisonnées.
A mon sens, l’une des premières conditions de la réussite de la réforme
résidera dans le respect absolu des engagements financiers contenus dans le
Livre blanc, tout particulièrement en matière d’équipement. Nous serons très
attentifs à leur traduction dans le futur projet de loi de programmation militaire.
Une deuxième condition tient aux modalités qui seront retenues pour
mener à bien la nouvelle étape des restructurations. N’oublions pas que dans une
armée professionnelle en permanence engagée dans les opérations, souvent dans
des conditions difficiles, la motivation des hommes revêt un caractère essentiel.
Elle suppose des conditions de vie et de travail en rapport avec les exigences qui
leurs sont imposées, mais aussi, de manière plus générale, une perspective de
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nature à entraîner l’adhésion. Faute de quoi, des difficultés pourront apparaître
sur le recrutement et la fidélisation des personnels.
Enfin, la recherche, l’innovation technologique et les savoir-faire
industriels spécifiques font partie intégrante de la posture de défense d’un pays.
Ils constituent aussi l’un des points forts de notre économie. Il faudra
constamment conserver cette préoccupation à l’esprit tout au long de cette
réforme.
Je voudrais terminer sur la dimension internationale de notre stratégie de
défense et de sécurité. Le Livre blanc y consacre toute sa deuxième partie.
Ce volet de notre stratégie n’est pas le plus facile à élaborer car, par
définition, une grande partie de sa mise en oeuvre nous échappe et reste tributaire
des intérêts, des priorités ou des possibilités de nos partenaires au sein des
différentes enceintes agissant dans le domaine de la sécurité. Nier cette réalité
reviendrait à donner un caractère artificiel, pour ne pas dire purement
incantatoire, à toute option qui s’en remettrait à des capacités multilatérales
encore hypothétiques, au lieu et place d’un effort national. Pour autant, il reste
nécessaire, dans ce domaine, de ne pas renoncer à toute ambition, de fixer un
cap et de se mettre en situation d’entraîner nos partenaires autour d’objectifs
concrets et réalistes.
Le Livre blanc a su éviter les écueils en abordant de manière objective et
directe la question essentielle de l’articulation entre l’Europe de la défense et
l’Alliance atlantique.
Je me réjouis que la volonté de faire de l’Union européenne un acteur
majeur de la gestion des crises et de la sécurité internationale soit définie comme
« une composante centrale de notre politique de sécurité ». Il s’agit tout d’abord
d’une nécessité politique, car l’Europe doit pouvoir disposer d’une capacité
d’action autonome, ne serait-ce que pour ne pas se trouver impuissante, comme
au début des années 1990 face aux dramatiques évènements des Balkans. Il
s’agit aussi de rationaliser nos efforts, aujourd’hui dispersés et redondants dans
tous les domaines.
Dans quelques jours, la Présidence française va nous donner l’occasion de
formuler des propositions, dans un contexte rendu certes plus difficile par le
référendum irlandais.
Sur de nombreux créneaux, des avancées sont souhaitables. Je pense à la
mutualisation de la formation ou du soutien sur des équipements communs à
plusieurs pays européens, comme l’A400M, ou encore à la coordination de
l’emploi de certaines capacités critiques, comme les avions de transport ou les
hélicoptères. Il faudra aussi mieux coordonner les réflexions capacitaires des
différents Etats, afin de favoriser très en amont la définition en commun
d’équipements répondant aux mêmes besoins. Enfin, la question des capacités
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autonomes de l’Union européenne en matière de commandement des opérations
continuera de se poser.
Le Livre blanc se place clairement dans une optique de complémentarité
entre l’Europe de la défense et l’OTAN, fondée sur la « valeur ajoutée
respective de chaque entité ».
S’agissant de la place de la France dans l’OTAN, il expose les raisons,
aujourd’hui largement reconnues, pour lesquelles cette question ne se pose plus
du tout dans les mêmes termes qu’il y a une quarantaine d’années. Il souligne
aussi en quoi un positionnement qui paraît vouloir nous différencier des vingt
autres pays européens membres de l’Alliance peut avoir un impact sur nos
projets en matière de défense européenne.
Si les implications techniques d’une participation pleine et entière aux
instances de l’OTAN semblent relativement limitées, du fait de la place effective
que nous occupons déjà dans l’organisation, il ne faut pas en revanche sous-
estimer la résonance politique qu’aurait une telle décision.
Ce débat nécessite un réel effort d’explication auprès de l’opinion
publique française comme internationale. A cet égard, le Livre blanc énumère
un certain nombre de principes qui ne devraient pas être remis en cause, en
premier lieu la liberté d’appréciation des autorités politiques françaises et la
liberté de décision sur l’engagement de nos forces.
Il faut aussi faire en sorte, à mes yeux, qu’une telle option ne soit pas
ressentie comme un abandon de toute ambition en matière de défense
européenne autonome. On peut dès lors s’interroger sur les conséquences
qu’aurait l’absence d’avancées significatives dans ce domaine au cours des
prochains mois, alors que le Président de la République avait en quelque sorte
lié l’évolution de notre position à l’OTAN à des progrès sur l’Europe de la
défense.
Enfin, je voudrais souligner que la modification de notre statut dans
l’OTAN ne saurait constituer un objectif en soi, alors que l’évolution du rôle de
l’Alliance suscite des interrogations fortes quant à son champ d’action
géographique, ses domaines d’intervention et son mode de fonctionnement.
Nous ignorons aujourd’hui comment ces questions pourront être abordées dans
le nouveau concept stratégique que l’Alliance doit adopter en 2010.
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Pour conclure, je crois que ce Livre blanc marquera une étape
significative dans l’évolution de notre politique de défense et de sécurité.
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Grâce à la qualité et à la clarté de ses analyses, il nous permet de définir
les priorités stratégiques les plus adaptées au monde d’aujourd’hui et à ses
évolutions prévisibles à l’horizon de 15 ou 20 ans. Il pose les bases d’une
meilleure organisation de l’Etat en vue d’appréhender de manière plus globale et
plus pertinente les enjeux de défense et de sécurité.
L’ajustement du format de nos armées tient compte des contraintes qui
pèsent sur nos finances publiques tout en s’efforçant de préserver les missions
prioritaires. Souhaitons qu’il s’opère de manière à garantir la cohérence entre les
responsabilités que nous souhaiterons assumer au plan international et la mise en
place des moyens correspondants. Ce Livre blanc fixe un cadre. La loi de
programmation sera la prochaine étape essentielle. Nous attendons qu’elle en
traduise fidèlement les orientations.
Ne nous leurrons pas, nos alliés, nos partenaires comme nos adversaires
éventuels seront parfaitement informés de
nos capacités comme de nos carences
ou de nos faiblesses. Le défi auquel nous devons faire face à travers les
restructurations, les nouveaux contrats opérationnels, les efforts consentis pour
le renouvellement des matériels est tout simplement celui de la crédibilité de
notre défense. Ce défi, nul ne peut le relever à notre place.
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