Malaise dans la classification - article ; n°1 ; vol.74, pg 10-28
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Description

Langue française - Année 1987 - Volume 74 - Numéro 1 - Pages 10-28
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Louis Chiss
Malaise dans la classification
In: Langue française. N°74, 1987. pp. 10-28.
Citer ce document / Cite this document :
Chiss Jean-Louis. Malaise dans la classification. In: Langue française. N°74, 1987. pp. 10-28.
doi : 10.3406/lfr.1987.6433
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1987_num_74_1_6433Jean-Louis Chiss
CRL de Paris X
UA 381 CNRS
MALAISE DANS LA CLASSIFICATION
« C'est précisément ce malaise de classification qui permet de diag
nostiquer une certaine mutation. »
R. Barthes,
Le Bruissement de la langue,
Seuil, 1984, p. 69.
« Tout cela pour vous familiariser avec l'idée que nous nous trou
vons au cœur d'un énorme processus de refonte des formes litt
éraires dans lequel de nombreuses oppositions, selon lesquelles nous
étions habitués à penser, pourraient perdre leur vigueur. »
W. Benjamin,
Essais sur Bertolt Brecht,
Maspero, 1969, p. 111-112.
Présenter la variété des typologies de discours et s'interroger sur
leur niveau de pertinence semblent difficilement concevables sans un
examen minimal des attendus du concept même de typologie et spécif
iquement dans la perspective d'une epistemologie des sciences humaines.
Que l'idée de classification soit liée à celle de scientificité, elle-même
dépendante de l'écriture comme « raison graphique » \ que typologie et
définition apparaissent en relation d'implication réciproque, qu'une théo
rie soit implicitée dans toute taxinomie (ce que montrent par exemple
les typologies scolaires des discours) et qu'inversement une théorie se
donne à lire sous la forme d'une taxinomie, c'est ce qu'illustreraient sans
doute maints exemples puisés dans tel ou tel domaine du savoir.
Dans une réflexion sur l'activité classificatrice, on peut remonter
jusqu'à Platon pour déceler que la réponse à la question sur Y essence de
quelque chose se traduit par une enumeration et que c'est à travers
l'exercice typologique que se monnayent des interrogations comme « qu'est-
1. J. Goody, La Raison graphique, Éditions de Minuit, 1979 et La Logique de l'écriture, A. Colin,
1986. Cf. également J.-L. Chiss, « La grammaire et les textes : deux fonctions de l'écriture », Enjeux
n° 11, Namur, 1987.
10 que la vertu? » (Ménon) ou « qu'est-ce que la science? » (Thêêtète). ce
Problème pour la philosophie, le lien intrinsèque entre penser et classer
intéresse nécessairement les démarches de la biologie, de la sociologie,
de la psychologie, de l'anthropologie 2... Le caractère « idéel » ou « réel »
de la classification, l'antériorité du matériau ou sa constitution à travers
l'acte classificatoire lui-même, le refus obstiné de la catégorisation au
nom du « droit à la différence » sont quelques-unes des questions qui
reviennent constamment dans « Le problème des typologies » 3. Il reste
que si l'on ne peut assimiler par principe la « tradition » à l'unique
modèle épistémologique (cf. infra), l'histoire de la grammaire et celle de
la sémiologie révèlent le caractère incontournable de la classification,
quels qu'en soient les principes. J.-Cl. Milner le met doublement en
évidence :
« On sait enfin que la tradition a légué aux grammairiens la série des parties
du discours : il n'est pas malaisé d'en faire apparaître le romanesque, mais
les hypercritiques ne se sont pas rendu compte qu'en l'occasion, l'important
résidait moins dans la liste exacte de ces parties, que dans le fait que toujours
et nécessairement on en suppose. »
« Or, si l'on examine attentivement cette tradition [celle de la philosophie],
un trait crucial doit en apparaître à l'évidence : la théorie du signe est
toujours une théorie de la pluralité des types de signes : conventionnels,
naturels, accidentels, etc. 4. »
Si l'on regarde sur le versement anthropologique, on situera aussi
ce lien de la définition au paradigme :
« Définir le folklore, cela revient à dresser une liste exhaustive de définitions
de toutes les formes que peut revêtir le folklore 5. »
Structuralisme et typologie des discours
Cette idée de classement, de typologie a trouvé un ancrage part
iculièrement fort dans les directions de recherche que le terme « struc
turalisme » a réunies. Ainsi, à propos du problème des universaux lin
guistiques, L. Hjelmslev fait-il la remarque suivante :
« C'est seulement par la typologie que la linguistique s'élève à des points
de vue tout à fait généraux et devient une science 6. »
2. Ce qu'illustrent certaines publications relativement récentes comme Le Genre humain n° 2,
Fayard, 1982 : « Penser. Classer » et Actes de la Recherche en sciences sociales, n° 50, Paris, 1903 : « Qu'est-
ce que classer? »
3. Titre d'un article de J. Sumpf, Langages n° 13, mars 1969, numéro stratégique dans l'histoire
de « l'Analyse du discours » en France qui contient l'article initiateur de Z. Harris. Si la nécessité d'une
typologie résulte du fait que « nous ne savons pas de quoi nous parlons lorsque nous posons l'expression
"il va un discours " » (Sumpf, op. cit., p. 46), ne peut-on, à l'inverse, dire avec R. Barthes que « la est antérieure à la définition » (Le Bruissement de la langue, op. cit., p. 121)? Aporie?
4. L'amour de la langue. Seuil, 1978, p. 29 et 55-56.
5. A. Dundes cité par D. Ben-Amos, « Catégories analytiques et genres populaires », Poétique n° 19,
1974, p. 265.
6. Le Langage, Éditions de Minuit, 1966, p. 129.
11 encore cette visée classificatrice qui permet à certains théoriC'est
ciens du langage de situer dans une relation de continuité, de filiation,
la rhétorique des genres, depuis les systèmes platonicien et aristotélicien,
et les conceptions contemporaines du discours. Le travail critique de
Roland Barthes apparaît révélateur de ce trajet. Par la position de relais
qu'il a occupé entre le structuralisme linguistique et la sémiotique tex
tuelle, Barthes a sans doute été, plus que d'autres, en mesure de réfléchir
aux fonctionnements et implications de l'entreprise typologique :
« Le structuralisme, en vertu de sa méthode, porte une attention spéciale
aux classements, aux ordres, aux agencements; son objet essentiel c'est la
taxinomie, ou modèle distributif qui est mis en place fatalement, par toute
œuvre humaine, institution ou livre, car il n'est pas de culture sans cla
ssement; or, le discours, ou ensemble de mots supérieur à la phrase, a ses
formes d'organisation : il est lui aussi classement, et classement signifiant;
sur ce point, le structuralisme littéraire a un ancêtre prestigieux, dont le
rôle historique est en général sous-estimé ou discrédité pour des raisons
idéologiques : la Rhétorique, effort imposant de toute une culture pour
analyser et classer les formes de la parole, rendre intelligible le monde du
langage 7. »
Bien sûr, cette mise en perspective appellerait elle-même un ensemble
de commentaires critiques : le rapport entre culture et classement est-il
la leçon que Barthes a tirée de Lévi-Strauss? Si l'on identifie structu
ralisme et taxinomie, sans doute faut-il démarquer Saussure de ce « struc
turalisme », discuter la fausse homogénéisation réalisée sous cet intitulé 8
et le situer aussi dans la relation qu'il entretient avec ce que Barthes a
nommé la « nouvelle linguistique », celle de Chomsky et de certaines
analyses de Jakobson et Benveniste (cf. infra).
L'important reste ici le constat : la typologie des discours est mise
dans le « structuralisme » comme la classification en « genres » était le
fait de l'ancienne rhétorique. Sans prétendre en aucune manière faire
l'histoire des genres littéraires sur laquelle existe une masse considérable
de travaux, il faut au moins noter qu'en France, pour toutes sortes de
raisons théoriques, culturelles et institutionnelles, les problématiques
actuelles des typologies textuelles ne peuvent être complètement isolées
de l'existence des textes littéraires et de la notion de genre : en plein
moment triomphal du structuralisme français, T. Todorov pose la ques

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