Marquer la différence : l imposition de la rouelle aux XIIIe et XIVe siècles - article ; n°41 ; vol.20, pg 15-36
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Marquer la différence : l'imposition de la rouelle aux XIIIe et XIVe siècles - article ; n°41 ; vol.20, pg 15-36

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Médiévales - Année 2001 - Volume 20 - Numéro 41 - Pages 15-36
À partir de 1269, les juifs du royaume de France sont astreints au port d'une marque vestimentaire, imposée en Occident par l'Église depuis 1215. La forme ronde de la rota ou roella adoptée par les rois de France, et sa couleur, jaune dans un premier temps puis bichrome — rouge et jaune — , traduisent le caractère infamant de cet insigne, qui accentue la volonté de ségrégation physique des juifs en terre chrétienne aux XIIIe et XIVe siècles.
Marking the Difference : The Imposition of the « Rouelle » in the 13th and 14th Centuries - From 1269 on, the Jews in the kingdom of France were obliged to wear a distinctive sign, a badge imposed by the Church in the West since 1215. The round form of the rota or roella adopted by the kings of France, and its color, at first yellow then two-toned — yellow and red — denotes the ignominous character of the sign, which accentuated the will to enforce the physical segregation of the Jews in Christian lands in the 13th and 14th centuries.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Danièle Sansy
Marquer la différence : l'imposition de la rouelle aux XIIIe et
XIVe siècles
In: Médiévales, N°41, 2001. pp. 15-36.
Résumé
À partir de 1269, les juifs du royaume de France sont astreints au port d'une marque vestimentaire, imposée en Occident par
l'Église depuis 1215. La forme ronde de la rota ou roella adoptée par les rois de France, et sa couleur, jaune dans un premier
temps puis bichrome — rouge et jaune — , traduisent le caractère infamant de cet insigne, qui accentue la volonté de
ségrégation physique des juifs en terre chrétienne aux XIIIe et XIVe siècles.
Abstract
Marking the Difference : The Imposition of the « Rouelle » in the 13th and 14th Centuries - From 1269 on, the Jews in the
kingdom of France were obliged to wear a distinctive sign, a badge imposed by the Church in the West since 1215. The round
form of the rota or roella adopted by the kings of France, and its color, at first yellow then two-toned — yellow and red — denotes
the ignominous character of the sign, which accentuated the will to enforce the physical segregation of the Jews in Christian
lands in the 13th and 14th centuries.
Citer ce document / Cite this document :
Sansy Danièle. Marquer la différence : l'imposition de la rouelle aux XIIIe et XIVe siècles. In: Médiévales, N°41, 2001. pp. 15-36.
doi : 10.3406/medi.2001.1523
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_2001_num_20_41_1523Médiévales 41, automne 2001, p. 15-36
DanièleSANSY
MARQUER LA DIFFÉRENCE :
L'IMPOSITION DE LA ROUELLE AUX XIIIe ET XIVe SIÈCLES
En 1269, à la veille de son départ pour la huitième croisade, saint Louis
impose aux juifs de son royaume le port d'une marque distinctive :
Parce que nous voulons que les juifs puissent être reconnus et distingués des chré
tiens, nous vous ordonnons, à la demande de notre très cher frère dans le Christ
Paul Chrétien, de l'ordre des frères prêcheurs, d'imposer des insignes à chaque
juif des deux sexes : à savoir une roue de feutre ou de drap de couleur jaune,
cousue sur le haut du vêtement, au niveau de la poitrine et dans le dos, afin de
constituer un signe de reconnaissance, dont la circonférence sera de quatre doigts
et la surface assez grande pour contenir la paume d'une main. Si à la suite de cette
mesure un juif est trouvé sans cet insigne, son vêtement supérieur appartiendra à
celui qui l'aura trouvé ainsi l.
1. Éd. Ordonnances des rois de France de la troisième race (désormais abrégé Ordonnanc
es), Paris, 1. 1, 1723, p. 294. Traduction partielle de l'ordonnance dans M. Pastoureau, Jésus
chez le teinturier. Couleurs et teintures dans l'Occident médiéval, Paris, 1997, p. 137-138 et autre
traduction, complète, par G. Nahon, « Les ordonnances de saint Louis sur les Juifs », Les
Nouveaux cahiers, 23, 1970, p. 23-42. La seule étude d'ensemble sur les marques distinctives en
usage dans l'Occident médiéval demeure celle, déjà ancienne et dépassée sur de nombreux points,
d'Ulysse Robert, « Les signes d'infamie au Moyen Age. Juifs, Sarrasins, hérétiques, lépreux,
cagots et filles publiques », dans Mémoires de la Société Nationale des Antiquaires de France, 49,
1 888, p. 57- 1 72, en particulier p. 60- 1 25 pour le signe des juifs ; il reprenait dans ces pages un arti
cle publié quelques années plus tôt (« Étude historique et archéologique sur la roue des Juifs depuis
le XIIIe siècle », Revue des études juives [abrégée ci-dessous R.E.J.], 7, 1883, p. 81-95 ; 8, 1884,
p. 94-102). Les travaux d'Ulysse Robert ont été résumés par Claude Enlart, Manuel d'archéolo
gie française, t. III, Le Costume, Paris, 1916, p. 434-436. Dans « The Yellow Badge in History »
{Historia Judaica, XIX, 1957, p. 89-146), Guido Kisch a esquissé une première étude dans la
longue durée du signe des juifs, de la rouelle à l'étoile jaune imposée à partir de 1941 dans le
m* Reich. 16 D. SANSY
Une telle disposition n'étonne guère dans la mesure où Louis IX ne passe
pas pour avoir été très favorable aux infidèles qui vivaient au sein de son
royaume 2. Mais il a beaucoup tardé pour appliquer le canon 68 du IVe concile
de Latran, qui prévoyait dès 1215 que les chrétiens ne puissent par erreur se
mêler aux juifs ou aux musulmans et que ces derniers se distinguent par leur
vêtement, laissant aux autorités séculières de chaque royaume toute latitude
pour préciser le caractère particulier de cet habit 3. Depuis 1267, Louis IX a
décidé de se croiser et cette ordonnance sur les juifs s'inscrit très certainement
dans les préparatifs de la croisade et dans un souci de purification du royaume.
À quelques semaines de son départ pour l'Orient, le saint roi se consacre plus
que jamais à une période d'intense préparation spirituelle qui nécessite non
seulement la mise en ordre des affaires du royaume, mais aussi un ultime règl
ement de la condition de ceux qui ne sont tolérés que parce qu'ils demeurent les
dépositaires du texte sacré et un rappel permanent de la Passion du Christ 4.
Cette perspective ne peut être étrangère au roi, d'autant que l'instigateur avoué
de cette ordonnance est un converti, Paul Chrétien : ardent défenseur de sa
nouvelle foi, ce dominicain s'est illustré quelques années plus tôt, en juillet
1263, à la cour de Jacques Ier d'Aragon lors de la dispute de Barcelone, qui
l'opposait, sous les yeux du roi et de l'inquisiteur général Raymond de Pena-
fort, au grand maître de Gérone, le rabbin Moïse ben Nahman, plus connu sous
le nom de Nahmanide 5. À son arrivée en France, il s'empresse de suggérer au
2. Sur les rapports complexes entre saint Louis et les juifs de son royaume, voir J. Le GOFF,
Saint Louis, Paris, 1996, p. 793-814 ; Id., « Saint et les juifs », dans G. Dahan dir., Le Brûle-
ment du Talmud à Paris (1242-1244), Paris, 1999, p. 39-46.
3. S. GRAYZEL, The Church and the Jews. A Study of Their Relations during the Years 1198-
1254, Based on the Papal letters and the Conciliar Decrees of the Period, Philadelphie, 1933 (ci-
dessous Grayzel), n° X, p. 308. A. H . Cuttler et H. E. Cuttler (« Why Did Pope Innocent III Want
the Fourth Lateran Council (1215) to Impose a Distinction in Clothing on Muslims and Jews ? »,
dans J. R. SOMMERFELDT éd., Studies in Medieval Culture, Michigan, 1970, t. Ill, p. 92-1 16, repris
dans A. H. Cuttler et H. E. Cuttler, The Jew as Ally of the Muslim. Medieval Roots ofAntisemi-
tism, Notre Dame, 1986, p. 183-204) soulignent ajuste titre le fait que l'historiographie ignore
souvent que le signe distinctif a été imposé non seulement aux juifs mais aussi aux musulmans et
considèrent que le canon 68 de Latran IV vise principalement les musulmans, dans la perspective
d'une conquête chrétienne du Moyen Orient : il paraît difficile de les suivre sur ce dernier point (cf.
M. KRIEGEL, Les Juifs dans l'Europe méditerranéenne à la fin du Moyen Âge, Paris, 1979, p. 50-
51).
4. La position de l'Eglise à propos de la présence juive au sein de la chrétienté a été part
iculièrement étudiée par Gilbert DAHAN, Les Intellectuels chrétiens et les juifs au Moyen Âge, Paris,
1990. Voir également du même auteur : « L'Église et les Juifs au moyen âge (xiF-xiV5 siècles) »,
dans M. Luzzati, M. Olivari, A. Veronese éd., Ebrei e cristiani nell'Italia médiévale e
moderna : conversioni, scambi, contrasti. Atti del VI. congresso internationale dell AISG, S.
Miniato, 4-6 novembre 1986, Rome, 1988, p. 19-43 ; ID., « Le pouvoir royal, l'Église et les Juifs ou
De la condition politique du Juif en Occident médiéval », dans D. Tollet éd., Politique et religion
dans le judaïsme ancien et médiéval, Paris, 1989, p. 85-107.
5. M. Kriegel, op. cit., p. 196- 197. L. Suarez Fernandez, Les Juifs espagnols au Moyen
Âge, Paris, 1983, p. 137-142. Les textes issus de la controverse ont été traduits en français :
Nahmanide (Rabbi Moïse ben Nahman), La Dispute de Barcelone, É. Smilévitch et L. Ferrier
trad., Paris, 1984. MARQUER LA DIFFÉRENCE 17
roi une série de mesures visant à accentuer la ségrégation des juifs de la
couronne. Le signe distinctif n'est que la première partie de son programme :
en juillet 1269, le roi l'autorise à mener une campagne de sermons obligatoires
auprès des juifs, afin de les convaincre des erre

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