Mgr Desmaretz - Seigneur-Évèque de Saint-Malo (1702-1739) : du jansénisme à l'orthodoxie - article ; n°3 ; vol.18, pg 467-487

Marie-Emmanuelle Coüet

Description

Histoire, économie et société - Année 1999 - Volume 18 - Numéro 3 - Pages 467-487
Abstract The diocese of Saint-Malo was concerned by the jansenist crisis only from the bishopric of Desmaretz (1702-1739). Indeed, on the contrary of his predecessors, this nephew of the great Colbert introducted an episcopalian and gallican Jansenism, wich was not followed profoundly by the diocesians. After years of opposition to Rome, he submitted to the Unigenitus Bull in 1727, and endeavoured an orthodox counter-attack. This jansenist period did not cause - in this diocese - a dechristianization.
Résumé Le diocèse de Saint-Malo ne fut touché par la crise janséniste qu'à partir de l'épiscopat de Mgr Desmaretz (1702-1739). En effet, contrairement à ses prédécesseurs, ce neveu du grand Colbert introduisit un jansénisme episcopal et gallican, qui ne fut pas suivi de manière profonde par les diocésains. Après des années d'opposition à Rome, il se soumit à la Bulle Unigenitus en 1727 et entreprit une contre-attaque orthodoxe. Cette parenthèse janséniste n'entraîna pas de déchristianisation dans le diocèse.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1999
• Nombre de lectures: 54
• Langue: Français
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Extrait

Marie-Emmanuelle Coüet
Mgr Desmaretz - Seigneur-Évèque de Saint-Malo (1702-1739) :
du jansénisme à l'orthodoxie
In: Histoire, économie et société. 1999, 18e année, n°3. pp. 467-487.
Résumé Le diocèse de Saint-Malo ne fut touché par la crise janséniste qu'à partir de l'épiscopat de Mgr Desmaretz (1702-1739).
En effet, contrairement à ses prédécesseurs, ce neveu du grand Colbert introduisit un jansénisme episcopal et gallican, qui ne fut
pas suivi de manière profonde par les diocésains. Après des années d'opposition à Rome, il se soumit à la Bulle Unigenitus en
1727 et entreprit une contre-attaque orthodoxe. Cette parenthèse janséniste n'entraîna pas de déchristianisation dans le diocèse.
Abstract The diocese of Saint-Malo was concerned by the jansenist crisis only from the bishopric of Desmaretz (1702-1739).
Indeed, on the contrary of his predecessors, this nephew of the great Colbert introducted an episcopalian and gallican
Jansenism, wich was not followed profoundly by the diocesians. After years of opposition to Rome, he submitted to the
Unigenitus Bull in 1727, and endeavoured an orthodox counter-attack. This jansenist period did not cause - in this diocese - a
dechristianization.
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Coüet Marie-Emmanuelle. Mgr Desmaretz - Seigneur-Évèque de Saint-Malo (1702-1739) : du jansénisme à l'orthodoxie. In:
Histoire, économie et société. 1999, 18e année, n°3. pp. 467-487.
doi : 10.3406/hes.1999.2045
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1999_num_18_3_2045DESMARETZ - SEIGNEUR-EVEQUE DE SAINT-MALO MGR
(1702-1739) : DU JANSÉNISME À L'ORTHODOXIE
par Marie-Emmanuelle COUET
Résumé
Le diocèse de Saint-Malo ne fut touché par la crise janséniste qu'à partir de l'épiscopat de
Mgr Desmaretz (1702-1739). En effet, contrairement à ses prédécesseurs, ce neveu du grand
Colbert introduisit un jansénisme episcopal et gallican, qui ne fut pas suivi de manière profonde
par les diocésains. Après des années d'opposition à Rome, il se soumit à la Bulle Unigenitus en
1727 et entreprit une contre-attaque orthodoxe. Cette parenthèse janséniste n'entraîna pas de
déchristianisation dans le diocèse.
Abstract
The diocese of Saint-Malo was concerned by the jansenist crisis only from the bishopric of
Desmaretz (1702-1739). Indeed, on the contrary of his predecessors, this nephew of the great
Colbert introducted an episcopalian and gallican Jansenism, wich was not followed profoundly
by the diocesians. After years of opposition to Rome, he submitted to the Unigenitus Bull in
1727, and endeavoured an orthodox counter-attack. This jansenist period did not cause - in this
diocese - a dechristianization.
Malgré un chef-lieu excentrique, le diocèse de Saint-Malo était bien struc
turé avec des doyennés équilibrés ', contenant chacun une vingtaine de
paroisses et une forte population2. Grâce à l'importance de la cité épiscopale
- nonobstant un déclin économique amorcé au XVIIIe siècle - être nommé
évêque de Saint-Malo n'était pas synonyme d'exil intérieur.
L'évêque de Saint-Malo, dès son arrivée, découvrait rapidement qu'il
devait tenir compte de la présence d'une communauté de ville, dont les
membres appartenaient à l'élite marchande malouine, toujours prête à s'emparer
des privilèges de la Co-seigneurie 3. Pourtant ces messieurs de la communauté
n'ignoraient pas que la présence épiscopale dans leur ville était facteur de
prospérité. Certes, à chaque époque, les prélats défendirent les prérogatives de
la cité, mais leur rôle était d'abord spirituel. Ils s'efforcèrent, à partir du
XVIIe siècle, de faire accepter par le clergé et les fidèles les canons tridentins.
1 . Père C. Berthelot du Chesnay, Les prêtres séculiers en Haute-Bretagne au XVIIIe siècle, Rennes,
PUR, 1984, p. 77.
2. J. Devailly (dir.), Histoire religieuse de la Bretagne, Chambray, 1980.
3. A. Lespagnol, Messieurs de Saint-Malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, Saint-Malo,
Éd. Ancre de Marine, 1991, p. 45.
HES 1999 (18e année, n° 3) 468 Histoire Economie et Société
Véritable seigneur temporel, Monsieur de Saint-Malo devait pourtant com
poser avec les chanoines de l'église cathédrale. Ils étaient pour la plupart
d'origine malouine et constituaient - avec ces messieurs de la communauté -
une oligarchie dans la vieille cité de Jacques Cartier. Les pouvoirs de l'évêque
étaient donc bien souvent limités par la présence de Y ordo canonicus et aussi
par les abbés commendataires, présentateurs à nombre de cures; pendant les
« mois du pape », les candidats étaient soumis à un concours 4.
Comme le diocèse malouin avait une façade maritime et un arrière-pays
rural, l'évêque devait s'adapter aux différents genres de vie de ses diocésains,
ce qui était d'autant plus difficile qu'il n'était pas Breton; seule une bonne
formation, avant d'accéder à la mitre, lui permettait de bien s'insérer dans la
vie diocésaine. Lorsque Mgr Vincent- François Desmaretz 5 prit possession de
son évêché en 1702, le diocèse de Saint-Malo n'avait presque pas été touché
par le jansénisme, ses prédécesseurs - surtout François de Villemontée (1660-
1 670) 6 - ayant lutté efficacement contre les théories de l'évêque d'Ypres. Ce
fut ce neveu de Colbert qui introduisit le jansénisme. Il est - à l'instar du car
dinal de Noailles - un des rares membres de l'épiscopat à être passé du jansé
nisme à l'orthodoxie. Quelles furent les raisons de son opposition à la bulle
Unigenitus et de son revirement? Ses origines familiales et sa formation ne
sont sans doute pas étrangères à ses prises de position jansénisante. Son refus
de la Bulle dura jusqu'en 1727, date à laquelle - enfin soumis au pape - il
entreprit une contre-attaque orthodoxe.
Des liens jansénisants
Par sa mère, née Marie Colbert et sœur du Grand Colbert, Vincent-François
Desmaretz, de souche picarde, était apparenté aux personnes les plus en vue
du règne de Louis XIV et du début de celui de Louis XV. Les ministères, les
évêchés, les intendances et l'armée, fonctions réservées à une élite et piliers
de la monarchie, avaient compté chacun un fils de Jean Desmaretz, père de
notre évêque et intendant de Soissons. Son frère, le contrôleur général des
finances, Nicolas Desmaretz, eut sept enfants. Le quatrième : Pierre, dit «l'abbé
Desmaretz», fut abbé commendataire de Sainte-Bénigne de Dijon et de Saint-
Nicolas-des-Bois, diocèse de Laon; le suivit Marie-Thérèse, abbesse d'Hierre,
diocèse de Paris; puis Charlotte-Thérèse, prieure de Villarceaux, diocèse de
Rouen; et enfin, Louise mariée au duc Louis de Béthune 7. On note qu'aucun
des enfants de Nicolas Desmaretz ne fit carrière dans les finances, ils ont été
dirigés vers l'armée ou bien le clergé; ceci témoigne d'une volonté d'agréga-
4. Père C. Berthelot du Chesnay, Les prêtres séculiers..., op. cit., p. 203, 219.
5. Évêque étudié par M.-E. Coiiet, L'épiscopat malouin au XVIII1' siècle. Pastorale et société, Thèse de
doctorat, dirigée par Monsieur le Recteur Yves Durand, Paris IV Sorbonně, 1995.
6. F. Saulnier, François de Villemontée, évêque de Saint-Malo (1660- 1670), Rennes, 1903.
7. F. de La Chesnaye-Desbois, Dictionnaire de la noblesse..., 3e éd., 1863-1876, t. VI, p. 836. Sur
Nicolas Desmaretz, voir D. Houvenaghel-Defoort, Desmaretz, contrôleur général des finances, Mémoire de
maîtrise dirigé par Monsieur le Recteur Yves Durand, Paris IV-Sorbonne, 1998.
HES 1999 (18e année, n° 3) Desmaretz : du jansénisme à l'orthodoxie 469 Mgr
tion à la haute noblesse, de même que les mariages avec les Béthune et les
d'Alègre. Son autre frère, Jacques Desmaretz (1655-1725) entra dans l'Église.
Il fut abbé commendataire de Landais, au diocèse de Bourges (1677), et enfin
agent général du clergé - de 1680 à 1685 -, avant d'être nommé évêque de
Riez, le 15 août 1685, puis archevê