Migrations clandestines et contrebande à la frontière tuniso-libyenne - article ; n°2 ; vol.7, pg 155-162
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Description

Revue européenne de migrations internationales - Année 1991 - Volume 7 - Numéro 2 - Pages 155-162
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 21
Langue Français

Extrait

Mustapha Chandoul
Monsieur Hassan Boubakri
Migrations clandestines et contrebande à la frontière tuniso-
libyenne
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 7 N°2. L'Europe de l'Est, la communauté et les migrations.
pp. 155-162.
Citer ce document / Cite this document :
Chandoul Mustapha, Boubakri Hassan. Migrations clandestines et contrebande à la frontière tuniso-libyenne. In: Revue
européenne de migrations internationales. Vol. 7 N°2. L'Europe de l'Est, la communauté et les migrations. pp. 155-162.
doi : 10.3406/remi.1991.1299
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_1991_num_7_2_1299155
Revue Européenne
des Migrations Internationales
Volume 7 - N° 2
1991
Migrations clandestines
et contrebande à la frontière
tuniso-libyenne
Mustapha CHANDOUL*
Hassan BOUBAKRI
« Cette étude a été menée durant l'hiver 1987-1988, avant
que ne s'établisse la libre circulation entre la Libye et la Tunisie. Elle a été réalisée
dans un secteur qui présente trois situations frontalières représentatives dans la
Délégation (équivalent de sous-Préfecture) de Bengardane :
— La « Imada » (secteur) de Jmila : secteur longeant la frontière tuniso-
libyenne, donc très ouvert sur le territoire libyen.
— La « Imada » de Sayyah : secteur sub-frontalier.
— La « » de Lourassniya : secteur intérieur, mais proche de la front
ière.
120 clandestins ont fait l'objet de cette enquête, réalisée par l'auteur
(M. Chandoul), dans leurs secteurs respectifs. L'auteur a par ailleurs dénombré
586 émigrés clandestins en Libye, dont le séjour avait dépassé deux mois de travail
au moment de l'enquête, afin de les distinguer des « commerçants contrebandiers »
(les trafiquants) dont le séjour en Libye varie de 15 jours à 1 mois.
UNE ÉMIGRATION EN GRANDE PARTIE NON DÉCLARÉE
La Libye, peu peuplée (3,6 millions d'habitants au recensement de 1984), est
devenue un grand « importateur » de main-d'œuvre étrangère.
La Tripolitaine nord-occidentale correspondant à la Jfara (plaine littorale)
libyenne, située en face de la région de Bengardane, est l'une des zones les plus
développées de la Libye. D'importants périmètres irrigués s'y sont développés (plus
de la moitié des terres mises en valeur dans le pays). La Jfara est aussi la première Mustapha CHANDOUL, Hassan BOUBAKRI 156
région industrielle du pays. Cinq des huit premières villes y sont localisées. L'agri
culture, le bâtiment, l'industrie y attirent de nombreux immigrés : la région de
Bengardane voyait passer les 9/ 10 des migrants tunisiens vers la Libye. Elle pré
sente de ce fait un échantillon de situations migratoires variées, dont l'émigration
non déclarée.
On estimait, à l'époque, à environ 80 000 les émigrés tunisiens en Libye, dont
un tiers de non déclarés ou de clandestins. L'estimation du nombre de clandestins
originaires de la région de Bengardane varie selon les sources. Les services de
sécurité (la Garde nationale) ont appréhendé, en 1987, 1379 clandestins ayant
franchi illégalement les frontières, à l'aller ou au retour de leur séjour libyen. Ils
estimaient le nombre de migrants clandestins originaires de Bengardane à un
millier. D'autres sources font des extrapolations non vérifiables : ainsi des émigrés
clandestins originaires de cette région estiment leurs « confrères » entre 2000 et
5000. L'enquête, objet de cette étude, montre que 63,5 % des personnes interrogées
qui sont elles-mêmes des migrants clandestins ont au moins un membre de leur
famille en Libye, dont 41 % sont des clandestins.
RÉSEAUX TRIBAUX ET FLUX TRANSFRONTALIERS
L'émigration originaire du Sud-Est tunisien et particulièrement de la région
de Bengardane s'appuie sur un tissu d'alliances et de relations intertribales sécu
laires, qui ont contribué à consolider le caractère non déclaré de cette émigration.
Pendant la période coloniale, deux grands groupes tribaux nomades, l'un
libyen (« Les Nouayels »), l'autre tunisien (« Les Touazines »), se partageaient
l'espace situé de part et d'autre de la frontière actuelle. Leurs relations étaient ryth
mées par des périodes de conflit pour le contrôle des parcours, et des périodes de
complémentarité (échanges, troc et alliances) dans des contextes plus calmes.
La pénétration coloniale française dans la région de Bengardane s'est traduite
par sa soumission au contrôle militaire. De Borj (fort), est transformée
en campement pour le des populations locales, puis en centre colonial
(poste, mosquée, école, douanes) entre 1902 et 1913. Les rapports d'échanges
traditionnels (troc surtout) ont été cassés par l'introduction de l'économie monét
aire et le traçage des frontières. Les relations conflictuelles entre Nouayels et
Touazines se sont atténuées. La solidarité avait prévalu et de nombreux Touazines
(Tunisiens) ont trouvé refuge auprès de leurs voisins libyens à l'Est. Des actions de
résistance contre les Français furent lancées à partir de la Libye.
En 191 1-12, la violente occupation de la Libye par les Italiens a contraint des
dizaines de milliers de Libyens à se réfugier à leur tour en Tunisie, et particulièr
ement dans la région de Bengardane auprès de leurs voisins de l'Ouest. Touazines et
groupes libyens se partagent de nouveau l'espace, ce qui a abouti à l'émergence
d'un réseau d'alliances et d'échanges entre les groupes, allant de l'intégration comp
lète de groupes libyens aux tribus tunisiennes, à la protection sans intégration, en
passant par la coexistence.
L'indépendance de la Libye en 1952, et surtout la découverte du pétrole en
1958, puis la révolution de 1969 ont achevé de convaincre la majorité des Libyens clandestines et contrebande à la frontière tuniso-libyenne 157 Migrations
installés en Tunisie de se rétablir dans leur pays d'origine. Ali Abaab(') estime le
nombre de Libyens qui se sont établis en Tunisie entre 191 1 et 1952 à 70 000, dont
plus des 2/3 (52 000) ont regagné leur pays par la suite. En 1975, ils ne restait plus
en Tunisie que 1700 Libyens(2), dont une partie continue à vivre dans la région de
Bengardane.
Ce rappel historique permet de souligner le rôle des anciennes relations inter
tribales dans le maintien d'un réseau de relations d'entraide et de recrutement
d'émigrés malgré les changements dans le contexte politique. Les groupes tribaux
libyens, occupant la Tripolitaine et qui avaient été protégés ou accueillis par les
tribus de Bengardane, ou inversement, durant les périodes coloniales, accueillent à
leur tour des migrants non déclarés originaires de la région de Bengardane. L'en
quête a ainsi révélé de nombreux cas de migrants clandestins travaillant auprès de
leurs anciens alliés : sur 120 clandestins, on compte :
— 9 émigrés du « Arch » (fraction de tribu) de Béni Zemzem (Tunisiens)
travaillant chez les Nouayels (Libyens) à Regdaline (ville à 60 km de la frontière) ;
— 23 migrants des Kraynias (Tunisiens) travaillent chez leurs anciens proté
gés libyens (les Hamissi), à Zouara (ville d'El Nikat El Khams, sur la route de
Tripoli).
83 % des clandestins déterminent en partie pour cette raison, à l'avance leur
lieu d'implantation.
LE RÔLE DES CONTRAINTES ADMINISTRATIVES ET
POLITIQUES DANS CETTE ÉMIGRATION « NON DÉCLARÉE »
LES CONTRAINTES ADMINISTRATIVES
Les législations en vigueur dans les deux pays ont beaucoup pesé pour
contraindre les migrants à passer illégalement les frontières et à ne pas se déclarer
en Libye.
En Tunisie, jusqu'à 1987, les jeunes entre 20 et 30 ans hésitaient à demander
des passeports pour plusieurs raisons :
— obligation d'effectuer le service militaire, ou, à défaut, de présenter une
attestation de sursis ou d'exemption : 90 % des clandestins déclarent ne pas avoir
encore effectué leur service national ;
— frais financiers assez élevés pour l'obtention du passeport, et longs délais
pour sa délivrance (3 à 4 mois).
— obligation d'obtenir

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