Migrations de travail au Japon et mutations socio-spatiales des quartiers populaires de Tokyo - article ; n°1 ; vol.16, pg 221-234
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Description

Revue européenne de migrations internationales - Année 2000 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 221-234
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 48
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Dorothée Cibla
Migrations de travail au Japon et mutations socio-spatiales des
quartiers populaires de Tokyo
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 16 N°1. Dynamiques migratoires en Asie orientale. pp.
221-234.
Citer ce document / Cite this document :
Cibla Dorothée. Migrations de travail au Japon et mutations socio-spatiales des quartiers populaires de Tokyo. In: Revue
européenne de migrations internationales. Vol. 16 N°1. Dynamiques migratoires en Asie orientale. pp. 221-234.
doi : 10.3406/remi.2000.1716
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_2000_num_16_1_1716Revue Européenne des Migrations Internationales, 2000 (16) 1 pp. 221-234 221
NOTE DE RECHERCHE
Migrations de travail au Japon
et mutations socio-spatiales
des quartiers populaires de Tokyo
Dorothée CIBLA*
En 1998, le Japon accueillait près d'un million et demi de résidents étrangers,
dont plus de 70 % d'origine asiatique ; cette proportion a néanmoins tendance à
diminuer avec l'augmentation rapide des immigrés sud-américains d'ascendance
nippone. Bien qu'il s'agisse d'un chiffre record pour l'après-guerre, les étrangers ne
représentent encore que 1,2 % des habitants de l'archipel, une situation qui n'est en
rien comparable à celle des autres pays du G7. Comment le Japon a-t-il réussi à
n'accueillir qu'une si faible population étrangère tout en jouant un rôle moteur dans la
région Asie-Pacifique, laquelle poursuit un développement économique inédit, soutenu
par d'intenses mouvements de biens, de capitaux et surtout, de main-d'œuvre ? Les
hauts dignitaires de l'archipel aiment à répéter qu'à la différence de la France ou de la
Grande-Bretagne, le Japon n'a conservé ses colonies que durant une très brève période
de son histoire, achevée aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale. Dans le
même ordre d'idées, l'archipel, une fois entré dans le club des pays industrialisés, n'a
jamais officiellement fait appel à des Gastarbeiter comme l'Allemagne, continuant de
puiser dans ses ruraux, véritables migrants de l'intérieur, une main-d'œuvre industrielle
considérable jusque dans les années soixante-dix. Enfin, on peut rappeler que la
présence d'une importante minorité coréenne, ainsi que de près de 3 millions de
burakumin1 , a permis d'éviter jusqu'à présent à la population active « nationale » de
s'engager dans les professions les plus ingrates.
Doctorante, Institut d'Asie orientale, 14, av. Berthelot 69363 Lyon Cedex 07 et Centre
d'études urbaines de l'université métropolitaine de Tokyo .
Descendant des parias japonais qui occupaient des professions nécessaires mais considérées
comme impures (bouchers, tanneurs, fossoyeurs etc.) et qui sont toujours victimes d'une forte
discrimination. 222 Dorothée CIBLA
En 1983, le Premier ministre Nakasone annonçait, lors de son voyage
triomphal en Asie, un plan destiné à accueillir au Japon 100 000 étudiants étrangers
afin d'accélérer son « internationalisation », leitmotiv politique des très prospères
années de la bulle spéculative. L'objectif officiel était double : orienter un archipel,
jusqu'alors obsédé par son occidentalisation, vers une redécouverte de ses racines
asiatiques ; initier les intéressés à la culture et au savoir-faire technique du grand Japon
afin qu'ils retournent dans leur pays d'origine enrichis des connaissances nécessaires
pour soutenir l'effort de développement économique local. Dans le même temps, les
relocalisations d'entreprises japonaises dans les pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est
incitaient l'archipel à s'engager dans une politique d'ouverture diplomatique tous
azimuts pour continuer de tisser sa toile sur le continent, la politique des 100 000 visas
étant un élément clé de cette version nouvelle de la sphère de co-prospérité de la
grande Asie orientale.
Or ces étudiants ne sont pas venus seuls mais accompagnés de migrants
économiques qui ont commencé à affluer dans l'archipel à partir du milieu des années
quatre-vingts. La situation de ces nyûkâmâzu (de l'anglais « newcomers ») qui ont
choisi d'émigrer au Japon pour gagner leur vie n'est pas, à première vue du moins,
comparable à celle des Coréens et Chinois forcés de travailler dans l'archipel au cours
de la période coloniale. Mais les conditions des migrations de travail au Japon ont-elles
structurellement changé depuis les années vingt ? Pas vraiment si l'on sait que
l'immigration de main-d'œuvre non qualifiée est toujours officiellement interdite et
implique la présence d'une importante population clandestine maintenue dans sa
précarité, alors même que l'archipel manque toujours cruellement de travailleurs qui
accepteraient de s'engager dans les métiers pénibles dits « 3K »2, en particulier dans les
espaces urbains où le niveau de qualification est plus élevé qu'ailleurs. Enfin, de même
que les travailleurs immigrés montrent depuis près d'un siècle une tendance à se
rassembler dans les mêmes quartiers industriels et/ou dans les faubourgs populaires des
villes japonaises, la diaspora chinoise et les entrepreneurs coréens du Japon continuent
d'organiser de véritables filières d'immigration et d'accueil des nouveaux arrivants,
filières qui vont dans le sens des besoins réels du Japon en matière de main-d'œuvre
immigrée.
AUGMENTATION DE LA MAIN-D'OEUVRE ASIATIQUE ET
RESTRICTIONS A L'IMMIGRATION
Les résidents étrangers du Japon différent selon leur origine, l'époque de leur
arrivée et la durée de leur séjour, leurs statuts de résidence, ainsi que les professions
qu'ils exercent ou plutôt, sont autorisés à exercer : une révision des lois d'immigration,
intervenue en 1990, a en effet rendu les conditions d'entrée beaucoup plus difficiles
dans l'archipel, en particulier pour les immigrés non qualifiés qui sont nombreux parmi
les candidats asiatiques au séjour.
2 C'est-à-dire pénibles (kitsui), dangereuses (kiken), salissantes (kitanai).
REMI 2000 (16) 1 pp. 221-234 Migrations de travail au Japon et mutations socio-spatiales des quartiers populaires de Tokyo 223
Inégalité devant le travail
Parmi les résidents d'origine étrangère, les Coréens (zainichi) sont les plus
nombreux avec environ 640 000 personnes, dont près de 85 % sont nés au Japon.
Descendants de Coréens, autrefois « sujets de l'Empereur » après l'annexion de leur
pays en 1910, importés par les autorités coloniales japonaises et affectés en masse à des
métiers pénibles pour soutenir l'économie de guerre, ils étaient presque deux millions
et demi à résider au Japon au cours de la Seconde Guerre mondiale. Bien qu'une
majorité d'entre eux aient regagné leur pays à l'issue du conflit, près d'un million
choisirent de demeurer au Japon. Un peu plus d'un dixième d'entre eux ont réussi, non
sans difficultés, à se faire naturaliser depuis les années cinquante : aujourd'hui, seule
une infime proportion peut remplir les conditions d'éligibilité très exigeantes. Pour la
plupart petits entrepreneurs, ils ont réussi économiquement et ne risquent donc pas de
constituer un poids pour la société japonaise. Dans leur grande majorité, les zainichi
sont toujours l'objet d'un certain ostracisme social : bien qu'étant nés au Japon, ils
n'ont pas le droit de vote et une partie de la première génération est par ailleurs exclue
du système de retraite. Etant par ailleurs victimes de discriminations à l'embauche, ils
sont nombreux à travailler à leur compte, quand ils n'exercent pas des professions
subalternes, n'ayant de ce point de vue rien à envier aux trois millions de burakumin
qui continuent de constituer le gros du sous-prolétariat national. Ainsi, les zainichi qui
sont certes nombreux dans les régions d'Osaka et de Tokyo (plus de 40 % des
effectifs), sont également bien représentés dans les régions où l'on trouve une grande
concentration d'activités industrielles. Les Coréens du Japon forment cependant une
minorité nippophone dont le statut de résidents permanents ne limite aucunement leurs
possibilités de trava

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