Musique et société chez les Touaregs de l Ahaggar. - article ; n°1 ; vol.58, pg 136-142
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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1990 - Volume 58 - Numéro 1 - Pages 136-142
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 22
Langue Français

Extrait

Nadia Mécheri-Saada
Musique et société chez les Touaregs de l'Ahaggar.
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°58, 1990. pp. 136-142.
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Mécheri-Saada Nadia. Musique et société chez les Touaregs de l'Ahaggar. In: Revue du monde musulman et de la
Méditerranée, N°58, 1990. pp. 136-142.
doi : 10.3406/remmm.1990.2378
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1990_num_58_1_2378ÉTUDES LIBRES
Nadia MÉCHERI-SAADA
MUSIQUE ET SOCIÉTÉ
CHEZ LES TOUAREGS DE L'AHAGGAR
La société des Kel-Ahaggar est traditionnellement structurée en plusieurs clas
ses, dont la musique reproduit globalement la hiérarchie en destinant certaines
formes à une catégorie sociale particulière. L'occupation française qui s'amorce
au début du XXe siècle, constitue le premier ébranlement de cette société dont le
processus de destruction va s'accélérer dans l'Algérie indépendante. Tous ces bou
leversements socio-politiques ont évidemment des conséquences au niveau cultur
el, en particulier dans le domaine de la musique, de ses formes d'expression et
de ses fonctions sociales.
Au XIXs siècle
Au XIXe siècle, les Kel-Ahaggar se répartissent en plusieurs tribus rassemblées
en une confédération politique sous l'autorité d'un chef élu, Vamênukal. Vertica
lement, la société se compose de trois classes : tout en haut de l'échelle, les ihagga
ren ou nobles, éleveurs de chameaux et guerriers; au second rang, les ïklân ou
esclaves, employés principalement aux tâches domestiques et à la garde des
troupeaux.
A cette époque, la production musicale est constituée d'un fonds déjà ancien
propre à l'ensemble de la culture touarègue et focalisé autour de trois activités
artistiques : la poésie, le chant et le jeu de la vielle à une corde (imzad). Si cette
tradition est tout autant le fait des ihaggaren que des imghad (et éventuellement
des iklân), elle n'en reste pas moins directement liée aux valeurs sociales domin
antes. En effet, bien qu'en pays touareg la poésie ne soit pas le domaine réservé
RE.M.M.M. 58, 1990/4 Musique et société chez les Touaregs de l'Ahaggar / 137
d'une catégorie sociale ni même de spécialistes, ce sont surtout les pasteurs-guerriers
qui la pratiquent et la chantent le plus. Il en résulte qu'un certain genre de poésie,
chantée est le lieu d'expression privilégiée de l'éthique dominante. Quant aux fem
mes, qui peuvent elles aussi pratiquer la poésie et le chant, c'est surtout dans le
jeu de Vimzad, dont elles détiennent (en particulier les femmes nobles) l'usage exclus
if, qu'elles participent à la production artistique dominante.
Poésie, chant et imzad constituent donc les éléments de base de cette product
ion artistique de tradition noble dont des règles strictes régissent la création. Si
chacun de ces répertoires peut fonctionner indépendamment des autres, tous trois
sont le plus souvent associés dans leurs circonstances d'exécution. Celles-ci peu
vent n'être supportées par aucun cadre fonctionnel ou au contraire être suscitées
par la célébration d'événements importants. Entre ces deux possibilités, le lieu
de prédilection de cette production paraît se trouver dans les réunions galantes
de jeunes hommes et de jeunes femmes appelées ahâî. L' imzad joue, accompagné
de vocalises masculines cadencées, ou bien c'est un homme qui chante, accompa
gné du même instrument.
La musique des iklân s'oppose en plusieurs points à celle des classes dominant
es. D'abord par son appartenance sociale exclusive (alors qu'inversement la pra
tique de genres de tradition noble n'est pas interdite aux iklân). Ensuite parce qu'il
s'agit essentiellement de musique dansée, genre qui n'existe pas chez les nobles.
Il en découle immédiatement des différences au point de vue musical (notamment
dans les rythmes et par l'utilisation de tambours et de battements de mains) et le traitement du texte qui n'a ni le même rôle, ni les mêmes formes, ni les
mêmes sujets que dans les chants de tradition noble. Deux au moins de ces dans
es, la tehîgelt et la tazenghereht, sont parvenues jusqu'à nous. Toutes deux sont
chantées par les femmes. La première est une danse mixte tandis que la seconde
est en principe uniquement dansée par les hommes. Si la tehîgelt est une danse
assez modérée qui s'exécute à toute occasion de réjouissance, la tazenghereht se
distingue, outre un traitement musical très particulier qui utilise de multiples res
sources vocales, par son aboutissement à la transe.
Entre ces deux pôles, musique de tradition noble et musique à? iklân, existent
quelques autres genres musicaux dont la pratique n'est pas réservée à une classe
sociale en particulier. Il s'agit de berceuses, de chants rituels de mariage (âlézven)
et de chants de jeunes filles avec tambour.
A partir de 1850 apparaît une nouvelle composante sociale avec l'arrivée pro
gressive de cultivateurs — izeggaghen en touareg, harratîn en arabe — en prove
nance du Touat et du Tidikelt. A la demande de Yaménukal El Khadj Akhmed,
ces cultivateurs fondent les premiers villages de l'Ahaggar où ils travaillent la terre
dans un contrat de métayage avec leurs propriétaires ihaggaren et imghad. Leur
venue introduit en Ahaggar certains genres musicaux propres à leur région d'ori
gine qui s'intègrent progressivement à la vie musicale collective, même s'ils ne
sont pas assimilés par les différentes catégories sociales touarègues.
Il s'agit essentiellement de danses d'hommes accompagnées de chants en arabe
sur fond rythmique de tambours. L'une des premières à être signalée par des obser
vateurs européens est la berezzâna traduite par eux «danse des fusils», qui est com
munément répandue dans tout le Sahara algérien sous l'appellation barud. Un
deuxième genre dansé, également très répandu, est le tebeloù les chants sont accom
pagnés d'une batterie de gros tambours à une peau (qui donnent leur nom au genre) 138 I N. Mêcheri-Saada
et de qallâl, tambours sur tube en poterie, ainsi que par une ou deux flûtes qasba.
Une troisième danse est la «danse des bâtons» appelée isara. Elle consiste en une
ronde masculine d'allure modérée où chaque danseur est muni d'un bâton qu'il
entrechoque alternativement avec celui des danseurs qui l'encadrent. U isara est
la seule danse de harratîn largement répandue dans l'ensemble des villages de l'Ahag-
gar alors que les autres se cantonnent généralement à Tamanarasset. Enfin, le genre
dirani ou qarqabu se distingue par l'utilisation des crotales métalliques qarqabu
se superposant à la partie de tambours qallâl. Pouvant être jouée lors de toute réjouis
sance, cette musique est cependant investie d'un caractère magico-religieux qui
se manifeste notamment dans sa fonction curative : une séance de dirani peut être
commandée par la famille d'une personne atteinte de stérilité ou dans un état de
transe.
Ces différents genres constituent une partie de l'animation musicale des villages
durant l'été. Car la saison des fêtes est d'abord celle des récoltes pendant laquelle
les propriétaires nomades viennent s'y installer, en famille et avec leurs iklân, pour
quelques semaines aux frais de leurs métayers. Ces fetes sont les principales occa
sions de rencontre de la musique des uns et des autres. Sans doute la musique
de tradition noble reste-t-elle à l'écart des manifestations dansées des iklân et des
harratîn. Mais entre ceux-ci, qui ont en commun d'être socialement dominés et
dont les origines culturelles sont proches, les échanges musicaux se font vraisem
blablement assez rapidement.
La période coloniale
La pénétration coloniale au sud du Sahara, freinée jusque-là par la défense farouche
des Kel-Ahaggar et des Kel-Ajjer, s'amorce à l'issue du combat de Tit qui, en 1902,
constitue la défaite décisive des Touaregs face aux militaires français. Cette occu
pation militaire marque la fin de l'autonomie politique des Kel-Ahaggar même
si les Français semblent laisser en place le pouvoir exécutif anté

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