Mythe du retour et réalité de l entre-deux. La retraite en France, ou au Maroc ? - article ; n°1 ; vol.17, pg 165-176
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Mythe du retour et réalité de l'entre-deux. La retraite en France, ou au Maroc ? - article ; n°1 ; vol.17, pg 165-176

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Description

Revue européenne de migrations internationales - Année 2001 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 165-176
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Fanny Schaeffer
Mythe du retour et réalité de l'entre-deux. La retraite en France,
ou au Maroc ?
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 17 N°1. Émigrés-Immigrés : vieillir ici et là-bas. pp. 165-
176.
Citer ce document / Cite this document :
Schaeffer Fanny. Mythe du retour et réalité de l'entre-deux. La retraite en France, ou au Maroc ?. In: Revue européenne de
migrations internationales. Vol. 17 N°1. Émigrés-Immigrés : vieillir ici et là-bas. pp. 165-176.
doi : 10.3406/remi.2001.1768
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_2001_num_17_1_1768Revue Européenne des Migrations Internationales, 2001 (17) 1 pp. 165-176 165
NOTE DE RECHERCHE
l' entre-deux. Mythe du retour et réalité de
La retraite en France, ou au Maroc ?
Fanny SCHAEFFER
L'image courante des personnes âgées en migration donne à voir des individus
démunis, coupés de leurs attaches familiales, isolés dans les foyers de travailleurs
célibataires qu'ils n'ont jamais pu quitter. Si cette situation est réelle pour nombre de
migrants qui n'ont pu (ou voulu) fonder une famille loin de leur pays d'origine, elle
n'est cependant pas généralisable à l'ensemble des hommes venus travailler en France
dans les années soixante, et qui ont aujourd'hui atteint l'âge de la retraite.
En m'intéressant à la circulation migratoire des Marocains, j'ai pu constater
qu'une grande partie des mouvements de va-et-vient tout au long de l'année entre le
Maroc et les différents pôles d'installation de la population d'origine marocaine était le
fait de personnes à la retraite ou en situation d'invalidité. C'est pourquoi j'ai voulu
rendre compte ici de la vie des retraités qui s'installent dans « l'entre-deux », à la fois
en raison des difficultés d'une réintégration dans la société d'origine et de la force des
liens qui les attachent au pays d'installation, mais également parce qu'ils se sont forgés
une identité multiple tout au long de leur vie en migration.
Pour expliciter les raisons qui poussent les migrants à vivre entre leurs deux
espaces de référence pendant leur retraite, je me fonderai exclusivement sur le travail
de terrain que je mène depuis 1998 (recherche en maîtrise, sur la réinsertion au pays
d'origine et par la suite, pour ma thèse sur la circulation migratoire des Marocains). Je
m'appuierai également sur certaines publications qui rendent compte de cette activité
circulatoire des retraités marocains. Les sur ce sujet restent assez rares
dans l'ensemble des travaux de recherche, tant sur la migration marocaine que sur la
vieillesse des immigrés.
* Doctorante à Migrinter, Allocataire Monitrice à l'Université de Poitiers, MSHS, 99, avenue du
recteur Pineau, 86000 Poitiers, E-mail: fanny.schaeffer@mshs.univ-poitiers.fr. 166 Fanny SCHAEFFER
Dans les sociétés occidentales, la retraite est souvent synonyme de cessation
d'activité, mais pour les migrants marocains, elle représente une nouvelle période où trajectoires spatiale, sociale et identitaire intimement liées vont connaître
un nouveau tournant. Deux dimensions prédominent dans l'explication de cette activité
circulatoire qui succède à l'activité professionnelle. La première réside à la fois dans
les nombreux obstacles d'ordre économique, social, culturel, voire même politique
auxquels se heurtent les candidats au retour définitif au Maroc, et aussi dans le besoin
de maintenir, parfois à tout prix, la forte cohésion familiale qui caractérise leur société
et qui la structure par le biais du patriarcat. En effet, ce lien fort, indéfectible, qui unit
symboliquement les membres d'une même famille ne peut être matérialisé, mis en
œuvre, qu'à travers une proximité spatiale : la cohabitation sous le même toit de
plusieurs générations en est l'expression la plus poussée. Cette cohabitation se fait
pratiquement de manière automatique au sein de la société marocaine — puisque le
livre 4 de la Moudawana (Code du statut personnel et des successions) oblige les
ascendants à assurer la protection et les besoins des descendants jusqu'à leur
indépendance économique (Blanc et Zeidguy, 1986), et que cette même obligation
s'applique aux descendants dès que les ascendants ne peuvent plus subvenir eux-
mêmes à leurs besoins. Mais l'accueil des parents sous le même toit que leurs enfants
ne s'impose pas aussi facilement au sein des familles d'origine marocaine vivant en
France.
En plus des freins liés à l'éclatement de la structure familiale traditionnelle en
pays d'immigration, l'installation de la famille à l'étranger revêt un caractère définitif à
partir du moment où les parents intègrent le foyer d'un de leurs enfants, se plaçant ainsi
en situation de dépendance non seulement vis-à-vis de leur descendance mais
également vis-à-vis du pays d'installation. En effet, en situation migratoire, la décision
de passer le reste de ses jours loin de la terre d'origine revient à renoncer
définitivement au projet de retour, et par là, à faire une croix sur l'élément fondateur du
départ. Or ce renoncement amène à la remise en cause de l'ensemble des choix réalisés
tout au long de leur vie, par les personnes qui sont parties dans le but de rentrer en
ayant « réussi ». C'est donc ce couple départ / retour, animant tout projet migratoire,
qui constitue la seconde dimension explicative de l'activité circulatoire intense
développée par les migrants à la retraite.
On parle aujourd'hui du « mythe du retour » quand on évoque l'installation
familiale des migrants à l'étranger. En effet, il est de plus en plus rare de voir des chefs
de famille rentrer définitivement dans leur pays d'origine, laissant là enfants et petits
enfants non désireux de s'installer au sein d'une société qui, même si elle a fait naître
leurs parents, leur est devenue étrangère. Mais ce n'est pas l'abandon d'un projet, fut-il
collectif, qui fonde à lui seul un mythe. Celui-ci se construit toujours autour d'un
élément fondateur, qui par le récit qui en est fait, devient porteur de sens pour le groupe
jusqu'à devenir un réfèrent identitaire, légitimant ainsi l'organisation sociale au sein de
la collectivité. Roger Brunet (1993 : 341), ira jusqu'à dire du mythe que « c' est un
"instituant métasocial" qui contribue à l'unité, à la cohésion du groupe, de la nation,
par l'entretien d'une "mémoire" même inventée ». Or, il semble bien que l'acte de
retour, ou plus exactement la réintégration définitive au pays d'origine soit aujourd'hui
mythifiée pour faire place, en actes, à un « éternel retour »... retour vers la terre des
ancêtres ou retour au pays des générations futures.
REMI 2001 (17) 1 pp. 165-176 Mythe du retour et réalité de l 'entre-deux. La retraite en France, ou au Maroc ? 167
Nous allons voir en quoi le retour définitif est aujourd'hui devenu prat
iquement irréalisable pour les migrants de longue date et pourquoi, malgré cette
impossibilité de réintégrer à jamais la société d'origine, le projet de retour reste aussi
présent dans les esprits et particulièrement quand il s'agit d'envisager l'avenir pour la
retraite. Nous verrons ensuite que la réponse généralement apportée par les migrants
aux questionnements posés par leur départ en retraite, qui les confronte réellement au
choix du retour ou de l'installation définitive en immigration, est celle de la mobilité,
du va-et-vient, bref d'une installation entre les deux rives de la Méditerranée.
LE RETOUR DÉFINITIF, UN JEU DE ROULETTE RUSSE
Quand l'âge de la retraite arrive, il faut envisager les conditions réelles de la
réinsertion au Maroc. Celle-ci pose différents problèmes qui, peu à peu, sont devenus
pratiquement insurmontables pour les personnes ayant séjourné plus de la moitié de
leur vie à l'étranger et n'ayant pas mis en place toutes les conditions leur permettant
une réintégration réussie au pays d'origine. Rares sont d'ailleurs ceux qui ont eu les
moyens financiers, relationnels et organisationnels pour r

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