Nécessaire mais non suffisante : la sociologie des « effets pervers » de Raymond Boudon - article ; n°6 ; vol.30, pg 1229-1271

Pierre Favre

Description

Revue française de science politique - Année 1980 - Volume 30 - Numéro 6 - Pages 1229-1271
43 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: REVUE_FRANCAISE_DE_SCIENCE_POLITIQUE0
• Publié le: 01 janvier 1980
• Nombre de lectures: 25
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

Monsieur Pierre Favre
Nécessaire mais non suffisante : la sociologie des « effets
pervers » de Raymond Boudon
In: Revue française de science politique, 30e année, n°6, 1980. pp. 1229-1271.
Résumé
comme suffisante, pour l'analyse des faits politiques et sociaux, la sociologie des effets pervers.
Abstract
Raymond Boudon's socjology of " perverse effects "
Pierre Favre
Notably in his book entitled " Effets pervers et ordre social " (Perverse effects and social order), the sociologist Raymond Boudon
proposes to make the perverse effect concept — an unintended and unforeseen effect stemming from the aggregation of
individual behaviours — one of the main tools of sociological analysis. Although certain methodological irrégularites detract from
Boudon's demonstrations, it remains that explaining the mechanism of situation logic is a positive contribution to the
understanding of political phenomena. However, Boudon's refusal to attach any importance to the circumstances in which the
structures of interaction take shape and his similar refusal to take into account the effect of the dispositions of the actors in these
same interaction structures make it impossible to consider the sociology of perverse effects as adequate for analysing political
and social effects.
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Favre Pierre. Nécessaire mais non suffisante : la sociologie des « effets pervers » de Raymond Boudon. In: Revue française de
science politique, 30e année, n°6, 1980. pp. 1229-1271.
doi : 10.3406/rfsp.1980.393934
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1980_num_30_6_393934NECESSAIRE MAIS NON SUFFISANTE
La sociologie des effets pervers
de Raymond Boudon*
PIERRE FAVRE
ir NS une suite articles ou de communications publiés ou présen-
tés entre 1974 et 1977 puis dans le livre qui les reproduit en les
ë- complétant amples Raymond Boudon pro
posé avec éclat une nouvelle voie accès la compréhension des phé
nomènes sociaux la théorie des effets pervers expression fait for
tune elle était imagée souhait trop sans doute elle impliquait
que les effets de composition non prévus et non voulus étaient néces
sairement néfastes mais peut-on rechigner une grande idée est
dite de manière être entendue Le succès de la notion effets per
vers cependant pu dissimuler ce qui sans doute était et reste ambi
tion ultime de Boudon certains sociologues ont immédiatement
Ces notes critiques sur la sociologie des Effets pervers de Boudon sont pour
partie issues un travail commun avec Bernard Lacroix occasion un séminaire de
3e cycle de la Faculté de droit et de science politique de Université de Clermont Je
remercie Lacroix pour ses remarques et ses suggestions lors de la préparation de ce
texte ainsi que pour les exemples de logiques de situation il fournis Selon la
formule consacrée je reste seul responsable de la composition et de argument
Raymond Boudon Effets pervers et ordre social Paris PUF 1977 286 Nous
nous référerons peu ouvrage que Boudon publia année suivante La logique du
social Paris Hachette 1979 224 p.) en dépit de son caractère en apparence plus systé
matique Malgré sa date de parution La logique au social apparaît en effet comme
appartenant un moment antérieur de la réflexion de auteur agit-il de la publication
un cours plus ancien on ne peut manquer observer par exemple que les mots
mêmes effets pervers apparaissent pas ou que étude de la dynamique sociale
demeure fort traditionnelle
1229 Pierre av re
compris2 achever de constituer et ensuite systématiser une des alter
natives sociologiques du moment3 Le péril était grand instituer ainsi
des positions théoriques tranchées où les adversaires pratique
raient mutuellement le tir vue les protagonistes ont pas échappé
et des formules inutilement blessantes ont été employées de part et
autre Ce jeu polémique obscurci le débat il imposait que chacun
choisisse son camp et en tienne là Le recul permet de voir combien
les choses étaient moins simples apport de Boudon investigation
sociologique est certainement décisif mais peut-être pas là où on
dit ni dans le lexique adopté Et surtout cette construction nouvelle
une fois reformulée inscrit sans difficulté dans une problématique
sociologique générale elle complète parfaitement Nécessaire mais
non suffisante telle peut donc apparaître hui la sociologie des
effets pervers
La dimension même du débat peut inquiéter en quoi la science
politique dont le champ paraît autonomisé serait partie prenante
La réponse tient en une phrase il est pas de science politique qui
puisse faire économie une théorie sociologique On entreprendra
pas de le démontrer en doctrine les pages qui suivent apporteront on
le souhaite les éléments pour en juger il agisse de la question de
la dynamique sociale de celle du déterminisme ou du problème du
rôle de individu dans histoire ou formulé autrement celui de la
place de acteur dans les processus sociaux et de la définition du sujet
de analyse sociologique De manière plus immédiate le fait que Bou
don recoure fréquemment des exemples politiques le fait il se
réclame constamment de Rousseau de Tocqueville. ou de Marx le
fait aussi que la sociologie des effets pervers soit grosse une philoso
phie de aporie de action politique homme politique apparaît après
Boudon incapable en logique de prévoir les effets de son action inter
disent au politologue de négliger ouvrage
Après avoir brièvement indiqué les réserves méthodologiques une
analyse interne du livre amène exprimer Les incertitudes de la
démonstration) on attachera montrer en quoi la sociologie des
Cf Fran ois Bourricaud Contre le sociologisme une critique et des proposi
tions Revue fran aise de sociologie 16 supplément 1975 583-603
Il est ainsi caractéristique que dans essai de 1976 écrit en hommage Jean
Piaget Boudon distingue trois paradigmes sociologiques principaux le déterminisme
environnementaliste interactionnisme et le réalisme totalitaire alors il ne
retient plus dans le dernier chapitre Effets pervers et ordre social que opposition
entre paradigmes interactionnistes et paradigmes déterministes cf Boudon Les
limites des schémas déterministes dans explication sociologique in Busoni éd. Les
sciences sociales avec et après Jean Piaget Genève Droz 1976 413-435
1230 La sociologie des Effets pervers
effets pervers apporte une contribution essentielle intelligence du
fonctionnement social et politique La fécondité de interrogation les
logiques de situation) sans dissimuler ensuite que inébranlables pré
supposés rendent illusoires ambition dé Boudon accéder une
sociologie générale Les lacunes de entreprise la méconnaissance des
genèses)
LES INCERTITUDES DE LA MONSTRATION
Effets pervers et ordre social ne cherche pas convaincre en présen
tant un système théorique entièrement développé intégrant une série de
données sociologiquement construites ou en offrant une explication
totalement maîtrisée un phénomène auteur préfère impression
nisme démonstratif il entend gagner la conviction en juxtaposant
comme petites touches des exemples différents il hésite pas
reproduire en plusieurs endroits Il pas là un effet de style
tenant la manière dont auteur veut construire ses textes ou argu
menter ses propos mais le produit une conviction épistémologique4
La meilleure fa on de défendre un paradigme est en présenter des
exemples application nombreux suggérant il un degré de généra
lité suffisant pour mériter de retenir attention 11 Ailleurs
propos Hirschman) Boudon écrit pareillement La variété des
exemples auxquels on peut appliquer certains concepts fondamentaux
montre la portée générale du schéma théorique 51 On pourrait
rétorquer avec Lenine que extrême complexité des phénomènes de la
vie sociale permet toujours de trouver autant exemples ou de données
isolées on voudra appui de importe quelle thèse On sera
plus systématique en montrant que les utilisés ne peuvent
être mis sur le même plan en constatant que malgré la facilité que
auteur se donne de travailler seulement sur des exemples il en vient
les solliciter La démonstration de Boudon demeure donc incertaine
Conviction qui apparaît congruente tant avec la manière dont Boudon définit
les objectifs de epistemologie cf Pour une epistemologie positive in La ense de la
sociologie Genève Droz 1971 1