Nizan : l homme et ses doubles - article ; n°1 ; vol.32, pg 29-48
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Description

Mots - Année 1992 - Volume 32 - Numéro 1 - Pages 29-48
NIZAN : L'HOMME ET SES DOUBLES En analysant le travail de réhabilitation et de canonisation dont Paul Nizan a fait l'objet à partir de 1960, on souhaite mettre à jour les logiques qui peuvent coder l'œuvre collective d'exhumation, faire quelques hypothèses sur les représentations de soi qui sont en jeu et, de là, inférer en quoi l'œuvre de Nizan autorisait ces « lectures ».
NIZAN : THE MAN AND HIS DOUBLES By analysing the works that since 1960 have aimed to rehabilitate and canonize Paul Nizan, our intention is to shed light on the logics that may codify the collective work of exhumation, draw a few hypotheses about the representations of the self involved and from this infer to what extent Nizan' s work endorses these « readings ».
NIZAN : EL HOMBRE Y SUS DOS CARAS Al analizar, a partir de 1960, el trabajo de rehabilitation y de canonization relativo a Paul Nizan, se desea poner al día las lógicas que pueden codificar la obra colectiva de exhumation, hacer hipótesis sobre las representacions de si mismo que están en juego y de ahí inferir en que la obra de Nizan autorizaba esas « lecturas ».
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Bernard Pudal
Nizan : l'homme et ses doubles
In: Mots, septembre 1992, N°32. pp. 29-48.
Abstract
NIZAN : THE MAN AND HIS DOUBLES By analysing the works that since 1960 have aimed to rehabilitate and canonize Paul
Nizan, our intention is to shed light on the logics that may codify the collective work of exhumation, draw a few hypotheses about
the representations of the self involved and from this infer to what extent Nizan' s work endorses these « readings ».
Résumé
NIZAN : L'HOMME ET SES DOUBLES En analysant le travail de réhabilitation et de canonisation dont Paul Nizan a fait l'objet à
partir de 1960, on souhaite mettre à jour les logiques qui peuvent coder l'œuvre collective d'exhumation, faire quelques
hypothèses sur les représentations de soi qui sont en jeu et, de là, inférer en quoi l'œuvre de Nizan autorisait ces « lectures ».
Resumen
NIZAN : EL HOMBRE Y SUS DOS CARAS Al analizar, a partir de 1960, el trabajo de rehabilitation y de canonization relativo a
Paul Nizan, se desea poner al día las lógicas que pueden codificar la obra colectiva de exhumation, hacer hipótesis sobre las
representacions de si mismo que están en juego y de ahí inferir en que la obra de Nizan autorizaba esas « lecturas ».
Citer ce document / Cite this document :
Pudal Bernard. Nizan : l'homme et ses doubles. In: Mots, septembre 1992, N°32. pp. 29-48.
doi : 10.3406/mots.1992.1716
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1992_num_32_1_1716Bernard PUDAL
Université de Picardie
Nizan : l'homme et ses doubles
« Chaque être est divisé entre les
hommes qu'il peut être ».
Paul Nizan, Aden Arabie, p. 99.
La conversion d'Aden : au retour d'Aden (mai 1927), Nizan
s'engage au Parti communiste (fin 1927-début 1928), il se fiance
(mai 1927), se marie le 24 décembre 1927, passe l'agrégation de
philosophie. Il signe désormais Paul Nizan, et non plus Paul- Yves
Nizan. La séduction de l'engagement religieux — un moment
envisagé — , celle de devenir un chef d'industrie — ce qu'on lui
susurrait à Aden — n'ont pas opéré.
La vie du mort
L'obstacle primordial de toute tentative biographique n'est autre
que le réalisme psychologique, cette passion et cette évidence de
l'être de chair, de cette monade dont chaque biographe propose
une cohérence interprétative que l'on pressent à la fois partiell
ement illusoire et implicitement autobiographique. Qu'il y ait eu
un individu qui s'appelât Paul Nizan, c'est vraisemblablement vrai.
Que par une fiction toute magique, biographes et exégètes, se
repassant ce nom comme un mot de passe dans le grand jeu de
l'allocation de la valeur littéraire et humaine, réussissent à le faire
exister, là, si présent, l'arrachant au royaume des morts, telle
n'est pas la moindre des merveilles des jeux de passe symboliques.
29 Mais on ne revient pas du royaume des morts sans devoir payer
tribut aux vivants. Au-delà du réalisme psychologique qui structure
les perspectives, l'interprétation par les vivants de la vie du mort
est un objet de discorde1.
Les désaccords entre biographes, qu'ils portent sur le sens
général du destin du héros — Nizan était-il un révolté proviso
irement communiste ou un révolutionnaire conformiste ? — , qu'ils
concernent le simple (r)établissement des faits — a-t-il ou non
tenté de se suicider ? a-t-il ou non adhéré à l'Action française
ou au Faisceau de Valois ? — , qu'ils touchent l'interprétation de
certaines données — quel était le sens du « dandysme » affiché
par Nizan à l'Ecole normale supérieure ? Est-ce à la suite d'une
altercation avec le proviseur du lycée Henri-IV ou plus simplement
par suite d'un placement dans le lycée dont les succès au concours
d'entrée à l'Ecole normale supérieure étaient supérieurs, qu'il fit,
comme Sartre, son hypokhâgne à Louis-le-Grand ? — , ces ques
tions, comme bien d'autres, et leurs réponses désaccordées n'en
tament pas la perspective réaliste2 mais au contraire en solidifient
le paradigme. C'est ce paradigme qu'il faut affronter.
Par analogie avec ce que suggère la sociologie des textes et de
la lecture, on pourrait dire que la vie d'un individu est comme
un texte au sens inépuisable, mais un texte plus ou moins écrit
et réécrit, surchargé de ratures, ayant laissé une multitude de
traces (mnésiques, entre autres), celles-ci n'étant le plus souvent
que des interprétations partiales et partielles, susceptible d'être
continuellement et différemment re-lu, écheveau sans fin qui s'offre
donc à toutes les lectures possibles. Le cas Nizan, de ce point
de vue, est un cas d'école. Aussi évidemment connu que soit
Nizan, son nom lui-même, par exemple, est encore un enjeu non
fixé. Dans le dernier ouvrage qui lui ait été en grande partie
consacré, Libres mémoires (1989), Henriette Nizan, sa femme,
1. Le cadre théorique dont nous nous inspirons dans cet article est emprunté,
pour l'essentiel, à Pierre Bourdieu. Pour la plus récente formulation de ce cadre
théorique : « Le champ littéraire », Actes de la recherche en sciences sociales, 89,
1991. Cf. aussi, Jean-Claude Chamboredon, « Productions symboliques et formes
sociales. De la sociologie de l'art et de la littérature à la sociologie de la culture »,
Revue française de sociologie, 27, 1986. Je remercie Patrick Lehingue et Dominique
Memmi pour leur lecture critique.
2. S'il est vrai que la science « doit faire subir à la réalité objective immédiate
une longue série de déréalisations, déréalisations prudentes, toujours partielles »
(Gaston Bachelard), on admettra que le programme ici projeté soit lui-même
nécessairement encore pris dans les effets de fascination réaliste. Il tente simplement
d'en connaître et reconnaître la prégnance.
30 répugne à employer le nom sous lequel il fut longtemps connu,
celui avec lequel il signait ses œuvres, celui de Paul Nizan.
Appelé soit Nizan, soit Paul- Yves Nizan, il est dépossédé tout au
long du livre du prénom qu'il s'était donné, précisément au retour
d'Aden. Ce simple fait, apparemment secondaire, suffit à justifier
notre parti pris de méthode : comprendre la trajectoire de Nizan,
c'est d'abord s'interroger sur le travail collectif de réhabilitation
et de canonisation dont il a fait l'objet, suggérer certaines des
logiques qui peuvent coder les déformations réglées qui régissent
l'œuvre collective d'exhumation, risquer ensuite quelques hypo
thèses fondées sur l'objectivation des représentations de soi1 qui
ont pris prétexte de l'existence d'un autre et, de là, inférer en
quoi le texte autorisait ces lectures. C'est à la condition de
procéder, ne serait-ce que grossièrement, à tous ces détours qu'il
sera alors possible de donner « un » sens à ces seconds baptêmes.
Cette courte étude ne prétend nullement à un autre statut que
programmatique. On voudra bien la considérer comme une étape
qui s'autorise certes de recherches déjà réalisées, mais qui pourra
être largement dépassée au terme de l'enquête.
La pente de la réhabilitation
Nizan est l'un des intellectuels français contemporains qui a
suscité le plus de biographies. Cet engouement semble assez
nettement circonscrit, chronologiquement. Le volume 3 de L'his
toire de la littérature française (1958) que dirige Raymond Queneau
ne le mentionne pas, tandis que Bernard-Henri Levy, dans les
Aventures de la liberté (1991) n'en traite plus qu'incidemment. Or,
de 1960 aux années 1980, son œuvre pamphlétaire, son œuvre
romanesque et une bonne partie de son œuvre critique et
journalistique ont été republiées. Auteur fétiche des éditions
Maspero dans les années 1960, intellectuel dont la carrière est
minutieusement scrutée dans les années 1970-1980 (trois livres sur
Nizan paraîtront la même année, 1980), l'intérêt pour Nizan
s'estompe aujourd'hui au point qu'il est sans doute nécessaire de
1. Sur les représentations de soi inconsciemment en jeu qu'on peut appeler
« mensonge à soi » ou « mauvaise foi », cf. Peter Berger, Comprendre la sociologie

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