Ouverture et rassemblement. Deux mots-slogans en 1988 - article ; n°1 ; vol.22, pg 5-19

Henri Boyer

Description

Mots - Année 1990 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 5-19
OUVERTURE ET RASSEMBLEMENT, DEUX MOTS-SLOGANS EN 1988 L'aventure politico-médiatique d'ouverture et de rassemblement, durant une bonne partie de l'année 1988, s'opère selon deux axes : l'un qui tente de confronter fonctionnements linguistiques (socio-pragmatiques) et péripéties politiques (riches du point de vue électoral), l'autre qui vise à apprécier les enjeux de la circulation des deux « mots-slogans » dans sa dimension polyphonique et donc polémique.
OUVERTURE AND RASSEMBLEMENT, TWO WORD-SLOGANS IN 1988 We would like to understand the politico-mediatic adventure of openness and rallying (ouverture and rassemblement) during the major part of 1988, on two main lines : the first attempts to confront linguistic functionning (sociopragmatic) and political turns of events (electorally valuable) ; the other seeks to appreciate the stakes at play in the circulation of these two « word-slogans » in their polyphonic and thus polemic dimensions.
OUVERTURE Y RASSEMBLEMENT, DOS PALABRAS-LEMAS EN 1988 Se quiere dar parte, en esta contribución, de la aventura politico-mediática de apertura y de reunion que tuvo lugar durante la mayor parte del aňo 1988, según dos ejes : uno que intenta confrontar los funcionamientos linguísticos (socio-pragmáticos) con las peripecias politicas (muy interesantes desde un punto de vista electoral) ; otro que prétende apreciar las apuestas de la evolución de dos palabras-lemas en su dimension polifónica por consiguiente polémica.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: MOTS
• Publié le: 01 janvier 1990
• Nombre de lectures: 40
• Langue: Français
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Extrait

Henri Boyer
Ouverture et rassemblement. Deux mots-slogans en 1988
In: Mots, mars 1990, N°22. pp. 5-19.
Abstract
OUVERTURE AND RASSEMBLEMENT, TWO WORD-SLOGANS IN 1988 We would like to understand the politico-mediatic
adventure of openness and rallying (ouverture and rassemblement) during the major part of 1988, on two main lines : the first
attempts to confront linguistic functionning (sociopragmatic) and political turns of events (electorally valuable) ; the other seeks to
appreciate the stakes at play in the circulation of these two « word-slogans » in their polyphonic and thus polemic dimensions.
Résumé
OUVERTURE ET RASSEMBLEMENT, DEUX MOTS-SLOGANS EN 1988 L'aventure politico-médiatique d'ouverture et de
rassemblement, durant une bonne partie de l'année 1988, s'opère selon deux axes : l'un qui tente de confronter fonctionnements
linguistiques (socio-pragmatiques) et péripéties politiques (riches du point de vue électoral), l'autre qui vise à apprécier les enjeux
de la circulation des deux « mots-slogans » dans sa dimension polyphonique et donc polémique.
Resumen
OUVERTURE Y RASSEMBLEMENT, DOS PALABRAS-LEMAS EN 1988 Se quiere dar parte, en esta contribución, de la
aventura politico-mediática de apertura y de reunion que tuvo lugar durante la mayor parte del aňo 1988, según dos ejes : uno
que intenta confrontar los funcionamientos linguísticos (socio-pragmáticos) con las peripecias politicas (muy interesantes desde
un punto de vista electoral) ; otro que prétende apreciar las apuestas de la evolución de dos palabras-lemas en su dimension
polifónica por consiguiente polémica.
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Boyer Henri. Ouverture et rassemblement. Deux mots-slogans en 1988. In: Mots, mars 1990, N°22. pp. 5-19.
doi : 10.3406/mots.1990.1569
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1990_num_22_1_1569Henri BOYER
Université de Montpellier III
Ouverture et rassemblement
Deux mots-slogans en 1988
La chose est entendue : la politique-spectacle et rinformation-
spectacle conjuguent admirablement leurs efforts pour privilégier
« l'effet choc » ' et mettre en circulation (et en scène) dans les
discours sociaux médiatisés un certain nombre de « totems »,
d'« oriflammes verbaux » 2, avec ou sans « les pincettes typogra
phiques des guillemets » "* lorsqu'il s'agit de discours écrit. Ces
mots-slogans, qui sont le plus souvent issus du langage courant
mais qu'un processus médiatique de « focalisation » 4 hisse pour
un temps en très haute fréquence dans le vocabulaire politique,
interpellent le linguiste en des termes qui ne sont pas seulement
de l'ordre de la signification. Dans la reconnaissance de ces signes
« vedettes », il est aidé par le discours politique et le discours
journalistique eux-mêmes, qui produisent à leur sujet d'abondantes
gloses.
Les deux univers de discours, non sans quelque décalage parfois,
il est vrai, sont conjointement impliqués dans ce phénomène de
focalisation (en en discutant parfois la pertinence). Cependant,
l'initiative revient aux hommes politiques, pas n'importe lesquels
bien entendu, mais essentiellement aux « ténors » (en nombre
1. C. Julien, «Sang et spectacle», «La communication victime des mar
chands », Le Monde diplomatique, « Manière de voir », 3, novembre 1988, p. 56.
2. F. Landon, « Les mots du septennat », L'Evénement du jeudi, 184, 12-18
mai 1988.
3. P. Beaud, La société de connivence, Paris, Aubier — Montaigne, 1984,
p. 298.
4. H. Boyer, « La focalisation lexico-pragmatique dans le discours politique. A
propos de " modernisation " », Lengas, 22, 1987, et « " La rigueur pour moderniser
la France ! "... " dans la solidarité ". Contribution socio-pragmatique à l'étude des
mots-slogans du septennat (1981-1988) », Mots, 17, octobre 1988. limité), même si les « lieutenants » ont une importante forcément
fonction d'écho, parfois même d'exégèse et/ou de développement.
L'aventure des mots ouverture (et ouvert, ouvrir, également) et
rassemblement (de même que rassembler et rassembleur) durant
une bonne partie de l'année 1988 est à cet égard riche d'ense
ignements. Certes, la période était propice à la spectacularisation
du politique : deux élections-clés de notre système institutionnel,
l'élection présidentielle (24 avril et 8 mai) et les législatives (5 et
12 juin) ne pouvaient pas ne pas susciter un déferlement de
discours liés à diverses stratégies de conquête ou de reconquête
du pouvoir et donc, avant tout, de l'électorat '. On verra
qu'ouverture (politique) et rassemblement ont des cheminements
complémentaires parfois associés, parfois opposés, même si c'est
ouverture qui semble mener la danse.
Deux dessins d'humoristes, journalistes qui donnent plus volont
iers libre cours à l'impertinence que leurs confrères, mettent bien
en évidence la mise en scène des deux mots. L'un est de Plantu
et accompagne l'annonce par Le Monde de la mort d'E. Faure
(survenue le 30 mars) : on y voit E. Faure fumant sa pipe sur
un nuage en compagnie de P. Mendès France et du général de
Gaulle, tandis que F. Mitterrand, R. Barre, J. Chirac et
G. Marchais prononcent, sur terre, l'éloge funèbre du défunt.
Plantu fait dire au Général, s'adressant à E. Faure : « Tu vas
voir ! Ils vont tous dire que tu étais un rassembleur ». Le second,
de Pessin, a paru également dans Le Monde à la suite du premier
tour des élections législatives, marquées par un pourcentage record
d'abstentions (34,25 %) pour ce type d'élections : il s'agit d'un
pêcheur, la canne sur l'épaule, qui se frappe le front en
s'exclamant : « J'avais compris ouverture de la pêche à la ligne ! ».
Deux désignations donc parfaitement « spectaculaires », plaisantes
mais critiques, de deux usages lexicaux inconsidérés durant la
période en question.
On trouve bien entendu d'autres témoignages d'une même
attitude (de lucidité, pour le moins). Ainsi, R. Barre parle
Couverture comme d'un mot « qui agite les passions microcos
miques et donne des vapeurs aux médias»2 ; M. Pelletier ouvre
en ces termes un « Point de vue » au Monde : « Rassemblement,
ouverture : deux mots clés du temps politique, dont il ne faudrait
1. Voir par exemple R. Nahmias, « Les mots de l'été et les maux de
l'automne », Le français dans le monde. 221, novembre-décembre 1988.
2. Cité par D. Carton Le Monde du 3 septembre 1988. oublier ni le sens ni la portée » '. Bien sûr, la mise en évidence
est rarement exempte de polémique et relève même souvent de
l'accusation, comme le montre ce jugement ďA. Juppé, pour qui
« tout le beau discours de F. Mitterrand sur le rassemblement
apparaît aujourd'hui pour ce qu'il était : un attrappe-nigaud pré
électoral » 2.
Les journalistes ont bien entendu une vocation toute particulière
à observer et à mesurer les emballements du vocabulaire politique
auxquels du reste ils contribuent largement. Parfois, ils ne s'en
privent pas. Ainsi J.-L. Andréani, rendant compte d'un meeting
de F. Mitterrand à Portet-sur-Garonne, évoque non sans ironie
l'emploi obligé Couverture et de rassemblement : « Le Sud-Ouest,
lui aussi, avalera sa louche de potion d"k ouverture " politique et
de " rassemblement ", pimentée d'ancrage à gauche »\ D. Vernet,
quant à lui, commente en des termes tout aussi ironiques le
même phénomène, à propos Couverture :
« Le mot est devenu l'alpha et l'oméga de toute la politique française,
le passage obligé de toute stratégie, et gare à celui qui refuserait de
lui payer tribut sous sa forme élargie, rénovée, sincère, durable,
cohérente, honnête ou, pourquoi pas, joyeuse. Nul ne sait exactement
ce qui se profile derrière, mais, hors de l'ouverture, point de salut
politique »\
Et il est vrai que le recours à ce « mot emblématique » 5 —
associé ou non à rassemblement — transcende quelque peu les
clivages politiques : F. Mitterrand n'est pas le seul à vouloir
rassembler et ouvrir. J. Chirac, son principal adversaire, proclamait
à Nancy, avant le deuxième tour de l'élection présidentiell