Perrine Dugué, la « sainte aux ailes tricolores » - article ; n°1 ; vol.253, pg 454-465
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Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1983 - Volume 253 - Numéro 1 - Pages 454-465
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madeleine-Anna Charmelot
Perrine Dugué, la « sainte aux ailes tricolores »
In: Annales historiques de la Révolution française. N°253, 1983. pp. 454-465.
Citer ce document / Cite this document :
Charmelot Madeleine-Anna. Perrine Dugué, la « sainte aux ailes tricolores ». In: Annales historiques de la Révolution française.
N°253, 1983. pp. 454-465.
doi : 10.3406/ahrf.1983.1063
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1983_num_253_1_1063PERRINE DUGUE,
LA « SAINTE AUX AILES TRICOLORES »
Avant d'évoquer Perrine Dugué, il convient de rappeler brièvement ce que fut
l'origine de la chouannerie contre laquelle la « sainte » lutta dans la région située entre
les rivières de la Sarthe et de la Mayenne.
Au milieu du XVIIIe siècle, la famille de Pierre Cottereau dit « le grand chouan »
(prononciation locale : « chouin ») régnait dans la forêt de Misedon, à la lisière de la
Bretagne. Son surnom dû au cri du chat-huant servait de cri de ralliement aux faux-
sauniers de la région ; il avait été étendu beaucoup plus loin (1).
La contrebande du sel était, on le sait, très pratiquée à la frontière du Maine et de
la Bretagne. Il valait en Bretagne 2 livres le minot (39 1,36) ; dans le Maine, « il se
payait (à la Ferme Générale) 58 livres, 19 sous ».
La répression contre les chouans qui le revendaient environ 15 à 30 livres selon les
clients était puissante et impitoyable. La prison des Estres (des Etres, terme de mépris),
à Craon, était le « tombeau des mendiants et des faux-sauniers », trop nombreux pour
être jugés. On y ajoutait les enfants errants. La répression du faux-saunier est terrible.
De 1639 à 1723, de 1740 à 1790, on compte une centaine de victimes (dans cette prison
seulement).
Parmi les 91 individus morts sur la paille au fond des cachots des Estres, il y eut
5 jeunes gens de 12 à 20 ans, 3 femmes, (...) 19 hommes de 50 à 72 ans, 28 de 21 à
49 ans, presque tous originaires de Cossé-le-Vivien, Astillé, Château-Gontier,
Quelaines.
Encore ne s'agissait-il là que de suspects de complicité, car les chouans (ce nom est
adopté finalement par le pouvoir central royal puis républicain) pris en flagrant délit
de transport ou de combat meurtrier contre les gabelous étaient pendus ou envoyés aux
galères (2). La Révolution naissante donna de grands espoirs, vite déçus, surtout
quand, en 1790, la gabelle fut supprimée. Du jour au lendemain, chouans et gabelous
en chômage se réconcilièrent, cherchèrent de concert d'autres moyens d'existence, ces
moyens étant d'abord le vol pur et simple.
Les fils Cottereau, leurs deux sœurs, (le père était mort en 1777) et même leur
mère qui n'hésitait pas à sortir de la closerie des Poiriers, près de Saint-Ouen-des-toits,
(1) Jean Morvan, Les Chouans de la Mayenne, Paris, 1900. Il faut relever une erreur de Mathiez qui confond
les Cottereau de St-Ouen-les-Toits, pères de la chouannerie et les Coquereau de Daon (La réaction thermidorienne,
chap. 6).
(2) François Cottereau, 19 ans, condamné à mort le 8 janvier 1781 pour avoir tué le gabelou Jégu, Jean
Cottereau, déserteur, faux-saunier, emprisonné à Rennes par lettre de cachet, furent tous deux tirés d'affaire non
par Louis XVI, comme le prétend la légende, mais par leurs seigneurs les princes de Talmond auxquels ils furent dès
lors entièrement dévoués. (A. D. Mayenne, B 1157). DUGUÉ, LA « SAINTE AUX AILES TRICOLORES » 455 PERRINE
pour rosser ses voisines qu'elle accusait de délation, furent pris en main par La
Rouerie et devinrent rapidement, en compagnie d'ex-gabelous et d'ex-domestiques de
nobles, passeurs rétribués de prêtres et d'émigrés. Quand les premiers prêtres
assermentés se présentèrent dans les cures, en 1790, puis quand les levées de 1792
commencèrent, les frères Cottereau s'opposèrent violemment, et apparemment avant
tout dans la région, aux installations, réquisitions et enrôlements. Des troubles sérieux
se produisirent d'abord à Saint-Ouen-des-Toits le 10 décembre 1791 contre
l'assermenté Pottier, puis, le 15 août 1792, contre le bureau d'enrôlement installé dans
l'église que Jean Chouan et sa bande investirent au cri de : « Que les acheteux de biens
partent d'abord ! » (3). La chouannerie politique était née ; elle s'étendit rapidement à
toute la province bientôt plongée dans la guerre civile d'Ernée au Mans.
Les administrateurs de la Mayenne écrivirent le 1 1 fructidor an III en faisant le
rapprochement entre les faux-sauniers, rebelles économiques, et les Chouans, rebelles
politiques :
« II faut en revenir au plan simple que les fermiers généraux avaient imaginé pour
détruire le faux-saunage et que le Général Kléber avait remis en activité pendant le peu
de temps qu'il a commandé dans ce canton (...) Un général qui lirait ces lignes se
croirait humilié de faire la guerre à la façon des ci-devant gabeleurs mais l' amour-
propre du militaire doit céder à l'amour du bien public » (4).
J'ai retrouvé justement dans un « livre d'ordres » de Kléber la proposition
d'établir « un corps de garde et observatoire dans la chapelle du petit village d'Iné (II
s'agit d'Izé, au nord-est de Sainte-Suzanne) près du pont » (5).
Les villes, cependant, de nombreux bourgs, mais aussi des villages où dominait
une forte personnalité voyant et sachant montrer l'intérêt de la suppression des
privilèges et de la féodalité, formaient des îlots bleus au milieu de cette mer blanche.
Ainsi Blandouet (entre Thorigné et Sainte-Suzanne, près de l'endroit où Perrine sera
tuée), dont le curé constitutionnel, d'origine bretonne, s'engagea dans les armées
républicaines. « La plaine de Fleurus le vit couvert de blessures » (6).
Sainte-Suzanne elle-même est « l'une des premières de la Mayenne à proclamer le
culte de la Raison ». — « Le 2 avril 1792, les habitants de Sainte-Suzanne marchent au
secours d'Evron (nord-ouest) assiégé par (1 000) brigands » (7). Toute cette région est
celle des Dugué.
Les bandes rivalisaient de férocité à l'exception de celle de Jean-Louis Tréton (dit
Jambe-d'Argent en raison de la plaque de fer blanc protégeant sa jambe infirme). Il
lisait et écrivait lisiblement bien que phonétiquement. Il empêchait le plus possible les
massacres ou les punissait sévèrement. Surnommé par les bleus « le brave des
braves », il disait de ceux-ci : « Ce sont des pauvres comme nous ». Certains chouans
le surnommaient « le républicain blanc ». A sa mort, le 26 octobre 1795, sa bande
cessa presque totalement de chouanner ; une faible partie alla chez René Cottereau-
Chouan, survivant de la tribu, et chez les Coquereau de Daon.
(3) Renseignements communiqués par M. de Villartay qui me remit un fac-similé d'une pièce disparue des
archives de la Mayenne et qui figurait dans Chouans et contrechouans de E. Laurain (Laval, 1925) ; cet ouvrage
manque à la Bibliothèque Nationale et ce qui restait de son édition a disparu avec la librairie Goupil lors des
bombardements de 1944. Cette pièce est le premier document dans lequel paraît le surnom de « choin » donné à
« Choin Cotereau garson domestique » (15 août 1792).
(4) Archives de la Guerre [par la suite A. G.], B. 5/55.
(5) A.G., B. 5/89.
(6) Archives municipales de Sainte-Suzanne.
(7) Robert Triger, Sainte Suzanne, Mamers et Le Mans, 1907. 456 M. A. CHARMELOT
II faut remarquer que les professions et l'origine sociale des seuls vrais chouans,
ceux du Maine, sont bien différentes de celles des prétendus chouans du Morbihan,
fief de Cadoudal, dont j'ai relevé 64 noms. On trouve 23 nobles, un archiviste, un
boucher, un agent national, 38 prêtres. Ainsi, dans le Maine, il s'agissait bien surtout,
comme le faisait remarquer Jambe-d'Argent lui-même, d'un combat de pauvres jetés
par les riches contre d'autres pauvres.
Perrine DUGUÉ allant à la foire de Sainte-Suzanne
(d'après dessin du XIXe siècle) DUGUÉ, LA « SAINTE AUX AILES TRICOLORES » 457 PERRINE
Arrivant en Charnie, on rencontre aussitôt la famille Dugué dont tous les
membres, bien que sans grandes ressources également, sont fermement

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