Peut-on écrire une histoire du parti bolchevik ? - article ; n°4 ; vol.4, pg 436-449
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1963 - Volume 4 - Numéro 4 - Pages 436-449
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

P. Sorlin
Peut-on écrire une histoire du parti bolchevik ?
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 4 N°4. Octobre-décembre 1963. pp. 436-449.
Citer ce document / Cite this document :
Sorlin P. Peut-on écrire une histoire du parti bolchevik ?. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 4 N°4. Octobre-
décembre 1963. pp. 436-449.
doi : 10.3406/cmr.1963.1563
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1963_num_4_4_1563CHRONIQUES
PEUT-ON ÉCRIRE UNE HISTOIRE
DU PARTI BOLCHEVIK?
Le « dégel » soviétique permettra-t-il d'entreprendre enfin une
histoire sérieuse et complète du parti communiste russe ? Depuis trois
ans, un progrès certain a été enregistré ; il est permis de dire que les
Bolcheviks constituaient une minorité insignifiante dans la Russie
de janvier 1917, ou bien que Staline était, jusqu'à la conférence d'avril,
un partisan résolu de la poursuite de la guerre, sans craindre de
démenti. Des réhabilitations récentes, et au premier rang celle de
Čičerin, ont été l'occasion d'exhumer des documents oubliés ; chaque
mois, un anniversaire ou un événement mineur permet à la presse
soviétique de remettre en lumière tel fait mal connu, de redresser telle
perspective longtemps faussée1. Un article récent nous promet beau
coup plus puisqu'il s'intitule : « L'étude de l'histoire de la Révolution
d'octobre après le XXe Congrès du P.C. de l'Union Soviétique »2.
Les historiens soviétiques vont-ils eux-mêmes réfuter les légendes
entretenues depuis une vingtaine d'années ?
La lecture de quelques travaux qui nous sont parvenus d'U.R.S.S.
montre que nous en sommes seulement au stade des promesses. Voici
une petite histoire du parti publiée en i9603. Par son format, par sa
présentation, еДе semble destinée au grand public ; il s'agit d'indiquer
quelques grandes lignes, non de s'arrêter aux détails. Mais la formule
adoptée surprend ; au heu d'écrire une histoire continue, on a chargé
plusieurs personnes de rédiger des chapitres séparés ; on ne leur a fixé
qu'une directive : s'inspirer des résolutions du XXIIe Congrès. Les
pauvres auteurs, inquiets de ce que diraient leurs prédécesseurs et
leurs successeurs, incertains de la voie à suivre, ont choisi une solution
de facilité : ils ont voulu identifier parti communiste et essor écono-
1. C'est ainsi que la Pravda du 15 janvier 1962, en publiant la biographie
d'un militant obscur, Skrypin, a donné des détails curieux sur l'attitude des
Bolcheviks à la première conférence panrusse des soviets, en mars 1917 ; on ne
disposait jusque-là, à ce sujet, que des révélations faites par Trotski en 1932.
2. V. G. Rusljakova, « Razrabotka istorii Oktjabr'skoj revoljucii posle
XX s"ezda K.P.S.S. », Voprosy Istorii, i960, n° 5, pp. 85-102.
3. Istorija K.P.S.S., Izdatel'stvo Leningradskogo Universiteta, i960, 160 p. HISTOIRE DU PARTI BOLCHEVIK 437
mique. La vie du parti sous l'ancien régime, la révolution sont réduites
à peu de choses ; l'U.R.S.S. ne paraît prendre vie qu'avec les plans
quinquennaux ; comme les années 1921-1927 constituent une période
de redressement très lent, sinon de stagnation, on ne leur accorde
qu'une brève mention (pp. 24-25). Les pages consacrées aux années
qui ont suivi la seconde guerre mondiale sont particulièrement
curieuses : le parti vole de succès en succès, puisqu'iï gagne le concours
des pays d'Europe orientale ; le développement des démocraties popul
aires est mis au compte des réalisations soviétiques et la remarquable
croissance industrielle du monde communiste suffit pour montrer qu'il
n'existe pas de problèmes au-delà de l'Oder (pp. 43-44). L'ouvrage
n'est pas forcément inutile ; il contient par exemple des données inté
ressantes sur l'évolution du niveau d'instruction depuis la guerre, sur
les problèmes de la santé dans l'ensemble de la Fédération (cf. pp. 133-
138). Pourtant les historiens soviétiques semblent incapables de se
défaire de certaines habitudes imposées à l'époque stalinienne ; ils ont
du mal, en particulier, à établir des statistiques en chiffres et non en
pourcentages. Depuis le discours de Khrouchtchev au plenum du
comité central du P.C., le 15 décembre 1958, on sait que toutes les
statistiques données à partir de 1952 tenaient compte uniquement de
la récolte évaluée sur pied, et ne correspondaient pas aux quantités
engrangées ; pour 1952 seulement, l'erreur atteignait plus de deux
millions de puds. L'exemple venant de haut, on s'attendrait à lire
enfin des chiffres précis, mais les écrivains soviétiques semblent pris
de crainte dès que le rendement d'une année paraît inférieur à celui
de l'année précédente.
Un autre point appelle encore des réserves : c'est celui qui touche
aux personnalités en vue. On comprend encore que les révélations
sur octobre à la lumière du XXe Congrès, promises par V. G. Ruslja-
kova se bornent à montrer que dès les thèses d'avril on pressentait
une évolution de la politique agraire présageant la ligne suivie depuis
1956 ; ce genre de propagande indirecte est encore supportable. On est
bien plus désagréablement surpris en constatant que dans Ylstorija
K.P.S.S. le nom de Staline apparaît une seule fois, au bas de la page 23,
comme s'il s'agissait d'un militant de troisième ordre cité pour mémoire.
Les citations de Staline ont disparu du bas des pages, mais elles sont
remplacées par celles de Khrouchtchev, ce qui ne constitue peut-être
pas une régression, mais n'est certainement pas un progrès.
A l'heure actuelle, les Soviétiques sont encore hors d'état de parler
sereinement de tout ce qui touche à Staline. Les confidences auxquelles
les historiens soviétiques se prêtent plus facilement aujourd'hui per
mettent de comprendre cette incapacité. Pour les plus vieux, ceux qui
se sont formés entre les deux guerres, Staline demeure le symbole de
la grande victoire sur l'Allemagne ; même s'ils ne conservent aucune
illusion sur les méthodes policières ou sur les camps de concentration,
ils s'en voudraient de contribuer à discréditer un homme qui garde
à leurs yeux une réelle grandeur. Quant aux plus jeunes, ils n'observent
trop souvent aucune mesure ; ils voudraient bannir jusqu'au souvenir 438 P. SORLIN
du « tyran », et, dans ces conditions, on ne doit pas attendre d'eux un
effort d'objectivité.
S'il y a peu à espérer en ce moment des Soviétiques, doit-on
compter que leurs adversaires montreront plus de justice ? L'étude
de N. Rutych sur Le parti communiste au pouvoir1 prouve que
l'anticommunisme primaire recrute encore une clientèle importante.
Il serait d'ailleurs inutile de parler de cet ouvrage s'il n'était préfacé
par un bon connaisseur des problèmes soviétiques, Michel Grader, et
s'il ne prouvait de la part de son auteur une connaissance sérieuse des
sources officielles russes.
Les opinions de N. Rutych ne sont pas en cause ici ; il a le droit
de détester les bolcheviks, mais il n'a pas le droit de dire des choses
manifestement fausses ou de déformer les faits. Dès la deuxième page,
nous apprenons que la moitié au moins des paysans étaient parfait
ement heureux dans l'empire des tsars ; la réforme de 1906 leur avait
donné des terres à satiété et ils ne demandaient qu'à vivre en paix.
La révolution serait donc incompréhensible ? Elle ne s'explique que
trop facilement par l'action des affreux agitateurs ; comprenant qu'un
pouvoir démocratique et sagement réformateur allait s'installer, qu'ils
n'auraient plus rien à attendre pour eux-mêmes, ils mirent la Russie
à feu et à sang.
L'explication est si grossière qu'elle ne trompera que ceux qui sont
prêts à se laisser convaincre. Mais il y a plus sérieux. M. Rutych qui
n'est certainement pas un ignorant maquille les événements suivant
les besoins de sa thèse. Son neuvième chapitre traite de la question
agraire en 1917-1918 ; on n'y trouve aucune date, aucun fait précis.
Des mesures furent prises en 1917. Lesquelles ? On l'ignore, on sait
seulement qu'elles furent mauv

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