Ennéade III, livre II
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Œuvres de PlotinTome second - EnnéadesTraduction française de Marie-Nicolas BouilletLIVRE DEUXIÈME.DE LA PROVIDENCE[1].PREMIÈRE PARTIE.[2]1. Rapporter au hasard et à la fortune (τῷ αὐτομάτῳ καὶ τῇ τύχῃ) l'existence et la constitution de l'univers , c'est commettre uneabsurdité et parler en homme dépourvu de sens et d'intelligence : cela est évident même sans démonstration, et d'ailleurs nous[3]l'avons déjà dans plusieurs passages pleinement démontré par de solides raisons . Mis [si le monde ne doit pas son existence etsapage 20constitution au hasard] comment toutes choses arrivent elles et comment tous les êtres ont-ils été faits? C'est là une question qui[4]mérite un examen approfondi. En effet, comme il y a des choses qui semblent mauvaises , elles donnent lieu d'élever des doutessur la Providence universelle : il en résulte que quelques-uns disent qu'il n'y a pas de Providence, et d'autres, que le Démiurge est[5]mauvais . Aussi croyons-nous qu'il est bon de traiter complètement cette question en remontant aux principes.Laissons de côté cette Providence particulière (πρόνοια ἐφ' ἑκάστῳ), qui consiste à délibérer avant d'agir, à examiner s'il faut faireune chose ou ne pas la faire, la donner ou ne pas la donner. Supposons admise l'existence de la Providence universelle (πρόνοια τοῦπαντός), et de ce principe déduisons les conséquences.Si nous pensions que le monde eût commencé d'être, qu'il n'eût pas existé de tout temps, nous reconnaîtrions une ...

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Extrait

Œuvres de Plotin
Tome second - Ennéades
Traduction française de Marie-Nicolas Bouillet
LIVRE DEUXIÈME.
DE LA PROVIDENCE[1].
PREMIÈRE PARTIE.
[2]
1. Rapporter au hasard et à la fortune (τῷ αὐτομάτῳ καὶ τῇ τύχῃ) l'existence et la constitution de l'univers , c'est commettre une
absurdité et parler en homme dépourvu de sens et d'intelligence : cela est évident même sans démonstration, et d'ailleurs nous
[3]
l'avons déjà dans plusieurs passages pleinement démontré par de solides raisons . Mis [si le monde ne doit pas son existence et
sa
page 20
constitution au hasard] comment toutes choses arrivent elles et comment tous les êtres ont-ils été faits? C'est là une question qui
[4]
mérite un examen approfondi. En effet, comme il y a des choses qui semblent mauvaises , elles donnent lieu d'élever des doutes
sur la Providence universelle : il en résulte que quelques-uns disent qu'il n'y a pas de Providence, et d'autres, que le Démiurge est
[5]
mauvais . Aussi croyons-nous qu'il est bon de traiter complètement cette question en remontant aux principes.
Laissons de côté cette Providence particulière (πρόνοια ἐφ' ἑκάστῳ), qui consiste à délibérer avant d'agir, à examiner s'il faut faire
une chose ou ne pas la faire, la donner ou ne pas la donner. Supposons admise l'existence de la Providence universelle (πρόνοια τοῦ
παντός), et de ce principe déduisons les conséquences.
Si nous pensions que le monde eût commencé d'être, qu'il n'eût pas existé de tout temps, nous reconnaîtrions une Providence
particulière (πρόνοια ἐπὶ τοῖς κατὰ μέρος), comme nous le disions tout à l'heure, c'est-à-dire nous re-
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connaîtrions en Dieu une espèce de prévision et de raisonnement [semblables à la prévision et au raisonnement de l'artiste qui, avant
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d'exécuter une oeuvre, délibère sur chacune des parties qui la composent ], et nous supposerions que cette prévision et ce
raisonnement étaient nécessaires pour déterminer comment l'univers pouvait être fait et à quelles conditions il devait être le meilleur
possible. Mais, comme nous disons que le monde n'a pas commencé d'être et qu'il existe de tout temps[7], nous pouvons affirmer,
d'accord avec la raison et avec notre croyance [à l'éternité du monde], que la Providence universelle consiste en ce que l'univers est
conforme à l'Intelligence et que l'Intelligence est antérieure à l'univers (τὸ κατὰ νοῦν εἶναι τὸ πᾶν καὶ νοῦν πρὸ αὐτοῦ εἶναι)[8], non dans
le temps (car l'existence de l'Intelligence n'a pas précédé celle du monde), mais [dans l'ordre des choses], parce que l'Intelligence
précède par sa nature le monde qui procède d'elle, dont elle est la cause, l'archétype et le paradigme (αἴτιος, ἀρχέτυπον,
[9] [10]
παράδειγμα) et qu'elle fait toujours subsister de la même manière .
Or voici de quelle manière l'Intelligence fait toujours subsister le monde :
L'Intelligence pure et l'Être en soi constituent le monde véritable et premier [le monde intelligible], qui n'a pas
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d'extension, qui n'est affaibli par aucune division, qui n'a aucun défaut, même dans ses parties (car nulle partie n'y est séparée de
l'ensemble) . Ce monde est la vie universelle et l'Intelligence universelle ; il est l'unité à la fois vivante et intelligente : car la partie y
reproduit le tout, et il règne dans l'ensemble une harmonie parfaite parce qu'aucune chose n'y est séparée, indépendante et isolée
des autres ; aussi, y eût-il opposition, il n'y aurait pas de lutte. Étant partout un et parfait, le monde intelligible est permanent et
immuable : car là il n'y a pas action d'un contraire sur un contraire. Comment une telle action pourrait-elle avoir lieu dans ce monde
puisque rien n'y manque ? Pourquoi la Raison y produirait-elle une autre Raison, et l'Intelligence une autre Intelligence[11] ? Est-ce
parce qu'elle serait capable de produire? Alors, avant de produire, elle n'eût pas été dans un état parfait ; elle produirait et elle
entrerait en mouvement, parce qu'elle aurait en elle quelque chose d'inférieur[12]. Mais il suffit aux êtres bienheureux de rester en eux-
mêmes et de persister dans leur essence. Une action multiple compromet celui qui agit en le forçant à sortir de lui-même. Telle est la
condition bienheureuse du monde intelligible qu'en ne faisant rien il fait de grandes choses, et qu'en restant en lui-même il produit des
[13]
oeuvres importantes .
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II. C'est de ce monde véritable et un que tire son existence le monde sensible qui n'est point véritablement un : il est en effet multiple
et divisé en une pluralité de parties qui sont séparées les unes des autres et étrangères entre elles. Ce n'est plus l'amitié qui y règne,
c'est plutôt la haine, produite par la séparation de choses que leur état d'imperfection rend ennemies les unes des autres. La partie
ne se suffit pas à elle-même ; conservée par une autre chose, elle n'en est pas moins l'ennemie de la chose qui la conserve. Le
monde sensible a été créé, non parce que Dieu a réfléchi qu'il fallait le créer, mais parce qu'il était nécessaire qu'il y eût une nature
[14]
inférieure au monde intelligible, qui, étant parfait, ne pouvait être le dernier degré de l'existence : il occupait le premier rang, il avait
une puissance grande, uni-
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verselle, capable de créer sans délibération (car il n'eût pas possédé par lui-même la puissance de créer s'il lui eût fallu délibérer ; il
ne l'eût pas possédée par son essence ; il eût ressemblé à un artisan qui n'a pas par lui-même le pouvoir de créer, mais qui l'acquiert
en apprenant à travailler). En donnant quelque chose d'elle-même à la matière, l'Intelligence a tout produit sans sortir de son repos ni
[15] [16]
de sa quiétude . Or, ce qu'elle donne, c'est la Raison , parce que la Raison est l'émanation de l'Intelligence, émanation aussi
[17]
durable que l'existence même de l'Intelligence. Dans une raison séminale (λόγος ἐν τῷ σπέρματι) , toutes les parties existent unies
ensemble, sans qu'aucune en combatte une autre, ni soit en désaccord avec elle ou lui fasse obstacle, et cette raison fait passer
quelque chose d'elle-même dans la masse corporelle où les parties sont séparées les unes des autres, se font obstacle et se
détruisent mutuellement ; de même, de l'Intelligence qui est une et de la Raison qui en procède est sorti cet univers dont les parties
sont séparées et éloignées les unes des autres, par conséquent, les unes amies et alliées entre elles, les autres contraires et
ennemies; aussi se détruisent-elles les unes les autres, soit volontairement, soit involontairement, et, par cette destruction, elles
opèrent. mutuellement leur génération. Dieu a disposé, leurs actions et leurs passions de telle sorte que toutes concourent à former
une harmonie unique en rendant chacune le son qui lui est propre, parce que la Raison qui les domine produit dans l'ensemble l'ordre
[18] [19]
et l'harmonie . Le monde sensible n'a pas la perfection de l'Intelligence et de la Raison ; il participe seulement . Aussi a-t-il eu
be-
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soin d'harmonie, parce qu'il a été formé par le concours de l'Intelligence et de la nécessité (20)[20]. La nécessité pousse le monde
sensible au mal et à ce qui est irrationnel, parce qu'elle est elle-même irrationnelle; mais l'Intelligence domine la nécessité. Le monde
intelligible est uniquement Raison ; nul autre ne saurait être tel. Le monde qui est né de lui devait lui être inférieur, et n'être ni
uniquement Raison, ni uniquement matière : car, avec la matière seule, il n'y avait pas d'ordre possible. Le monde sensible est donc
un mélange de la matière et de la Raison[21] : ce sont là les éléments dont
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il se compose. Quant au principe dont il procède, c'est l'Âme qui préside au composé; il ne faut pas d'ailleurs croire que ce soit un
[

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