La Philosophie de Maître Eckhart - article ; n°92 ; vol.23, pg 412-422
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1921 - Volume 23 - Numéro 92 - Pages 412-422
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Publié le 01 janvier 1921
Nombre de lectures 62
Langue Français

Extrait

Maurice De Wulf
La Philosophie de Maître Eckhart
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 23° année, N°92, 1921. pp. 412-422.
Citer ce document / Cite this document :
De Wulf Maurice. La Philosophie de Maître Eckhart. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 23° année, N°92, 1921. pp. 412-
422.
doi : 10.3406/phlou.1921.2291
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1921_num_23_92_2291412 M. De Wulf
au lieu d'utiliser des informations de seconde ou de troisième main?
Quels ont été de l'un à l'autre, les apports personnels, les démar
quages ou les plagiais ? Voilà des questions dont l'examen dépasse
les cadres du présent travail, mais dont l'élude monographique
contribuera grandement à l'histoire des doctrines morales depuis
Aristote jusqu'à la Renaissance : qu'il suffise ici de les avoir
signalées.
Auguste Pelzer,
Scriptor de la Bibliothèque Vaticane.
Rome, le 13 juillet 1921.
XX
LA PHILOSOPHIE DE MAITRE ECKHART
Maître Eckhart de Hochheim x) (vers 1260-1327) apparaît dans la
philosophie occidenlale à un moment où la Scolastique est vigou
reusement constituée. Il s'en écarte dans plusieurs doctrines impor
tantes; ses inno\ations sont grosses de conséquences et deviendront
le point de départ de tendances nouvelles qui vont se fortifier dans
les siècles suivants 2).
A ce tilre, la personnalité d'Eckhart présente un intérêt de pre
mier ordre.
I.
Dieu est acte pur ; son e-sence est d'exister, esse, « idem scilicet
essenliam et esse quod soli deo convenit »3). C'est la théorie com
munément admise au xnr3 siècle. Eckhart s'arrête avec une prédi-
1) Des fragments des écrits latins de Eckhart ont été publiés par Denifle,
Meister Eckehart's lateinische Schriften, dans Archivfiir Litteratar und Kirchen-
geschichte des Mittelatters (1886)
Pfeiffer publie ses sermons allemands dans Deutsche Mystiker des 14len Jahr-
hunderts, Leipzig, 2 vol , 1845 et 1857.
2) Voir notre ouvrage Civilisation and Philosophy in the Middle Ages. Prin
ceton university Press, 1922, ch XIII.
3) P. 560, éd. Denifle. La Philosophie de Maître Eckhart 413
leclion marquée à décrire celle plénitude d'êlre. Commentant la
parole sacrée Ego sum qui sum, il voit dans la répétition du verbe
esse, la complaisance de Dieu à se reposer en Lui-même. La répét
ition signifie que Dieu est affirmation pure et que toute négation
lui répugne. Elle signifie encore le repli de son être sur lui-même.
Elle signifie aussi une sorte d'ébullition ou d'eftusion interne de
son être qui s'enflamme, se liquéfie et bouillonne en lui-même ; il
est lumière dans la lumière, el tout entier il se pénètre dans sa
clarté 1).
S'arrêtant à d'autres textes bien choisis de l'Ecriture, Eckhait
développe quelques-uns des aspects de l'Etre plénier de Dieu, son
unité, sa bonté, sa justice, l'amour dont il s'aime2), son intelligibilité
et sa simplicité. « Car il faut noter que la simplicité et l'intelligibilité
sont conveitibles, tout comme l'être et l'unité. La simplicité est la
racine première et profonde de l'intelligibilité. Le simple, et le
simple seul, peut faire un repli complet sur lui-même. Voilà pour
quoi, ainsi qu'il est dit dans le Livre des causes, le simple se
connaît lui-même et toutes choses par essence » 3).
C'est encore d'après la doctrine la plus pure de la scolastique
qu'Eckhart établit le processus de la Trinité ; qu'il distingue la
substance divine toute nue, et cette même substance en relation
avec les personnes divines. Considéré sous le premier aspect, l'Etre
divin n'est point principe de génération; il ne le devient que si on
le conçoit dans un rapport d'ordre 4). La nécessité d'une double
1) « Notandum quod repetitio, quod bis ait sum qui sum puritatem affirmatio-
nis exclusa omni negation e ab ipso deo indicat. Rursus quidem ipsius esse in
seipsum et super seipsum reflexivam conversionem et in ipso mansionem sive
fixionem. Adhuc etiam quandam bullicionem sive perfusionem sui in se, fervens
et in se ipso liquescens et bulliens, lux in luce et in lucem se tolo se totum
penetrans », p 560. — Cf. « Esse est deus .. igitur non potest esse deum dese-
rere ut non sit », p. 538. « Primum est dives per se, ut 20 de causis dicitur »,
p. 548.
2) A propos de ce texte : « Ego quasi vitis fructificavi suavitatem odoris ».
3) « Ubi notandum quod sicut unum et ens convertibiliter se habent, sic sim-
plicitas et intellectualitas. Radix enim prima et intima intellectualitatis est simpli-
citas Argumentum hujus est primo quia simplex et ipsum solum redit se toto
super se totum reditione compléta, et propter hoc ex de causis est sciens se ipsum
et omnia per essentiam », p. 598. A propos de : « In simplicitate cordis querite
illum », cf Liber de ccusis, § 14
4) « Notandum quod cum in deo, ut jam supra dictum est, sint tantum duo
praedicamenta, substantia et relatio... Dicunt etiam doctores communiter quod
ratio generandi non est essentia, set essentia cum relatione... ratione relationis
sive ordinis habet deus ditfusionem sive fecunditatem tam in divinis quam in
creaturis », p. 568. 414 M. De Wulf
considération repose sur notre façon imparfaite de saisir Dieu, et il
n'est rien dans ce langage qui autorise à conclure à une distinction
réelle de la divinité et de Dieu, comme si les personnes divines
étaient la manifestation ou la révélation éternelle d'un absolu indé
terminé l). Eckhart est non moins fidèle à la scola^tique, quand
développant dans ses sermons allemands la riche collection des
attributs divins sur lesquels s'arrête successivement la faible consi
dération de notre esprit, il les compare à des vêlements dont se
couvre la substance dénudée de la Divinité 2). Images dangereuses,
dont étaient Iriandes ses auditrices mystiques, et qu'il est aisé
néanmoins d'interpréter dans un sens sortable.
Mais où la pensée d'Eckhart prend des allures à la fois auda
cieuses et originales, c'est quand il pose en thèse que l'existence
infinie et essentielle de Dieu ebt la seule existence. Ens tantum
unum est et Deus est 3). Puisque Dieu est tout Y exister, il est imposs
ible que quelque chose existe hors de lui, Kursus ècrtra deum,
utpote extra esse, nichil est*), car ce quelque chose serait en dehors
de l'exister ou de l'être. Impossib/le est ahquod esse sive aliquem
modum sive differentiam essendi déesse vel abesse ipsi esse. Hoc ipso
enim quod deest vel abest ab esse, non est et nichil esf>). — Extra
primam causam nichil est; quod enim extra causant primant, deum
scilicet, est extra esse, quia deus est esse 6).
Cette doctrine, qu'il ne se lasse pas de répéter dans ses écrits
latins, devient la ciel de voûle d'un système ti es spécial des rap
ports entre Dieu et le monde. Non pas du monde tel qu'il est
présent dans le Verbe, comme pensée divine (Eckhart sur ce point
reprend, avec un tour de pensée très personnel, la théorie tradi
tionnelle des rationes aeternae), mais du monde tel qu'il est créé
par Dieu et tel qu'il existe à côté de Dieu. Question capitale, dont la
solutiou oriente ou non une philosophie dans les voies du monisme.
D'abord Eckhart nous apprend que la creation s'accomplit dans
le présent; le passé et le futur n'ayant aucune existence 7), que dès
1) Erreur accréditée par Preger et reproduite par Lasson dans sa dernière
étude sur Eckhart. Et cependant, dès 1886 (Archiv, pp. 453-455), Denifle lui avait
signalé cette colossale mésintelligence de la terminologie scolastique. Comment
Baumgartner a-t il accepté des jugements aussi erronés ? (dans Ueberweg,
Grundriss d. Gesch. d. Philos, der patrist. und schol Zeit, 1915, p. 644).
2) Archiv, pp. 454 et 455.
3) P. 549.
4) P. 541.
5) P. 546.
6) P. 586.
7) - In deo et per consequens in divinis, ut divina sunt, non est praeteritum La Philosophie de Maître Eckhart 415
lors elle est éternelle. C'est déjà l'équivoque, car les textes ne
disent pas clairement si cette éternité, ou ce présent éternel, affecte
seulement Yactivité divine, ou bien si elle porte en même temps sur
le terme de cette activité. Aucun scolastique ne nia jamais que le
geste tout-puissant, qui lire du né

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