Le cogito ébloui ou la noèse sans noème. Levinas et Descartes - article ; n°2 ; vol.94, pg 294-310
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1996 - Volume 94 - Numéro 2 - Pages 294-310
There always a subtle link between the thought of Levinas and the great works of classical philosophy. Among the latter, certain texts of Descartes are treated in a very special way by Levinas: they are frequently referred to, also frequently quoted, frequently analysed in detail, and this holds from the start of Levinas' career to his latest publications. At the heart of what the A. recognizes as being a powerful metaphysical inspiration by Descartes that determines the «phenomenology» of Levinas, he attempts to describe here a possible cartesian and levinassian vision of the Infinite by dealing with the question of the creation of eternal truths, the distinctions of «natural» analogy and of the «ethical» marvel, and finally the topic of the implanting of the idea of the infinite in me and of the overflowing of the cogito. The A. attempts to show that Levinas received from Descartes the inspiration for a phenomenology that is radical in a different way. (Transi, by J. Dudley).
La pensée de Levinas entretient un rapport toujours subtil avec les grands textes de la philosophie classique. Parmi ceux-ci, certains textes cartésiens reçoivent chez Levinas un traitement tout particulier: souvent évoqués, ils sont aussi régulièrement cités, fréquemment analysés jusque dans le détail, et cela dès les premiers textes et jusqu'aux derniers publiés. Au cœur de ce qu'il reconnaît comme une puissante inspiration métaphysique de Descartes qui détermine la «phénoménologie» de Levinas, l'A. tâche de décrire ici une possible vision cartésienne et levinassienne de l'Infini à travers la question de la création des vérités éternelles, la distinction de l'analogie «naturelle» et de la merveille «éthique», et enfin le thème de la mise de l'idée d'infini en moi et du débordement du cogito. L'A. veut dire que Levinas reçoit de Descartes l'impulsion d'une phénoménologie «autrement» radicale.
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Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Dupuis
Le cogito ébloui ou la noèse sans noème. Levinas et Descartes
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 94, N°2, 1996. pp. 294-310.
Abstract
There always a subtle link between the thought of Levinas and the great works of classical philosophy. Among the latter, certain
texts of Descartes are treated in a very special way by Levinas: they are frequently referred to, also frequently quoted, frequently
analysed in detail, and this holds from the start of Levinas' career to his latest publications. At the heart of what the A. recognizes
as being a powerful metaphysical inspiration by Descartes that determines the «phenomenology» of Levinas, he attempts to
describe here a possible cartesian and levinassian vision of the Infinite by dealing with the question of the creation of eternal
truths, the distinctions of «natural» analogy and of the «ethical» marvel, and finally the topic of the implanting of the idea of the
infinite in me and of the overflowing of the cogito. The A. attempts to show that Levinas received from Descartes the inspiration
for a phenomenology that is radical in a different way. (Transi, by J. Dudley).
Résumé
La pensée de Levinas entretient un rapport toujours subtil avec les grands textes de la philosophie classique. Parmi ceux-ci,
certains textes cartésiens reçoivent chez Levinas un traitement tout particulier: souvent évoqués, ils sont aussi régulièrement
cités, fréquemment analysés jusque dans le détail, et cela dès les premiers textes et jusqu'aux derniers publiés. Au cœur de ce
qu'il reconnaît comme une puissante inspiration métaphysique de Descartes qui détermine la «phénoménologie» de Levinas, l'A.
tâche de décrire ici une possible vision cartésienne et levinassienne de l'Infini à travers la question de la création des vérités
éternelles, la distinction de l'analogie «naturelle» et de la merveille «éthique», et enfin le thème de la mise de l'idée d'infini en moi
et du débordement du cogito. L'A. veut dire que Levinas reçoit de Descartes l'impulsion d'une phénoménologie «autrement»
radicale.
Citer ce document / Cite this document :
Dupuis Michel. Le cogito ébloui ou la noèse sans noème. Levinas et Descartes. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième
série, Tome 94, N°2, 1996. pp. 294-310.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1996_num_94_2_6990Le cogito ébloui ou la noèse sans noème
Levinas et Descartes
Le lecteur de la philosophie de Levinas sait quelle référence déci
sive la métaphysique cartésienne représente pour l'éthique fondament
ale. Il sait aussi que, selon son habitude, Levinas ne s'en est pas expli
qué systématiquement. En 1985, à l'occasion d'une journée consacrée à
la réception phénoménologique de Descartes, Levinas donna son propre
point de vue, mais il ne souhaita pas en laisser une trace écrite1. Parallè
lement, les nombreux commentaires consacrés à Levinas sont forcés
d'évoquer le rapport à Descartes, quelques-uns s'attachent de plus près
au problème de l'idée de l'infini, mais aucun, à ma connaissance, n'en
visage systématiquement l'«intertextualité» qui lie Levinas à Descartes.
C'est pourtant ce que je voudrais entreprendre de faire2. Mais une mise
au point préalable s'impose.
Levinas est peut-être un philosophe qu'on lit pour lui-même, de
manière «synchronique», en fonction peut-être des urgences (réelles) du
temps. L'éthique fondamentale serait la chose qui compte pour aujour
d'hui, loin avant les questions d'historiographie. Il est possible que Levi
nas ait encouragé lui-même ce genre de position, alors qu'il enseigna
personnellement l'histoire de la philosophie durant de longues années.
Quelle qu'ait été l'opinion de Levinas sur ce point, et la prégnance de sa
pensée aujourd'hui, je ne partage pas la pratique de ceux qui retardent ou
ajournent l'analyse historique d'un philosophème au nom d'une quel
conque urgence «synchronique». Tout au contraire, et selon un point de
vue foncièrement herméneutique, il me semble qu'au nom justement de
1 Voir l'article de J.-F. Lavigne, «L'idée de l'infini: Descartes dans la pensée
d'Emmanuel Levinas», Revue de Métaphysique et de Morale, 1, 1987, pp. 54-66.
2 Le texte qu'on va lire est extrait d'un travail en cours qui tente d'étudier syst
ématiquement cette «intertextualité». Comme en certaines de ses parties, ce texte a fait
l'objet de diverses présentations et discussions publiques (notamment à Leuven et à Lou-
vain-la-Neuve), je lui laisse ici ses marques de discours oral, offert au débat. On me per
mettra d'ajouter que cette recherche contrastive s'inscrit dans le prolongement de mes
premières analyses: M. Dupuis, Pronoms et visages. Lecture d'Emmanuel Levinas (Klu-
wer, coll. Phaenomenologica 134, 1996). cogito ébloui ou la noèse sans noème 295 Le
l'urgence éventuelle d'une pensée, il importe d'analyser son historicité,
sa dette, sa fînitude, ou encore son intertextualité. Quelle qu'ait été la
réserve de Levinas lui-même en matière de citation ou de reconnaissance
de dettes philosophiques (du moins du côté des auteurs classiques), il
appartient à la compréhension de son œuvre d'étudier les rapports
qu'elle entretient notamment avec la pensée de Descartes. Ce faisant,
nous avançons dans la compréhension de Levinas et de Descartes aussi,
s'il est vrai que «notre» Descartes nous est donné à travers la phénomén
ologie husserlienne et post-husserlienne. En tout cas, je dirai que le
Descartes de Levinas passe d'abord à travers le prisme de la phénomén
ologie husserlienne, puis à travers celui de l'éthique fondamentale, en
tant que celle-ci serait une «hyperphénoménologie».
1. L'horizon phénoménologique
Commençons par poser que la rencontre de Levinas avec Descartes
s'inscrit à l'intérieur de la question précise de l'horizon de la phénomén
ologie. Levinas s'explique souvent sur la découverte décisive de la phé
noménologie husserlienne, sur le renouveau introduit en philosophie de
la subjectivité. C'est le point de départ. Comme le Husserl de la Erste
Philosophie (1923-1924), Levinas reconnaît l'importance de la source
cartésienne en phénoménologie. On dira dans les termes mêmes de Huss
erl, que désormais, à partir de Descartes, la philosophie rigoureuse,
scientifique, quelle qu'elle soit, est une transcendantale.
Descartes est l'authentique ancêtre de la phénoménologie, diront les
Panser Vortràge. Si le subjectivisme transcendantal est la source du vrai
travail philosophique, il s'agira pour Husserl de radicaliser le point de
vue cartésien resté trop simplement empirique, et il s'agira pour Levinas
de radicaliser (ou de dépasser?) le point de vue husserlien sur Descartes
de façon à trouver une scène préalable, une avant-scène éthique à la
phénoménologie cognitive. Husserl avait ouvert un espace et un horizon
égocentrés et ramenés à l'immanence nécessaire (sans vanité ni ancien
«anthropocentrisme», car c'est la lecture de la fînitude qui l'emporte —
qu'on pense au premier Heidegger); Levinas continue le travail de des
cription et, tout en gardant le cadre général de l'horizon égocentré, il
décrit la déchirure préalable, le désaisissement, le traumatisme, la bous
culade du sujet, l'accident constituant l'identification même de ce sujet
accessoirement épistémique. Le lieu du Même a été relativisé à son tour, 296 Michel Dupuis
et ainsi identifié et justifié, par l'effraction de l'Autre. Levinas trouve
chez Descartes de quoi penser l'un et l'autre, c'est-à-dire la constitution
de l'horizon — mais dans sa déchirure. Le jeu de la lumière de l'intell
igence intentionnelle — mais dans le jeu premier de l'éblouissement.
Levinas accompagne Husserl jusqu'au bout dans la mesure où il
s'agit de lutter contre l'aliénation d'un savoir ignorant de son origine et
de son horizon, une visée de l'être «inconsciente et irresponsable»3,
parce que soumise à la fois à l'espèce de spontan

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