Pour une économie humaine - article ; n°25 ; vol.25, pg 220-237
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Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1969 - Volume 25 - Numéro 25 - Pages 220-237
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Père Apollinaire
2. Pour une économie humaine
In: Journal de la Société des océanistes. Tome 25, 1969. pp. 220-237.
Citer ce document / Cite this document :
Apollinaire Père. 2. Pour une économie humaine. In: Journal de la Société des océanistes. Tome 25, 1969. pp. 220-237.
doi : 10.3406/jso.1969.2261
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1969_num_25_25_2261220 SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
II
POUR UNE ÉCONOMIE HUMAINE
INTRODUCTION
« L'économie de la Nouvelle-Calédonie est faite d'un secteur prospère, bénéfi
ciant d'un plein emploi apparant, fondé sur la mine et l'industrie de fusion du
nickel, et faisant vivre un secteur tertiaire important, établi aussi à Nouméa.
A côté de cela, un secteur pauvre, sinon misérable, assis sur une agriculture vivrière,
une faible production de café et de coprah, et un élevage extensif pratiqué sur des
étendues inutilisables autrement parce que désertiques... Dans ces conditions le
secteur prospère est pour l'essentiel européen ; le secteur misérable, pour l'essent
iel, mélanésien. Participent marginalement, au premier, quelques petits fonc
tionnaires autochtones, plantons, manœuvres, débardeurs, au mieux, moniteurs
et infirmiers. Épongeant les faibles revenus naissant du second secteur, quelques
intermédiaires, commerçants, colporteurs dont les plus prospères sont européens.
Dans le Nord et l'Est du Territoire (Tchamba, Hienghène, Ouégoa, Poum, Pam),
quelques descendants des colons européens se maintiennent en acceptant un niveau
de vie de plus en plus bas... » (Jean Guiart, Réalités du Pacifique, 5 juin 1964).
Il ressort de ce tableau, qui pourrait paraître pessimiste et peu encourageant
pour les Calédoniens, la fragilité de l'économie calédonienne, laquelle repose sur
l'inégalité de revenus entre deux secteurs : le secteur rural, essentiellement méla
nésien, et le secteur industriel et commercial, essentiellement européen. Si telle
était effectivement la situation économique de l'île, elle pourrait créer entre les
deux populations de mentalités différentes un déséquilibre économique et une situa
tion sociale explosive qui nuirait en définitive à l'harmonie et à l'économie géné
rale de l'île. Aux responsables du Territoire se posait donc un problème urgent
auquel ils devaient apporter une solution immédiate mais prudente et sage que
nous pourrions formuler ainsi : Comment peut-on re-équilibrer les niveaux de la
vie en Nouvelle-Calédonie sans en même temps briser le cadre traditionnel autoch
tone, colonial et capitaliste, lesquels s'opposent au développement économique et
social de la société globale calédonienne ? Nous devinons déjà la complexité du
problème. Car il ne s'agit pas ici uniquement de problèmes économiques. L'homme
vie en société. Ce problème économique a donc des aspects sociologiques, poli
tiques et religieux que le technicien ne peut sous-estimer. Il ne peut ignorer, en
effet, qu'en Nouvelle-Calédonie il y a deux populations qui aspirent toutes deux
à un niveau de vie meilleur et qu'un déséquilibre dans la distribution du revenu
territorial entraîne des répercussions plus ou moins fâcheuses dans le domaine
politique, social et religieux. En d'autres temps on ne peut trouver une solution
adéquate aux problèmes religieux et aux luttes politiques que si une solution équi
table est apportée aux problèmes économiques. Certes, il y aura toujours des luttes
politiques et dans notre monde moderne l'Église aura toujours un champ d'ac
tion où « le bon grain » aura des difficultés à germer. Toutefois, nous pensons qu'une
meilleure répartition du revenu territorial facilitera un travail plus en profondeur
surtout dans le domaine de l'éducation religieuse personnelle et, en définitive, de
toute formation humaine. Dans le domaine sociologique on déplore aussi juste- DEUX EXEMPLES DE RÉFLEXIONS MELANESIENNES 221
ment la désintégration des collectivités autochtones, laquelle se traduit concrètepar la désertion des villages autrefois florissants. Pourquoi ce mouvement
de population vers la ville sinon l'attrait d'un salaire plus rémunérateur que le
travail ingrat de l'agriculture 1. L'autorité des chefs, d'autre part, dans beaucoup
de villages a perdu son caractère « prophétique », non pas seulement par suite de
sa subordination à celle du gendarme et du missionnaire, mais parce que, surtout,
les villages se dépeuplent : les sujets du chef vont travailler à Nouméa ou aux
mines pour nourrir le village, c'est-à-dire le groupe familial, au sens large du mot.
Ce sont les jeunes qui partent : ceux qui sont capables de travailler
et les vieux restent au village. Donc le village est ainsi privé de ses éléments dyna
miques, en d'autres termes, de sa population active. Les vieux, malgré l'absence
des. jeunes, ne restent pas oisifs; eux aussi travaillent pour vivre mais il leur
manque cet esprit d'initiative nécessaire pour une mise en valeur plus rentable
de leurs coins de terre. Certes les moyens de production les plus archaïques ont
disparu mais ceux légués par la colonisation (le sabre, la faucille, la binette, la
barre à mine) ne peuvent aujourd'hui améliorer grandement le niveau de vie des
arborigènes. Il faut autre chose.
En Nouvelle-Calédonie, le « culte » de la terre s'est quelque peu amenuisé par
suite de l'importance accordée au secteur industriel, commercial et minier. L'amour
du gain immédiat a brisé l'amour du sol, l'a déséquilibré. Mais le culte de la terre
s'est tellement enraciné dans la nature de l'autochtone qu'aujourd'hui nous en
voyons les manifestations dans le retour au village du « déserteur occasionnel »,
pour y passer ses vieux jours ou pour être inhumé au milieu des siens. Que devient
à ce moment la valeur du sol natal ? Quel sens lui donne-t-on ? A ce moment la
terre ne s'identifie plus à la personne. En d'autres termes : « ma » terre, « mon »
village, n'est plus « moi » ; mais ma terre « m'appartient » ; mon village est « ma
propriété ». Aussi j'ai le droit d'y revenir, d'y être inhumé. Nous devinons donc
l'importance de ce changement de conception pour une mise en valeur réelle du
sol natal. Si de nombreux coins de terre ont été abandonnés, c'est que la concep
tion de « propriété privée » de type occidental a éliminé celle de la conception com
munautaire de l'identification du « je » avec le « mien ». Aussi, à notre avis, pour
un développement harmonieux des structures agricoles en milieu autochtone, les
techniques, si modernes soient-elles, ne suffisent pas. Il faut encore réajuster le
progrès agricole avec cette nouvelle conception de la terre natale « ma propriété »
et celle de la conception ancienne, laquelle n'a pas entièrement disparu et qu'il
faut conserver. « Notre village, notre pays, c'est nous-mêmes. » Ces deux concep
tions peuvent être utilisées comme « moteur » psychologique de mise en valeur du
sol. Mais à notre avis la seconde conception serait plus conforme à la mentalité
des aborigènes. Certes, le facteur « argent » entre de plus en plus dans le milieu
agricole. Si je plante du café ou des ignames, c'est pour avoir suffisamment d'ar
gent pour m'acheter ceci ou cela. Si la production du café, par exemple, ne suffit
pas, on ira travailler dans les mines pour compléter la somme nécessaire. Cet argent
gagné dans les mines est considéré comme étant une production marginale. Ce qui
est le plus important, c'est la terre qui fait pousser les ignames. Et les produits
vivriers que soi-même on aura plantés, soignés, ont plus de valeur que les
1. Nous n'ignorons pas qu'il y a d'autres motivations qui poussent l'autochtone vers
la ville. 222 SOCIETE DES OCEANISTES
manufacturés. Ceux-ci sont toujours liés à tout ce qui est d'importation étrangère 1.
Nous voudrions, par ces quelques considérations, en venir à ceci : qu'avant de s'a
ttaquer à, quelques déviations quelconques, il faudrait d'abord déceler les valeurs
qui les sous-tendent. Les réformes structurelles doivent être basées d'abord sur
des consid

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