Pour une histoire de la souffrance : expressions, représentations, usages - article ; n°27 ; vol.13, pg 5-14
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Description

Médiévales - Année 1994 - Volume 13 - Numéro 27 - Pages 5-14
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 32
Langue Français

Extrait

Piroska Zombory-Nagy
Monsieur David El Kenz
Matthias Grässlin
Madame Véronique Frandon
Pour une histoire de la souffrance : expressions,
représentations, usages
In: Médiévales, N°27, 1994. pp. 5-14.
Citer ce document / Cite this document :
Zombory-Nagy Piroska, El Kenz David, Grässlin Matthias, Frandon Véronique. Pour une histoire de la souffrance : expressions,
représentations, usages. In: Médiévales, N°27, 1994. pp. 5-14.
doi : 10.3406/medi.1994.1306
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1994_num_13_27_1306Médiévales 27, automne 1994, pp. 5-14
Piroska ZOMBORY-NAGY et Véronique FRANDON
en collaboration avec David EL KENZ et Matthias GRÀSSLIN
POUR UNE HISTOIRE DE LA SOUFFRANCE :
EXPRESSIONS, REPRÉSENTATIONS, USAGES
Les essais rassemblés dans ce volume sont le fruit du travail d'un
groupe de jeunes chercheurs, qui s'est réuni une fois par mois pen
dant deux ans, afin d'examiner les expressions, les représentations et
les usages de la souffrance au Moyen Âge et au début de l'époque
moderne. Ce travail sur la souffrance étudiée comme un objet histo
rique n'est pas la première tentative en ce sens. Pour ne citer que
deux entreprises collectives comparables, il convient de rappeler qu'en
1986, un congrès franco-polonais s'est tenu à Varsovie sur La souf
france au Moyen Âge], avec la participation des plus célèbres médiév
istes des deux pays et que récemment, un colloque, organisé par
l'Université Paul- Valéry de Montpellier, prit pour thème le corps souf
frant à l'époque de la Renaissance2.
La spécificité de notre travail tient d'abord à son caractère non-
institutionnel. À l'origine, une « entreprise de copains » : certains des
futurs collaborateurs de ce volume avaient eu l'idée d'organiser un
séminaire mensuel hors les murs universitaires, ouvert à tous les jeu
nes intéressés, étudiants de doctorat ou de maîtrise3. Les études de
1. La Souffrance au Moyen Âge, Cahiers de Varsovie 14, Varsovie, 1988.
2. Corpus Dolens. Les représentations du corps souffrant du Moyen Âge au
xvw siècle, colloque international interdisciplinaire, organisé par le Centre Interdisci
plinaire d'Études sur la Renaissance de Montpellier, Université Paul- Valéry, du 17 au
20 mars 1994. Une exposition pluridisciplinaire sur « La Douleur, Au-delà des maux »,
coproduite par la Cité des Sciences et de l'Industrie et le Ministère de la Recherche
et de l'Espace, avec le soutien de Gordon and Breach Inc., s'est également tenue à
la Villette du 15 octobre 1992 au 29 août 1993.
3. Nous tenons à remercier Anne Autissier, Martine Clouzot, Jean-Louis Coletta,
David El Kenz, Josefa Gallego, Matthias Grâsslin, Valentin Grœbner, Christiane Mattke,
Sylvain Piron, Martin Porter, Cécile Quentel, Claudia Rademakers, Niklaus Schlatz-
mann et William Taylor pour leur participation, de même que le Collège d'Espagne
de la Cité Universitaire pour nous avoir gracieusement prêté sa salle de bibliothèque
pendant ces deux années. Enfin que toute l'équipe de Médiévales trouve ici l'expres
sion de notre gratitude. P. ZOMBORY-NAGY et V. FRANDON
cas que le lecteur trouvera ici ne représentent qu'une partie de son
travail. Mais la réalisation des travaux personnels, étroitement liés aux
recherches universitaires en cours de leurs auteurs, avait été précédée
d'une réflexion collective sur le sujet même de ce séminaire. Avant
de présenter les articles qui suivront, il est donc nécessaire de rappel
er le contexte dans lequel notre travail s'est déroulé.
Douleur et souffrance
Pour construire l'objet de notre investigation, nous avons com
mencé par observer le vocabulaire qui sert à l'exprimer en français. Deux
mots, qui ne sont pourtant pas synonymes, renvoient l'un à l'autre :
douleur et souffrance ; substantifs dont le premier, s'il se fait verbe,
a besoin du second : éprouver une douleur se dit souffrir (le verbe latin
formé sur dolor, dolere, s'est perdu depuis le Moyen Âge [se douloir]).
Mais souffrir suppose « supporter », « tolérer », ou même « soutenir
un délai », une durée (par exemple : lettre en souffrance) ; l'accent ne
porte pas sur le mal lui-même, mais sur le fait qu'on l'accepte, qu'on
adopte une attitude (plus ou moins consciente) face à la douleur subie.
Si, de façon générale, la douleur se rapporte à une sensation imméd
iate, la notion de souffrance comporte une dimension reflexive sup
plémentaire. Cette réflexivité que nous attribuons à la souffrance rend
possible la représentation de la douleur, acte qui naît de Inflexion, du
repliement du sujet sur soi ; c'est cette réflexivité seule qui nous per
met de saisir quelque chose d'une douleur éprouvée, ce que le patient
ressent comme sa propre souffrance. Alors que la consternation de la
douleur est serrée en étau entre le silence et les cris4, la souffrance
peut s'exprimer en formes articulées. Il conviendra donc de distinguer,
dans le processus de l'acception de la douleur, trois phases : le méca
nisme biologique5, la perception douloureuse6, et finalement la prise
de conscience qui permet la représentation, phase à laquelle nous avons
réservé le terme de souffrance7.
4. Cf. J.-B. Pontalis, « Sur la douleur (psychique) », Entre le rêve et la doul
eur, Paris, 1986, p. 261.
5. Nociception : notion qui désigne les stimulations menaçant l'intégrité de l'org
anisme et déclenchant par conséquent des réponses et réflexes susceptibles d'induire des
sensations douloureuses. Cf. J. Bruxelles, « La douleur : aspects neurophysiologiques
et neuropsychologiques », dans Souffrances, Corps et âme, épreuves partagées, Autre
ment, Série « Mutations », n° 142, Paris, 1994, p. 19.
6. On sait aussi que l'information nociceptive, pour devenir une sensation, doit
passer par un long système de transmission et subit des influences excitatrices ou inhi
bit rices, à plusieurs niveaux (qui impliquent la mémoire, l'émotion, la cognition) : le
résultat n'est donc en aucun cas une « information brute ». Cf. C. Marquez, « Le
mal chronique », dans Souffrances, op. cit., p. 35.
7. En cela nous ne sommes pas entièrement d'accord avec la distinction binaire
nociception/prise de conscience douloureuse, qui tend à identifier douleur et souffrance,
faite par J.-P. Natali, « La Douleur, au-delà des paradoxes », dans La Douleur, Au-
delà des maux, G. Lévy éd., Paris, 1993, p. 4. POUR UNE HISTOIRE DE LA SOUFFRANCE
Les travaux récents sur le sujet — qu'ils relèvent de la philoso
phie, de la médecine ou des sciences sociales — sont partagés quant
à la possibilité même d'une distinction claire. Cette réserve tient au
dédoublement du problème : à la coupure terminologique dou
leur/souffrance s'en superpose une autre, portant sur le caractère,
physique ou psychique, du mal. Dès lors, il s'agit de se demander
si les deux manières de distinguer les maux sont, d'abord, pertinent
es ; ensuite, si elles se recoupent. Deux grandes tendances s'oppo
sent alors : la première met l'accent sur le « flou sémantique », la
« difficulté représentationnelle » 8, tandis que la seconde cherche à
affirmer cette double distinction.
Selon le camp des sceptiques9, souffrance et douleur ne répar
tissent pas entre elles le domaine psychique et physique sans ambig
uïté. La définition de l'Association Internationale pour l'étude de la
douleur (IASP) coupe court à toute distinction de domaines et de te
rmes : « la douleur est une sensation désagréable et une expérience
émotionnelle en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle,
ou décrite en ces termes » 10. D'après un argument dont se servent
souvent les médecins pour soutenir la quasi-synonymie, fréquemment
douleur physique et souffrance morale s'accompagnent et se provo
quent mutuellement. Selon l'analyse de J.-B. Pontalis, cet embarras
devant le phénomène se retrouve même dans la terminologie de
Freud".
Dans l'autre camp, Paul Ricœur justifie la distinction concept
uelle : il réserve le terme douleur à des affects ressentis comme local
isés dans le corps, et le terme souffranc

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