Pour une pluralité des approches prosopographiques - article ; n°1 ; vol.100, pg 187-197

Corbier Mireille

Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes - Année 1988 - Volume 100 - Numéro 1 - Pages 187-197
Mireille Corbier, Pour une pluralité des approches prosopographiques, p. 187-197. Trois démarches sont envisagées. La première est la prosopographie sérielle qui établit des coupes horizontales - ou verticales : la série chronologique - dans un milieu qui se définit par une fonction ou un rang officiels. La deuxième est l'étude des familles de l'aristocratie sénatoriale ; mais la prosopographie n'est qu'une dimension d'une telle recherche : le recours à d'autres sources, littéraires, juridiques, s'impose. La troisième démarche suggérée est la reconstitution d'un milieu social; cette prosopographie plus large est orientée vers la société provinciale. Ces recherches prosopographiques ne sont pas seulement destinées à écrire une histoire sociale de l'Empire romain. Elles permettent aussi de (v. au verso) constituer un matériel pour tester les hypothèses des anthropologues sur le fonctionnement de l'alliance et de la parenté ou les stratégies de transmission des patrimoines.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: MELANGES_DE_L-ECOLE_FRANCAISE_DE_ROME
• Publié le: 01 janvier 1988
• Nombre de lectures: 41
• Langue: Français

Extrait

Mireille Corbier
Pour une pluralité des approches prosopographiques
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 100, N°1. 1988. pp. 187-197.
Résumé
Mireille Corbier, Pour une pluralité des approches prosopographiques, p. 187-197.
Trois démarches sont envisagées. La première est la prosopographie sérielle qui établit des coupes horizontales - ou verticales :
la série chronologique - dans un milieu qui se définit par une fonction ou un rang officiels. La deuxième est l'étude des familles de
l'aristocratie sénatoriale ; mais la prosopographie n'est qu'une dimension d'une telle recherche : le recours à d'autres sources,
littéraires, juridiques, s'impose. La troisième démarche suggérée est la reconstitution d'un milieu social; cette prosopographie
plus large est orientée vers la société provinciale.
Ces recherches prosopographiques ne sont pas seulement destinées à écrire une histoire sociale de l'Empire romain. Elles
permettent aussi de
(v. au verso) constituer un matériel pour tester les hypothèses des anthropologues sur le fonctionnement de l'alliance et de la
parenté ou les stratégies de transmission des patrimoines.
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Corbier Mireille. Pour une pluralité des approches prosopographiques. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age,
Temps modernes T. 100, N°1. 1988. pp. 187-197.
doi : 10.3406/mefr.1988.2967
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1988_num_100_1_2967MIREILLE CORBIER
POUR UNE PLURALITÉ DES APPROCHES
PROSOPOGRAPHIQUES
Intervenir sur la prosopographie, c'est automatiquement faire sa bio
graphie. Pour les gens de ma génération - qui ont commencé leur recher
che dans les années soixante -, c'est vingt ans de travail, d'expérience que
je résume; mais c'est aussi une évolution de la discipline. Le bilan rapide
que je me propose d'esquisser touche donc à la fois à l'évolution de ma
propre sensibilité à la prosopographie - prosopographie d'époque impér
iale principalement - et à l'élargissement des horizons de cette discipli
ne. J'envisagerai successivement trois démarches possibles et dégagerai
trois conclusions.
1 - Comme la plupart des historiens de l'Antiquité qui participent à
cette rencontre, je me suis exercée - pendant de longues années - à la
prosopographie sérielle qui étudie des individus 1 : en fait des individus de
même rang, ou responsables de la même fonction (sénatoriale ou équest
re le plus souvent).
À la faveur, dans le meilleur des cas, de listes établies à l'époque
(donc de listes «produites» par le milieu administratif et culturel) - ainsi
les albums municipaux -, mais dans les cas les moins favorables, les plus
courants, à la faveur de listes reconstituées par nous-mêmes à partir
1 M. Corbier, L'«aerarium Saturni» et l'«aerarium militare». Administration et
prosopographie sénatoriale, Rome, 1974 {Collection de l'École française de Rome, 24)
- étude prenant appui sur 113 notices prosopographiques ; Les circonscriptions
judiciaires de l'Italie, de Marc Aurèle à Aurélien, dans MEFRA, 85, 1973, 2 p. 609-690
- étude prosopographique des 45 iuridici d'Italie connus alors; Ti. Claudius Marcell
inus et la procuratèle du Patrimoine, dans Mélanges en souvenir de H. -G. Pflaum
(Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 43, 1981), p. 75-87 - étude des procurat
eurs du patrimoine.
MEFRM - 100 - 1988 - 1, p. 187-197. MIREILLE CORBIER 188
d'inscriptions et de textes littéraires, la prosopographie sérielle établit des
coupes horizontales - ou verticales : la série chronologique - dans un
milieu qui se définit par une fonction ou un rang officiels. Des personnes
sont ainsi saisies le plus souvent à une étape donnée de leur carrière. Ce
qui en soi a déjà son importance, mais qui devient nettement plus intéres
sant si l'on peut replacer cette coupe dans son contexte (liaisons sociales
et familiales) et dans son évolution diachronique : ancêtres et descen
dants, parenté et alliance, comparaison des carrières des différents inté
ressés.
Au total, pourtant, on note une attraction de la prosopographie sériel
le vers une histoire administrative, et l'accent mis sur des fonctions dont
la valeur réelle ou honorifique, qui a pu elle-même varier dans le temps,
nous échappe le plus souvent. Une attraction aussi pour les sommets de
la hiérarchie sociale, où les carrières sont précisément les plus rigoureus
es et les plus stéréotypées (donc les moins significatives peut-être?). Dans
ce type d'étude en tout cas, les femmes sont par définition absentes. Si ce
type de recherches prosopographiques apparaît donc comme une étape
nécessaire, celle-ci n'est certainement pas suffisante.
D'où l'intérêt des études menées à des niveaux différents, municipal
et provincial notamment. J'ai fait une allusion indirecte à l'album de Tim-
gad, étudié par André Chastagnol2. Récemment, j'ai moi-même recensé à
l'échelon municipal, et pour une région tout entière, l'Italie, les notables
porteurs d'un même titre, celui de curator aquae, «curateur de l'eau» ou
«de l'aqueduc» - un type d'enquête qui n'avait pas été mené et s'est révélé
porteur de résultats inespérés3. En dépassant la simple étude de cas (le
point de départ était la publication d'une inscription découverte en 1977 à
Bolsena4), la mise en série prosopographique a permis de mettre en év
idence un phénomène social, mineur certes, mais significatif pour l'épo
que, qui n'avait pas, jusqu'à présent, été souligné : dans les premières
décennies du Ier siècle, les notables qui, pour affirmer leur prééminence
dans leur petite ville - ou pour l'assurer -, se parent du titre nouveau et
prestigieux de «curateur de l'eau», directement inspiré du modèle romain
- la cura aquarum instituée par Auguste en 11 avant J.-C. - appartiennent
à des familles en pleine ascension et dont un rameau s'est déjà «hissé» à
2 A. Chastagnol, L'Album municipal de Timgad, Bonn, 1978.
3 De Voisina à Sestinum : cura aquae et évergétisme municipal de L'eau en Ita
lie, dans Revue des études latines, 62, 1984 (1985), p. 236-274.
4 La famille de Séjan à Volsinii : la dédicace des Seii, curatores aquae, dans
MEFRA, 95, 1983, 2, p. 719-756. UNE PLURALITÉ DES APPROCHES PROSOPOGRAPHIQUES 1 89 POUR
Rome dans l'ordre équestre ou même sénatorial. Un milieu qui tente de
s'affirmer par l'évergétisme local, mais reste encore très fragile. L'ascen
sion ultérieure de ces familles s'est en effet trouvée interrompue peu
après leur émergence, dès le milieu du Ier siècle.
2 - Mais on peut dépasser l'étude des individus pour tenter l'étude
des gentes - et ce sera la deuxième démarche suggérée.
L'étude des familles de l'aristocratie sénatoriale m'a directement
intéressée ces dernières années5 - notamment dans une perspective
comparatiste. Au colloque tenu à Rome en mai 1981 «Épigraphie et ordre
sénatorial», j'avais essayé de montrer que le moment où une famille accè
de à la dignité sénatoriale (ou, par exemple, l'exercice d'un premier
consulat) n'était pas en soi le thème de réflexion le plus fructueux : d'une
part le milieu d'origine et les conditions d'élévation de la famille, d'autre
part - et surtout - la continuité de la lignée intéressaient plus directement
les historiens. À propos des clarissimes d'Afrique consulaire qui étaient
mon lot dans cette rencontre, j'avais choisi de ne pas me limiter au pre
mier clarissime de chaque famille, ou de ne pas proposer un simple
inventaire de tous les sénateurs (les seuls hommes par conséquent) réper-
toriables pour la région et la période considérées, mais au contraire de
reconstituer, dans la mesure du possible, les familles elles-mêmes avec
leur réseau d'alliances - d'où le soin mis à comptabiliser aussi les fem
mes. Ce dossier permet ainsi de vérifier que les familles clarissimes
d'