Pourquoi des exercices de grammaire ? - article ; n°1 ; vol.33, pg 6-21
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Description

Langue française - Année 1977 - Volume 33 - Numéro 1 - Pages 6-21
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 179
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

J. Basiuji
Pourquoi des exercices de grammaire ?
In: Langue française. N°33, 1977. pp. 6-21.
Citer ce document / Cite this document :
Basiuji J. Pourquoi des exercices de grammaire ?. In: Langue française. N°33, 1977. pp. 6-21.
doi : 10.3406/lfr.1977.4807
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1977_num_33_1_4807Jacqueline Bastuji, Paris-X. Nanterre
POURQUOI DES EXERCICES DE GRAMMAIRE?
1. Langue et métalangue
La nécessité des exercices de grammaire est un principe solidement
ancré dans la tradition scolaire. Ils sont jugés indispensables à l'acqui
sition d'une maîtrise suffisante de la langue française, en même temps
que l'on refuse de les considérer comme une fin en soi, l'essentiel étant,
pour les élèves, la prise de conscience de la diversité des moyens mis
en œuvre pour lire, écrire et communiquer.
A la différence du problème de mathématiques ou des travaux pra
tiques de sciences, qui donnent directement accès à un savoir ou per
mettent de le contrôler, l'utilité de l'exercice de grammaire est donc
conçue comme étrangère à son domaine propre. Inconséquence appar
ente, où se révèle cette curieuse relation entre langue et métalangue
que l'on, a proposé de représenter par le ruban de Moebius. De même
que par torsion d'une bande de papier ou de tissu puis raccordement des
deux extrémités on peut construire un objet dont le dehors s'inverse en
dedans et réciproquement, de même il n'existe pas de frontière clair
ement définissable entre la langue qui se prend elle-même comme objet
d'étude, ce que l'on appelle la métalangue, et la langue dans sa fonction
ordinaire de représentation et de communication avec autrui.
Cette structure complexe de contradiction/continuité pose le pro
blème de l'articulation pédagogique entre le travail sur la langue-objet
et l'ensemble des activités de la classe de français. Si les exercices de
grammaire ne se justifient que par les améliorations qu'ils induisent sur
le « style », la lecture et l'interprétation des textes, comment peut-on,
exception faite de l'orthographe où les fautes se comptent — et encore,
selon un barème arbitraire — , apprécier objectivement les progrès et
surtout les rapporter à des types d'exercices déterminés ? Comme le
rappelaient récemment G. Manesse et J. Pillon, personne n'a encore
vraiment répondu à la question sacrilège de Freinet : « Et si la gram
maire était inutile г ? » Des expériences récentes conduites en Suisse
1. Georgette Manesse et Janette Pillon, Enseigne-t-on le français?, Paris CEDIC,
1975, p. 72. sur des enfants ayant subi des enseignements grammaticaux de type
différent ont montré que les qualités et niveaux de performance étaient
équivalents. De même, selon J. Fauquet, « à Marseille, un professeur
a conservé les mêmes élèves pendant quatre ans sans jamais leur ensei
gner de grammaire : le pourcentage de reçus au BEPC a été exactement
le même que dans les autres classes où la grammaire était enseignée. Cela
donne à réfléchir2 ». Faut-il en conclure que toutes les méthodes se
valent, et qu'à la limite on pourrait se dispenser de tout entraînement
explicite ? A quoi servent réellement les exercices de grammaire ? A
améliorer l'expression écrite, voire orale ? A définir un code comparable
à ceux des langues étrangères ? A développer les processus cognitifs ? A
éclairer les rapports entre pensée et langage ? A élever une barrière
d'abstractions qui renforce les handicaps socioculturels ? Ou tout simple
ment à meubler certaines heures de classe en donnant bonne conscience
aux enseignants ?
1.2. La nature des exercices est partiellement déterminée par la —
ou les — théories grammaticales de référence, mais procède également
d'une idéologie diffuse sur Ja norme linguistique, le rapport à l'autorité,
les modèles de communication scolaire, le statut respectif de l'oral et de
l'écrit, le « style », le savoir comme recherche critique ou comme do
maine constitué, etc.. Or, sur ces deux modes de détermination, mode
grammatical et mode idéologique global, chacun sait que l'enseigne
ment du français langue maternelle est travaillé par une crise profonde.
Crise intellectuelle où les progrès de la linguistique ont mis à nu
les inconséquences et le dogmatisme sclérosant de la grammaire tra
ditionnelle ; en même temps, cette linguistique moderne éclate en un
bourgeonnement d'écoles rivales dont les querelles déconcertent les
non-spécialistes. Crise de société où l'école réfracte à sa manière les
mutations et contradiction socio-économiques de la France contempor
aine : explosion scolaire, invasion des mass-media, incertitudes et af
frontements sur les finalités de l'enseignement, luttes multiformes entre
l'ancien et le nouveau, ou le pseudo-nouveau. L'exercice de grammaire
intéresse la théorie de la langue, mais aussi la pédagogie de l'exercice
scolaire et même l'ensemble des problèmes posés par l'école, tant du
point de vue sociolinguistique (rapports entre langue et société, polit
ique^) de la langue) qu'épistémologiques (rapports entre théorie et
pratique, recherche et vulgarisation).
1.3. Dans le champ interdisciplinaire de la linguistique appliquée
à l'enseignement du français, chacun doit avoir la prudence et l'honnêteté
de se situer par rapport aux rôles sociaux qu'il joue, réellement ou
fictivement. Suis-je ici linguiste ou pédagogue ? Et si je prétends être les
deux à la fois, comment s'opère concrètement la synthèse entre les
expériences simultanées, ou décalées, d'aujourd'hui et d'autrefois ? —
Celui qui parle ou écrit est lui-même interpellé par la situation d'énoncia-
Jacqueline 2. De la Fauquet théorie et de Bernard la langue Veck, à son Pratiques, enseignement, n° 6, septembre Entretien avec 1975, J.-C. pp. 5-12. Chevalier, tion qu'il se donne et qu'on lui donne, et déterminé par l'enchevêtrement
des relations sociales dont sont issues les expériences et observations
que l'on dit « personnelles » et sur lesquelles il construit son discours.
Tout discours est interdiscours, et tout particulièrement quand il s'agit
comme ici de vulgarisation, de pédagogie, d'expérimentation et de
discussion collectives sur les raisons et les effets dune pratique scolaire
donnée. Aussi cet article empruntera-t-il l'essentiel de sa matière aux
diverses communautés de travail auxquelles appartient l'auteur — lin
guistes des universités, étudiants, enseignants en recyclage, groupes de
recherche 3 — , ainsi qu'à divers manuels en usage dans l'enseignement
élémentaire ou secondaire. Que chacun soit remercié pour son concours,
volontaire ou involontaire.
1.4. On regrettera que cet échange entre spécialistes et pédagogues,
qui est rigoureusement indispensable à la rénovation de l'enseignement du
français et n'implique la suprématie ni des uns ni des autres, soit en fait
si insuffisamment pratiqué et encouragé. Les équipes de recherche ne
regroupent qu'un nombre réduit d'enseignants, et travaillent dans des
conditions moralement et financièrement précaires. Si l'enseignement él
émentaire fait d'importants efforts de formation et de recyclage, le second
degré ne prévoit aucun aménagement d'horaire pour la formation théo
rique et professionnelle des enseignants en exercice : curieuse anomalie
dans un pays où le droit de chacun à la formation permanente est reconnu
depuis 1971. A ces difficultés, qui sont principalement économiques, s'en
ajoutent d'autres qui tiennent au cloisonnement du monde enseignant (et
de la société française), et au divorce qui s'y observe entre théorie et
pratique : d'un côté le terrorisme intellectuel que l'on impute à tort ou
à raison aux linguistes, et de l'autre, la timidité des pédagogues, la mé
fiance des officiels, et la tentation de l'affairisme dans la rédaction des
nouveaux manuels.
En conséquence, on cherchera moins ici à définir des modèles dire
ctement applicables qu'à proposer aux enseig

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