Qu est-ce que la République des Lettres ? Essai de sémantique historique - article ; n°1 ; vol.147, pg 473-502
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Qu'est-ce que la République des Lettres ? Essai de sémantique historique - article ; n°1 ; vol.147, pg 473-502

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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1989 - Volume 147 - Numéro 1 - Pages 473-502
Françoise Waquet, Qu'est-ce que la République des Lettres ? Essai de sémantique historique. — Bibliothèque de l'École des chartes, t. 147, 1989, p. 473-502.
En s'appuyant sur d'amples recherches lexicologiques, l'auteur étudie l'origine et l'évolution du concept de « République des Lettres » à l'époque moderne.
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 50
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Françoise Waquet
Qu'est-ce que la République des Lettres ? Essai de sémantique
historique
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1989, tome 147. pp. 473-502.
Résumé
Françoise Waquet, Qu'est-ce que la République des Lettres ? Essai de sémantique historique. — Bibliothèque de l'École des
chartes, t. 147, 1989, p. 473-502.
En s'appuyant sur d'amples recherches lexicologiques, l'auteur étudie l'origine et l'évolution du concept de « République des
Lettres » à l'époque moderne.
Citer ce document / Cite this document :
Waquet Françoise. Qu'est-ce que la République des Lettres ? Essai de sémantique historique. In: Bibliothèque de l'école des
chartes. 1989, tome 147. pp. 473-502.
doi : 10.3406/bec.1989.450545
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1989_num_147_1_450545QU'EST-CE QUE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES ?
ESSAI DE SÉMANTIQUE HISTORIQUE
par
Françoise WAQUET
« La République des Lettres est formée des hommes de lettres et des
savants de tous pays. Notez que les savants y jouent un rôle plus important
que les poètes et que République des Savants, comme on dit en Allemagne,
serait un terme plus exact. C'est un Etat fort démocratique : la naissance
n'y joue aucun rôle ; seul le savoir place chaque citoyen à son rang. Les dif
férences de nationalité s'effacent aussi bien que les différences de
religion... La République des Lettres a une langue, internationale comme
elle, le latin, et plus tard le français. Le premier devoir de chaque citoyen
est de servir les 'lettres', et le moyen d'y parvenir, c'est le système des
échanges. Cela se fait par une vaste correspondance dont le réseau s'étend
sur l'Europe entière, et qui forme le lien réel entre les citoyens de cette
République idéale... On fait aussi des échanges de livres et de manuscrits
précieux » 1.
Donnée par Annie Barnes en 1938, cette définition se retrouve, implic
itement ou explicitement, chez la plupart des auteurs qui, depuis, ont traité
de la République des Lettres 2. Ceux-ci, en effet, ne se sont point interrogés
1. Annie Barnes, Jean Le Clerc (1657-1736) et la République des Lettres, Paris, 1938,
p. 13-14.
2. Voir, notamment : Paul Dibon, Les échanges épistolaires dans l'Europe savante du
XVIIe siècle, dans Revue de synthèse, nos 81-82, 1976, p. 31-50; id., Communication in the
Respublica literaria of the 1 7th century, dans Res publica literarum, studies in the classical
tradition, t. I, 1978, p. 43-55; Richard J. Schoeck, Sir Thomas Browne and the Republic of
Letters, introduction, dans English language notes, special issue Sir Thomas Browne and the
Republic of Letters, t. 19, 1982, p. 299-312. La thèse de Max Kirschstein, Klopstocks
deutsche Gelehrtenrepublik, Berlin, 1929, est surtout riche d'informations pour le
XVIIF siècle. La notice « République des Lettres » du Dictionnaire historique, thématique et
technique des littératures..., Paris, 1986, ne présente, dans la perspective de cet article,
guère d'utilité. Je n'ai pu faire mon profit de : Krzysztof Pomian, Utopia i Poznanie
Historyczne : ideal République des Lettres i narodziny postulatu obiektywnosci historyka, dans
Studia Filozoficzne, t. 40, 1965, p. 21-76 (résumé en anglais) ; Hans Bots, Republiek derLet-
Bibliothèque de l'Ecole des chartes, t. 147, 1989. FRANÇOISE WAQUET 474
sur d'autres sens que l'expression aurait éventuellement pris. Ils ont, en
outre, placé le XVIIe et le début du XVIIIe siècle au centre de leurs re
cherches. Ainsi, leurs études empruntent beaucoup aux contemporains de
Saumaise, elles accordent un intérêt particulier à la pensée de Bay le et elles
trouvent dans la définition donnée par Voltaire une heureuse conclusion.
On ne manque pas, il est vrai, de rappeler que Respublica literaria se
rencontre déjà dans Y Antibarbarorum liber d'Erasme ; mais, généralement,
cette constatation trouve en elle-même sa propre fin.
Enfin, si l'on s'est appliqué à décrire le fonctionnement et l'organisation
de la République des Lettres, à en présenter les citoyens, on s'est bien
moins attaché à étudier l'origine et l'évolution du concept lui-même. Fritz
Schalk, toutefois, a vu, derrière l'expression Respublica literaria relevée
chez Erasme, l'adoption consciente du modèle intellectuel représenté par
l'Académie platonicienne 3. Une telle hypothèse ne manque en soi ni de
séduction, ni d'intérêt; de surcroît, participant du débat entre vie active et
vie contemplative, elle a l'avantage de se raccorder exactement à l'interpré
tation que Reinhart Koselleck a donnée de la République des Lettres à
l'époque de Bayle. Mais, pour emporter pleinement l'adhésion, il aurait
fallu qu'elle s'appuyât sur des preuves documentaires plus nombreuses ou,
du moins, plus convaincantes. R. Koselleck, quant à lui, analyse la Répub
lique des Lettres dans le cadre d'une étude plus ample consacrée à l'Etat
absolu. Pour l'homme désormais exclu de toute fonction politique, la Répub
lique des Lettres demeure le seul espace de liberté, le lieu où il peut exer
cer sa critique, encore celle-ci ne doit-elle point s'attaquer à l'Etat. Un équi
libre fragile s'établit à l'époque de Bayle ; il se rompt à la génération sui
vante, lorsque la division entre l'homme et le sujet n'est plus acceptée,
lorsque la critique soumet l'Etat à sa propre sentence 4. Je reviendrai sur
cette analyse de la République des Lettres comme réplique à l'absolutisme.
Dès maintenant, toutefois, il est clair qu'une telle interprétation d'ordre
teren : ideaal en Werkelijkheid..., Amsterdam, 1977. Signalons ici que la définition donnée
par Annie Barnes n'est, cependant, pas exclusive d'une autre acception que l'on rencontre
fréquemment dans bien des travaux portant sur les XVIP et XVIIF siècles : l'expression
« République des Lettres » est alors employée pour désigner, de façon générale, les savants,
les gens de lettres. Dans nombre de cas, elle n'est qu'une étiquette commode permettant de
recouvrir élégamment une description des cadres et des formes de la vie intellectuelle à
l'époque moderne; je pense, par exemple, à l'ouvrage, d'ailleurs excellent, intitulé : Res
publica litteraria, die Institutionen der Gelehrsamkeit in der frühen Neuzeit, Wolfenbüttel,
1987.
3. Fritz Schalk, Erasmus und die Res publica literaria, dans Actes du Congrès Erasme...,
Rotterdam, 27-29 octobre 1969, Amsterdam, London, 1971, p. 14-28.
4. Reinhart Koselleck, Critica illuministica e crisi délia société borghese, Bologna, 1972
(éd. orig. : Freiburg, München, 1959), chap. II, 5. QUE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES? 475 QU'EST-CE
exclusivement politique ne saurait totalement rendre compte de ce qui est
aussi une forme de sociabilité savante.
Il m'est apparu nécessaire de commencer par cerner au plus près le con
cept de République des Lettres. A cette fin, j'ai mis à profit les occurrences
de l'expression relevées par mes prédécesseurs. Il n'était pas inutile d'enri
chir ce corpus en procédant à des dépouillements supplémentaires. C'est
ce que j'ai pris le soin de faire en ayant le souci de dépasser les limites
chronologiques et géographiques généralement retenues. Je me suis, en
outre, attachée à noter les formes dérivées et associées, les expressions
synonymes et équivalentes 5. C'est assurément une approche austère, mais
une telle rigueur était ici préférable au brillant de constructions a priori.
Cette enquête documentaire fournit par elle-même quelques leçons. Elle
nous apprend que la première occurrence connue de l'expression Respu-
blica literaria date de 1417. Cette mention, dont nous devons le signale
ment à Elizabeth Eisenstein, figure dans une lettre de Francesco Barbaro
au Pogge. L'humaniste vénitien remercie son ami de lui avoir communiqué
la liste des manuscrits qu'il a découverts pendant son voyage en Allemagne
et, plus généralement, de travailler pro communi utilitate. Des éloges
particuliers doivent donc être décernés au Pogge comme à ceux qui huic lit-
terariae Reip. plurima adjumenta atque ornamenta contulerunt6. Les re
cherches

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