Quelques fantasmes érotiques et perversions d objet dans la littérature gréco-romaine - article ; n°2 ; vol.94, pg 823-842
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1982 - Volume 94 - Numéro 2 - Pages 823-842
Danielle Gourevitch, ~~Quelques fantasmes érotiques et perversions d'objet dans la littérature gréco-romaine~~, p. 823-842. Le rêve érotique inspire à Horace un récit désinvolte qu'il situe à Trivicum; il inquiète beaucoup au contraire la conscience morale d'Augustin. L'Antiquité connaît le fantasme, œuvre de l'imagination, et sait même envisager à ce propos le problème des rapports du conscient et de l'inconscient. Dans la perspective psychanalytique, le fantasme réalise l'accomplissement inconscient d'une situation interdite et désirée. Ce sont certains fantasmes érotiques avec perversion d'objet qui sont ici examinés, d'après les textes grecs et latins, en particulier la nécrophilie et l'agalmatophilie dans lesquelles le sujet a des relations sexuelles avec un mort ou avec une statue. Ces conduites n'intéressent ni le médecin ni le philosophe de l'Antiquité, et il faut attendre le XIXe siècle post-romantique pour que le médecin sache les voir d'abord, puis les expliquer.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 134
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Danielle Gourevitch
Quelques fantasmes érotiques et perversions d'objet dans la
littérature gréco-romaine
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 94, N°2. 1982. pp. 823-842.
Résumé
Danielle Gourevitch, Quelques fantasmes érotiques et perversions d'objet dans la littérature gréco-romaine, p. 823-842.
Le rêve érotique inspire à Horace un récit désinvolte qu'il situe à Trivicum; il inquiète beaucoup au contraire la conscience morale
d'Augustin. L'Antiquité connaît le fantasme, œuvre de l'imagination, et sait même envisager à ce propos le problème des rapports
du conscient et de l'inconscient.
Dans la perspective psychanalytique, le fantasme réalise l'accomplissement inconscient d'une situation interdite et désirée. Ce
sont certains fantasmes érotiques avec perversion d'objet qui sont ici examinés, d'après les textes grecs et latins, en particulier la
nécrophilie et l'agalmatophilie dans lesquelles le sujet a des relations sexuelles avec un mort ou avec une statue.
Ces conduites n'intéressent ni le médecin ni le philosophe de l'Antiquité, et il faut attendre le XIXe siècle post-romantique pour
que le médecin sache les voir d'abord, puis les expliquer.
Citer ce document / Cite this document :
Gourevitch Danielle. Quelques fantasmes érotiques et perversions d'objet dans la littérature gréco-romaine. In: Mélanges de
l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 94, N°2. 1982. pp. 823-842.
doi : 10.3406/mefr.1982.1344
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1982_num_94_2_1344DANIELLE GOUREVITCH
QUELQUES FANTASMES EROTIQUES
ET PERVERSIONS D'OBJET
DANS LA LITTÉRATURE GRÉCO-ROMAINE
Au cours de l'excursion en plusieurs étapes qui les conduit de Rome à
Brindes, Horace et ses amis s'arrêtent une nuit dans une maison de pau
vre mine, à Trivicum, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Béné-
vent. Ils y passent une soirée médiocre, qui se termine pour le poète par
une aventure qu'on ose à peine qualifier de galante mais que lui-même
rapporte sans la moindre gêne: «Là, dans mon extrême sottise, j'attends
jusqu'au milieu de la nuit une fille menteuse; cependant le sommeil me
prend, tout tendu que je suis vers l'amour. Et tandis que je dors sur le
dos, les visions d'un songe impur souillent mon vêtement de nuit et mon
ventre» (d'après Villeneuve, éd. C.U.F.) (Sat. 5, 82-85). Voilà là un jeune
monsieur qui n'a l'air nullement étonné de ce qui lui est arrivé et qui,
visiblement, en sait long sur le rêve erotique ou oneirögmos1.
En fait, à en croire le poète lui-même, il ne s'agit pas d'un rêve à
proprement parler, mais de la persistance dans le sommeil d'un désir
consciemment éprouvé à l'état de veille. À cela près, Célius Aurélien
aurait pu le citer en exemple après sa définition du rêve erotique: «Du
rant leur sommeil, sous l'effet d'images sans réalité (inanibus uisis), des
patients souffrent d'émissions de sperme . . . En général, ce n'est ni une
maladie, ni même l'accident d'une maladie . . ., mais c'est la conséquence
d'images, auxquelles les Grecs donnent le nom de phantasia, affectant les
patients pendant leur sommeil à cause de l'envie du plaisir sexuel . . .»2.
Ce n'est, dans le cas d'Horace, qu'une forme non pathologique du rêve
erotique, qui pourtant deviendrait inquiétante si elle se répétait, ne serait-
1 Cf. J. Pigeaud, Le rêve erotique dans l'Antiquité gréco-romaine: l'oneirogmos,
dans Littérature, médecine, société, n° 3, Rêve, sommeil et insomnie, 1981, p. 10-
23.
2 Chron. 5, 80, trad. Pigeaud, p. 10.
MEFRA - 94 - 1982 - 2, p. 823-842. 824 DANIELLE GOUREVITCH
ce que parce que cette perte de substance épuise le corps: Caelius lui-
même parle du corpore entrato chez l'homme après le coït (5,178). Le pau
vre Horace était dans les conditions les plus favorables pour avoir un tel
rêve: il avait longuement attendu, et il s'était endormi sur le dos. Or, le
pseudo-Aristote des Problemata, 892 b 15, se demande si cette position
dans le sommeil, propre à l'homme, ne serait pas une cause de ce genre
d'incident; opinion que partage visiblement Caelius qui, lorsqu'une situa
tion pathologique s'installe, conseille au patient de dormir sur le côté,
supra latus tacere (Chron. 5,84).
Sans doute est-ce là un tour que l'imagination joue au corps, mais ce
n'est pas un tour pendable, puisqu'aussi bien ce plaisir sans partenaire
charnel ne diffère pas essentiellement de celui qui naîtrait d'un contact
concret. On voit apparaître un Horace épicurien qui pourrait avoir inspi
ré Diogene d'Oenanda: «Nous accomplissons l'acte d'amour comme à
l'état de veille; il n'est pas pertinent de dire que nous en tirons une joie
vaine parce que nous dormons»3. Le seul problème pour notre volup
tueux poète, c'est qu'il a sali ses habits de nuit. Ce n'est pas un drame non
plus pour Tertullien, qui écrit: Non magis enim ob stupri uisionem dam-
nabimur quant ob martyrii corona.bim.ur (De anima, 10, 45). C'en est un
véritable pour Augustin, très sensible aux tentations de la sexualité : « Mais
vivent encore dans ma mémoire, dont j'ai beaucoup parlé, les images des
choses de ce genre, que mon habitude y a fixées. Elles m'assaillent à l'état
de veille, sans aucune force, il est vrai; tandis que, dans le sommeil, elles
vont non seulement jusqu'à la délectation mais même jusqu'au consente
ment et à quelque chose qui ressemble fort à l'acte lui-même. Et l'illusion
de l'image a tant de force dans mon âme sur ma chair que ces visions
irréelles (falsa uisa) obtiennent de moi pendant le sommeil ce que la
vision des réalités ne peut obtenir quand je suis éveillé. Est-ce que, à ce
moment-là, je ne suis pas moi-même, Seigneur mon Dieu? Et pourtant, il
y a une telle différence de moi-même à moi-même, durant que je passe de
la veille au sommeil ou repasse du sommeil à la veille. Où est alors la
raison qui permet de résister à de telles suggestions quand on est éveillé,
et, si les réalités elles-mêmes se présentent, de rester inébranlable ? Se f er-
me-t-elle avec les yeux? S'endort-elle avec les sens du corps? Mais d'où
vient que souvent, même pendant le sommeil, nous résistons, et que, nous
souvenant de notre ferme propos, nous y persévérons en toute fidélité,
sans accorder aucun assentiment aux séductions de ce genre? Et pourt
ant, il y a une telle différence que, si cela se passe autrement, nous
3 Cf. Pigeaud, p. 16. EROTIQUES ET PERVERSIONS D'OBJET 825 FANTASMES
retrouvons au réveil le repos de la conscience : la distance même entre les
deux états nous découvre que ce n'est pas nous qui avons fait cela; et cela
cependant s'est fait en nous de quelque façon, et nous le déplorons. Est-
ce que ta main n'a pas la puissance, ô Dieu tout-puissant, de guérir toutes
les langueurs de mon âme, et par un surcroît de ta grâce, d'éteindre jus
qu'aux mouvements lascifs de mon sommeil? Tu augmenteras, Seigneur,
de plus en plus en moi tes dons, afin que mon âme me suive vers toi,
dégagée de la glu de la concupiscence; afin qu'elle ne soit pas en rébel
lion contre elle-même, et que, dans le sommeil aussi non seulement elle
ne consomme pas ces turpitudes dégradantes sous l'influence d'images
sensuelles, jusqu'à l'effusion charnelle, mais qu'elle n'y consente même
pas» (Conf. 10, 30, 41-42). Ce qui intéresse Augustin dans cette page dou
loureuse, ce n'est pas tant les rapports de l'âme et du corps que cette
espèce de partition de l'âme (tantum interest inter me ipsum et me ipsum)
dont il n'est pas le maître: la partition entre le conscient et l'inconscient,
comme dira Freud qui malheureusement ne devait jamais lire Augustin4.
Dans cette perspective d'opposition entre le conscient et
les tours de l'imagination peuvent devenir des fantasmes. Cette distinc
tion entre créatrice et le fantasme produit est connue de la
tradition grecque, comme en témoigne Caelius Aurelianus: la phantasia
(subst. f.) est la faculté de se représenter des images sucitées à l'origine
par des sensations, et

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