Quelques souvenirs de Tahiti de 1942 à 1945 (2e partie) - article ; n°2 ; vol.95, pg 251-274
25 pages
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Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1992 - Volume 95 - Numéro 2 - Pages 251-274
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 180
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Claude Lestrade
Quelques souvenirs de Tahiti de 1942 à 1945 (2e partie)
In: Journal de la Société des océanistes. 95, 1992-2. pp. 251-274.
Citer ce document / Cite this document :
Lestrade Claude. Quelques souvenirs de Tahiti de 1942 à 1945 (2e partie). In: Journal de la Société des océanistes. 95, 1992-
2. pp. 251-274.
doi : 10.3406/jso.1992.2624
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1992_num_95_2_2624souvenirs de Tahiti de 1942 à 1945 (2e partie) Quelques
par Claude LESTRADE
pour les « Messageries Maritimes » avant d'être Les gens en uniforme.
mobilisé, puis par le commandant Villebois (de son
vrai nom Pierre Mariotti), un Calédonien qui eut
Étant donné l'époque, les gens en uniforme une belle conduite à la guerre, puis par le command
étaient nombreux dans l'île. L'armée terrestre locale ant Pirault qui avait été garagiste dans le
— commandée par le commandant Lorote, puis « civil » : Ce dernier se faisait remarquer par un
par le lieutenant-colonel Bouillon, était équipée à curieux comportement. Il prétendait avoir partie
l'Anglaise : short kaki, calot anglais, casque métal llement oublié le Français au cours d'un bref séjour
lique anglais. Les hommes se rendaient à l'exercice en Angleterre : «Mon jardinier, disait-il, cultive
en chantant des chants tahitiens vantant les mérites, des... comment dites-vous ?... « vegetables » »... ou
non du corps d'armée, mais de celui, plus convainc bien : « Pourriez- vous, if you please, me prêter un...
ant, de la femme polynésienne. Outre l'exercice et comment dites- vous?... «pencil»... pour écrire?»
les manœuvres, la principale activité de ces vail Le commandant Pirault avait fait décorer sa mai
lantes troupes semblait être chorégraphique, car à son par le peintre Nicolas Mordvinoff. Un beau
chaque fête, troquant l'uniforme contre le paréo ou jour, le sous-lieutenant Ruben Mirimanoff dit à
le «moré», les militaires offraient au public un l'un de ses amis : « Pirault donne une grande récep
agréable spectacle de danse au son des chants et des tion pour le vernissage de ses peintures, rendez-
tam-tams... ce qui provoquait parfois les réflexions vous chez lui pour tout le monde, tel jour à telle
ironiques de certains spectateurs qui doutaient de heure. Qu'on se le dise ! ». On se le dit, en effet car
l'efficacité d'une telle pratique en cas d'attaque à l'heure et au jour prévus, une bonne cinquantaine
japonaise... mais nul ne peut plaire à tout le monde. de personnes des deux sexes se présentaient à la
Quoi qu'il en soit, le service armé à Tahiti pendant résidence de la Marine. Le commandant, l'air fort
la guerre ne semble pas avoir été un calvaire ; la surpris, les reçut, en robe de chambre, dans son
discipline était plutôt élastique et le régime al salon où, visiblement, rien n'était prévu pour une
imentaire manquait d'austérité : deux desserts à réception : « Vous désirez ?... Que puis-je faire pour
chaque repas ; par exemple « ice-cream et chou à la vous?». Les arrivants, décontenancés, ne savaient
crème ». Sans doute le « Bataillon du Pacifique », que dire, et, après avoir échangé avec le maître de
sous les obus de Rommel, dans les sables du Dése maison quelques paroles embarrassées, préférèrent
rt, n'était-il pas logé à la même enseigne, mais tout s'éclipser au plus vite, sans savoir s'il s'agissait d'un
cela était géographiquement bien loin... canular ou d'un quiproquo. L'histoire provoqua
Le 19 août 1941, le gouverneur Brunot avait créé l'hilarité dans toute la ville, et, comme, à Tahiti,
une petite force paramilitaire au nom patriotique- presque tout finit par des chansons, l'on en
ment évocateur, la « Légion Valmy » destinée à sou composa une à ce sujet. Le docteur Rosmorduc,
tenir l'action gaulliste. Par la suite, le gouverneur bien qu'il ne l'avouât pas, fut soupçonné d'en être
Orselli avait conservé cet organisme pour en faire l'auteur. Elle était écrite sur l'air d'une chanson
une sorte de police. Il y avait même une section d'étudiants bien connue à l'époque, intitulée «Le
féminine, commandée par Anna Lagarde (fille du bal de l'Hôtel-Dieu ». Citons-en trois strophes :
chef du service des Douanes et des contributions) « L'autre jour, Monsieur Mirimanoff, — quant à l'élément masculin il eut d'abord à sa Du haut de sa montu - re, tête le lieutenant Guy (sous-officier promu offi Nous dit «Y'a Pirault et Mordvinoff cier par le gouverneur Brunot),puis le lieutenant Qu'exposent de bell' peintu - res
Georges Lang et enfin le capitaine Doucet, officier
à la retraite que le gouverneur Brunot avait rendu «Alfonsi, son cercueil dans la poche, à la vie active. L'uniforme, taillé par un chinois Arrive en bell' voitu - re,
dans un tissu « blue-jean », tranchait sur le kaki des Et s'dit : « même si les tableaux sont moches, fantassins et le blanc immaculé de la marine. J'boirai des bonn' mixtu - res».
La marine quant à elle fut, entre 1942 et 1945,
commandée successivement par le commandant La chanson décrivait l'arrivée de plusieurs des pré
tendus convives, un couplet étant consacré à cha- Artigue, un joyeux méridional qui avait navigué 252 SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
cun. Le «cercueil» d'Alfonsi était une allusion à d'équitation et fonda à Tahiti, la paix revenue, un
celui, qu'il avait reçu d'un expéditeur anonyme. La club hippique qu'il baptisa « Club des mordus »
«monture» de MirimanoflF rappelait le fait qu'il («mordus d'équitation, bien entendu» ajoutait-il
était très fréquemment à cheval. L'auteur faisait dans sa publicité sur le « Bulletin de Presse »).
dire au commandant, s'adressant aux visiteurs inat Le lieutenant Ganuchot, de l'aéronavale, grave
tendus : ment blessé en service commandé dans un accident
d'avion, avait ensuite, été affecté à Tahiti. Sa «Je vous offrirais bien, mes amis, compagne, Simone Lucas, s'occupait de lui avec Sandwiches et confitu - res
dévouement — Un jour, prenant le courrier dans la Arrosés de gin et de whisky,
boîte aux lettres, elle poussa un cri et fondit en Mais j'pense à la factu - re. »
larmes « Mon Dieu ! C'est terrible ! Tu es envoyé
Le commandant arborait en permanence, par en mission à Moscou ! ». Surpris, l'officier examina
dessus l'uniforme tropical (chemisette et short le papier que lui tendait la jeune femme : il s'agis
blancs) un épais blouson de cuir brun que le climat sait d'un papillon publicitaire pour un film intitulé
et la température ne justifiaient nullement. Il tenait « Mission à Moscou » !
à la main (également en permanence), un morceau En mai 1987, le journal tahitien « La Dépêche»
de bambou d'au moins cinquante centimètres de annonçait la mort du Commandant André Praud,
long. Peut-être en cela voulait-il imiter les officiers décédé en France le mois précédent à 94 ans, dont
anglais qui ont un «stick»... mais le «stick» plus de 60 dans la marine. Le journal, à cette occane fait généralement pas plus d'un ou deux sion, consacrait une page entière à de grandes pho
centimètres de diamètre tandis que le bambou du tographies du Commandant, de ses hommes et de
commandant en faisait au moins dix, ce qui pro ses navires, mais je crois qu'il aurait dû parler
duisait un effet bizarre. davantage de cette existence bien remplie et riche
Outre les commandants, plusieurs officiers enca en aventures. Il avait fait son premier «Tour du
draient l'armée et la marine. Certains d'entre eux Monde » à seize ans sur le trois-mâts « Michelet »
s'étaient évadés de France et avaient changé de et avait été fusilier marin en 1914 ; capturé par les
nom pour éviter des ennuis à leurs familles... ce fut, Allemands, il s'était évadé, avait repris le combat,
par exemple, le cas de l'enseigne Montaigne, dont et avait été grièvement blessé. Rétabli, il s'était
le pseudonyme d'inspiration littéraire cachait un porté volontaire pour les Dardanelles sur le croi
nom littéraire également, car il s'

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