Réalités et illusions - article ; n°1 ; vol.25, pg 73-85
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Description

Communications - Année 1976 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 73-85
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Hubert Brochier
Réalités et illusions
In: Communications, 25, 1976. pp. 73-85.
Citer ce document / Cite this document :
Brochier Hubert. Réalités et illusions. In: Communications, 25, 1976. pp. 73-85.
doi : 10.3406/comm.1976.1381
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1976_num_25_1_1381Hubert Brochier
Réalités et illusions dans la régulation
étatique de l'activité économique
La crise comme nécessité et comme politique
La notion de crise connaît chez les économistes, un sort paradoxal. A peu
près absente des œuvres de la génération des fondateurs, elle a constitué à partir
du milieu du xixe siècle un des points nodaux autour desquels s'est développée la
formalisation de la connaissance économique — et ceci pendant près d'un siècle.
Comme il arrive fréquemment, l'objet de l'investigation s'est déplacé au cours du
processus de production théorique : aujourd'hui la « science économique » contem
poraine n'analyse plus les « crises », mais les fluctuations de l'activité économique,
et même finalement les politiques de stabilisation.
Et voici que par une soudaine ironie de l'histoire, c'est au moment où les
crises semblaient définitivement exclues du vocabulaire scientifique de l'écono
mie, au nom de la capacité reconnue aux politiques étatiques de promouvoir
une croissance stable, que le phénomène fait retour avec brutalité. Certes, le
terme de crise n'a pas encore réapparu dans les hauts lieux de la science offi
cielle, mais il prolifère dans les marécages mass-médiatiques et dans les repré
sentations qui en sont nourries. Que l'on parle de crise, ne signifie pas, bien
entendu, que la notion doive revenir en force dans la problématique théorique ;
il est cependant certain que l'attention des chercheurs est d'ores et déjà attirée
à nouveau par la nature et les mécanismes de la crise — problèmes qui n'ont
reçu, il faut bien le dire, aucune solution définitive ou exhaustive, qui ne ren
contrent parmi les spécialistes aucun consensus. En fait la majorité des éco
nomistes ont ressenti le développement de la crise comme un démenti cinglant
à leur prétention de maîtriser, analytiquement et pratiquement, le système
de régulation des économies capitalistes ; pour eux, le retour de la crise, c'est
d'abord la crise de la théorie.
Quant aux marxistes, leurs analyses paraissent beaucoup plus convaincantes
et ils peuvent, sur plus d'un point triompher. Reste que leurs prévisions ne
lonctionnent que rétrospectivement, sur le mode du : « je vous l'avais bien dit ».
Impossible, aujourd'hui même, de dégager un accord sur la nature du phénomène,
son ampleur ses effets. Est-ce un simple épisode de la «crise permanente et ram
pante du capitalisme »? Une crise « structurelle » qui annonce des transformat
ions de grande ampleur (mais lesquelles?) ou même les prémisses de la grande
crise, prélude à l'apocalypse finale du capitalisme? On n'essaiera pas de
confronter les réponses des auteurs marxistes sur ces divers points. .
Pour comprendre ce qu'il en est du concept de crise dans la connaissance éc
onomique d'aujourd'hui, nous devrons exposer comment s'est formée la théorie
73 Hubert Brochier
des crises et comment elle a fait place à celle du cycle, elle-même supplantée
par l'idée et la pratique d'une politique de stabilisation, puis comment et pour
quoi- s'est effondrée cette illusion, et les subtiles stratégies qui se déploient
aujourd'hui sous le prétexte de « gérer la crise ».
De la négation des crises à V explication de leur récurrence.
La notion de crise en économie apparaît d'abord liée à des phénomènes natur
els ou historiques tels que mauvaises récoltes: génératrices de famines, guerre
civile ou étrangère produisant les mêmes résultats. E. Labrousse en. a donné
pour l'Ancien Régime, une analyse célèbre; montrant, notamment pour la
crise de 1788-1790 comment la mauvaise récolte de blé raréfie les quantités négo
ciables et provoque ainsi la misère de la masse paysanne, mais aussi celle des
villes et la baisse du revenu populaire. Seuls les propriétaires fonciers, quelques
paysans riches voient s'accroître leurs revenus. Les masses rurales connaissent
la disette et les masses urbaines voient la cherté du pain s'ajouter aux effets
du chômage industriel.
Ce type de crise est évidemment lié à la prédominance de l'économie agri
cole et de la production des biens de première nécessité. Au fur et à mesure
que l'économie s'industrialisera, les crises changeront de caractère et c'est seu
lement dans la seconde moitié du xixe siècle qu'apparaîtront les crises d'allure
proprement contemporaines, caractéristiques d'un capitalisme déjà affermi. L'his
toire des théories des crises suivra le phénomène avec un certain décalage. On
peut considérer 'qu'elle, commence par une négation du phénomène avec la
fameuse « loi des débouchés » de J.-B. Say dans laquelle celui-ci énonçant que
« les produits s'échangent contre les produits » s'attache à démontrer l'impos- -
sibilité d'une crise générale de surproduction. En dépit de quelques polémiques
avec ses contemporains, Sismondi, Malthus, Ricardo, et de quelques rectif
ications pour faire une place à l'évidence, la célèbre formule.de Say ne sera
réfutée qu'en 1936, lorsque Keynes fera triompher le principe de la demande
effective. Mais entre-temps, des esprits plus sensibles à l'évidence historique,
ont été frappés par le retour régulier des crises économiques et ont commencé
à en faire une description détaillée et à en rechercher des explications. L'idée
d'un retour périodique est énoncée par Clément Juglar, en 1860, dans un ouvrage
intitulé des crises commerciales et de leur retour périodique. En 1878, elle est reprise
par S. Jevous dans son livre The periodicity of commercial crises and its physical
explanation. Dès lors est ouverte une veine de la recherche économique qui va
provoquer la naissance de travaux ■ considérables, jusqu'à la Seconde . Guerre ■
mondiale.
Dans ce premier temps le concept de crise est donc utilisé dans le droit fil
de ses connotations médicales : il sert à distinguer le . pathologique du normal,-
à mettre en évidence une morbidité sociale dont on recense par ailleurs les effets
au niveau de la natalité et de la mortalité. Mais la répétition des crises pendant
le xixe siècle et le début du xxe va focaliser l'attention sur une dimension par
ticulière du phénomène : sa récurrence dans le temps.:
De la théorie des crises à la théorie des cycles.
La périodicité des crises devient, plus que les crises elles-mêmes, l'objet de
la théorie. On cherche d'abord des explications de cette récurrence dans l'envi-
74 Réalités et illusions
ronnement *, puis dans le fonctionnement même de l'économie : assez rapidement
toutes les explications deviennent endogènes. On est alors passé d'une théorie des
crises à une théorie des fluctuations; en même temps ces fluctuations appa
raissent dotées de propriétés, repérables statistiquement et analysables mathé
matiquement : on les décrit comme cycliques. On est donc ainsi parvenu à la
notion et à la théorie du cycle qui va marquer un temps fort dans l'étude scien
tifique des variations de l'activité économique.
Cette problématique - présente les caractéristiques principales suivantes :
— Les crises en tant que processus de résolution, phénomènes de rupture
et de réorganisation ne sont plus au centre des préoccupations. • On cherche
avant tout les équations d'ajustement qui reproduisent les fluctuations stati
stiquement constatées et à trouver des points d'inflexion (turning points) dont
la définition n'est plus nécessairement celle d'une crise.
— Les cycles eux-mêmes restent assez mal définis statistiquement. La plus
grande partie des auteurs s'attache au cycle majeur, dit cycle Juglar par Schum-
peter, qui dure de huit à onze

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